Les penseurs, classifieurs, organisateurs et autres thésards qui peuplent le gentil monde du Metal s’arrachent régulièrement les cheveux sur le cas System Of A Down.
Ils aimeraient étiqueter le groupe, lui agrafer « Neo Metal » sur le front puis le ranger bien proprement en rayon aux côtés des Korn, Deftones et consorts.
Pas si simple.

S’il est vrai que System Of A Down est contemporain des dépressifs désaccordés de la côte ouest des Etats-Unis, il n’a pourtant que peu de liens avec eux.
En termes de composition mais surtout de démarche artistique, les quatre arméniens affirment une identité très prononcée et absolument unique.

C’est justement ce qui, dès ce premier album, fait de ce groupe un phénomène musical du XXIème siècle.
Rares sont les artistes qui imposent, dès les premières notes, une si forte personnalité.
System Of A Down, n’en déplaise aux critiques, joue du System Of A Down. Ni plus ni moins.
Si Suite-Pee et Know cultivent une part de doute - on sent le groupe prêt à basculer à tout instant dans un classicisme regrettable - il faudra la démentielle Sugar pour asseoir la réputation de la bande et offrir au monde la folie de ces quatre cerveaux déglingués.
Une fois ce fatidique cap franchit, nul retour possible. Tout l’album est à l’avenant, fou (Suggestions), dérangé (Peephole), bestial (War ?), beau à pleurer (Spiders).

Bien sûr, tout n’est pas parfait. La spontanéité de l’album et les caractères déviants non maîtrisés de ces membres occasionnent quelques ratages et moments plus faibles. Quelques longueurs également.
Mais cet album, s’il avait subi un polissage trop appuyé ou une censure de studio, n’aurait pas été le même. Et System Of A Down ne serait assurément pas ce qu’il est aujourd’hui. Les imperfections de ce premier opus font son identité, le rendent attachants, inimitable.
Il fallait cette première bafouille – de haute volée la bafouille – pour préparer la venue au monde des chefs-d’œuvre que seront Toxicity ou Mezmerize.
Influences orientales, rythmes disloqués, hurlements, chant clair, chœurs, soli sans queue ni tête, les arméniens se permettent tout.

Plus qu’un simple album dans la vaste constellation du Metal, le premier effort de System Of A Down est une déclaration d’émancipation, un rêve de liberté créatrice. Libéré de tout carcan, System Of A Down interprète ici exactement ce qui lui tient à cœur avec une sensibilité à fleur de peau. Le Metal et la saturation ne sont que vecteurs pour une fureur incontrôlable et retrouvent enfin leurs lettres de noblesses.
Cet album éponyme est simplement beau. Musicalement beau. Mais d’abord et avant tout, beau pour ce qu’il représente, pour sa démarche et pour avoir offert leur première vraie fenêtre artistique aux quatre très grands artistes protéiformes que sont Serj Tankian, Daron Malakian, Shavo Odadjian et John Dolmayan.


https://www.youtube.com/watch?v=Ee52ezoNA9w
-IgoR-
8
Écrit par

Créée

le 27 avr. 2014

Critique lue 1.8K fois

47 j'aime

8 commentaires

-IgoR-

Écrit par

Critique lue 1.8K fois

47
8

D'autres avis sur System of a Down

System of a Down
Nhibel
10

Critique de System of a Down par Nhibel

L'un des premiers albums "metal" sur lequel j'ai posé mes oreilles, au début des années lycées... Je sais pas si c'est sentimental ou autre, mais cet album reste de loin mon préféré des SOAD, sombre,...

le 20 déc. 2011

15 j'aime

3

System of a Down
Venomesque
9

Le premier missile

System of a Down est un groupe étrange : estampillé "néo metal" mais ayant toujours fermement rejeté cette étiquette ainsi que toute forme d'étiquette, jouit d'une popularité et d'une aura égale (si...

le 11 août 2020

7 j'aime

6

System of a Down
QueenyHarvey
8

Avant les harmonies, la folie. La vraie.

Il y a dans cet album quelque chose que SOAD ne retrouvera jamais. Peut être cette démence quasi-bestiale (il n'y a qu'à voir leurs gueules à l'époque). "Suite-Pee", "War?" ou "P.L.U.C.K." sont des...

le 22 déc. 2011

5 j'aime

Du même critique

Les Lumières de la ville
-IgoR-
10

Big City Lights

Il est facile de réduire ce City Lights à sa bouleversante scène finale. Elle le vaut bien cependant tant elle se fait la synthèse de ce que le cinéma muet a de meilleur. L’absence de parole est...

le 3 avr. 2014

68 j'aime

13

The Big Lebowski
-IgoR-
9

De temps en temps y a un homme...

Avec ce film, j'ai découvert l’œuvre des frères Coen. Il reste à ce jour l'un de mes favoris. Jeffrey Lebowski (Jeff Bridges), qui se fait humblement appeler "Le Duc", est un fainéant de première...

le 24 nov. 2013

57 j'aime

13

Les Premiers, les Derniers
-IgoR-
8

Feu ! Chatterton

Un ciel sombre, chargé. Au travers filtre un mince rayon de soleil. Bouli Lanners pose l’esthétique qui habillera son film d’un bout à l’autre. Un poing sur la table. Puis il pose ses personnages. Un...

le 30 janv. 2016

56 j'aime

26