Franchement, il serait facile de détester DREAM THEATER et sa virtuosité inouïe, sa mathématique du rythme à couper le souffle, ses articulations façon premier de la classe qui ne veut surtout pas lâcher le morceau après vingt ans de hallebardes électriques. Franchement fastoche de les flinguer, surtout en cette période de retour de flamme qui, depuis le nouveau millénaire, les pousse dans le carré funeste des groupes à vanner, limite has been.

Après l'inégal mais rajeunissant « Octavarium », voici venir « Systematic Chaos » qui, sans être parfait, n'a pourtant rien du nouvel épouvantail à immoler. En huit morceaux se déploient les humeurs lunatiques des virtuoses new-yorkais avec ce côté chaotique annoncée par un titre fort à propos et un propos fort Heroïc Fantasy. Une nouveauté.

On reconnaîtra de ci, de là, des repiquages en règle de recettes déjà utilisées (l'épuisant « Dark Eternal Night » transfuge de « Dance of Eternity » ou les nouvelles réminiscences de PINK FLOYD, RUSH ou PANTERA) tout en admettant que Jordan Rudess devrait quand même s'offrir quelques nouveaux échantillonnages ; la bonne nouvelle est la ligne rythmique où la basse de Myung prend des intonations héroïques (« Constant Motion »). Toujours planqué derrière les quatre cavaliers de l'apocalypse, LaBrie ronronne, murmure, braille moins qu'à l'accoutumé (quoique « In the Presence of Enemies, Pt. 2 » finisse dans le rouge) mais son côté poutre apparente ne peut éviter de jeter un sort au strident en un coup de braguette magique. On pourra une fois encore émettre des réserves sur ces vocalises elliptiques pouvant à l'occasion dévoyer le propos sur des effets de distorsion maladroits. Redevenu chevelu, Petrucci délivre quant à lui son lot habituel de gammes avec la même vélocité que ce soit sur le corseté « In the Presence of Enemies » (largement inspiré du manwha coréen intitulé « Priest ») ou le plus sucré « Forsaken ».

Au passif de ce flot ininterrompu de chaises musicales, de ces loopings à se choper un mal de crâne d'anthologie, « Prophets of War » reste un peu en dedans (le gimmick disco décidemment prisé chez les métalleux décale un poil le sujet de la guerre en Irak) suivi de près par la première tranche franchement barbante de « Ministry of Souls ». Des moments de faiblesse légitimes vu la durée de la chose, très technique, trop peut-être pour en faire systématiquement gicler la substantielle moelle. Et quand DREAM THEATER oublie d'en faire des tonnes pour mieux s'écarter du cahier des charges, il parvient à se rapprocher d'ambiances plus vespérales faisant penser à PORCUPINE TREE – il suffit d'écouter le titre « Repentance », extrait atypique d'un projet maousse d'une plombe axé sur le programme en 12 étapes des Alcooliques Anonymes... La suite étant dores et déjà prévue sur les trois prochains albums. Pour l'occasion il est épaulé dans cette « thérapie » par les copains Jon Anderson, Daniel Gildenlow, Steve Hogarth, Neal Morse et Joe Satriani. Excusez du peu.

Intégrité. Ajoutons qu'il existe une édition spéciale de l'album avec les titres remixé en 5.1 (un son monumental signé Paul Northfield) et un making of d'une heure et demi qui en font l'un des package les plus complet du moment. Voici une forme de respect qui fera conserver sa couronne à la formation new-yorkaise même s'il faut lui rappeler, à l'occasion, que les zigzags compulsifs ne remplaceront jamais une bonne mélodie.
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le 15 janv. 2012

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