The Collective
6.7
The Collective

Album de Kim Gordon (2024)

[Chronique complète à retrouver sur Benzinemag]


Au petit jeu vicieux des tops et classements, dans la catégorie « icône féminine de la culture rock », il ne fait aucun doute que le nom de Kim Gordon viendrait truster l’une des premières places. Et le poids des années n’a visiblement aucune incidence sur l’aura de l’ex Sonic Youth, et son influence dans le monde de l’art reste intacte. Livres, peintures, expositions, chacune de ses publications / œuvres est un petit événement. Alors, forcément, l’arrivée d’un nouvel album est à cocher dans le calendrier.


The Collective, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est la seconde escapade en solo de la chanteuse/bassiste; et vient faire suite à No Home Record, sorti en 2019. Un premier saut convaincant, où Kim G avait pu démontrer qu’elle en avait encore sous le pied, pleine d’énergie à revendre à la barre de sa barque pleine de poussières noise et punk minimaliste. Accompagnée par Justin Raisen dans son entreprise à l’époque, c’est en toute logique qu’elle refait appel au producteur devenu, entre temps, un nom qui compte auprès de quelques rappeurs/artistes avides d’explorations musicales (Yves Tumor, Kid Cudi et surtout Lil Yachty pour son album « alternatif hiphop » ont fait appel à lui récemment).


Ce point est particulièrement important pour comprendre pleinement la démarche musicale ici. Kim n’a jamais caché son intérêt pour le rap, elle qui, au temps de SY, n’avait pas hésité à enchaîner quelques morceaux avec des grands noms de l’époque : le bien-nommé I Love You Mary-Jeanne en compagnie de Cypress Hill, et surtout la présence en guest de Chuck D de Public Enemy sur l’album Goo du groupe.


Alors voir, à 70 balais, cette légende poser sa voix sur des éléments empruntés au genre, notamment des grosses basses sudistes trap rapportées par Raisen, a quelque chose d’aussi surprenant qu’émouvant. Bye-Bye et I’m A Man sont de réels moments de bravoure. C’est accompli avec un aplomb parfait, ce n’est pas un simple effet de style pour être dans les clous de l’époque, c’est une plus-value naturelle à son identité. Sketch Artist allait déjà dans ce sens-là sur le précédent disque et un titre comme Paprika Pony se composait d’un squelette rythmique rap autour duquel il y avait une sorte de vide. Et bien prenez ce vide, mettez-y des basses venus des Enfers et l’affaire est dans le sac. L’apport se conjugue idéalement bien avec le brûlot qu’est The Collective, où industrial-noise (Psychedelic Orgasm, The Believer), pointes d’électro et donc trap donnent vie à un disque abrasif, bruyant, lourd et terriblement couillu. Punk en somme.


Tout est au service d’un esprit rock’n’roll au final, certes arty et expérimental, mais dans l’attitude, la posture, l’interprétation, il y a ce cool, cet ADN si propre à Gordon. Cette façon de s’approprier un univers à priori profondément viril est d’un féminisme éclatant, une manière d’inverser le rapport de force sans avoir l’air d’y toucher. L’ambiance est électrique de la première à la dernière seconde, l’air est irrespirable, c’est uppercut sur uppercut, et nul besoin de courir sous un rythme effréné pour autant. I Don’t Miss My Mind ou Shelf Warmer s’étendent, s’étirent mais tapent aussi dur que les plus enlevés The Believers et le final Dream Dollar, peut être le plus « abordable » de tous avec des guitares tout de suite identifiables, sans sur-couches.


Qui, après quarante ans de carrière, peut se targuer de savoir se réinventer autant sans se planter ? On ne peut qu’être admiratifs devant la proposition, devant cette volonté farouche de maîtriser et non de subir. Si The Collective est si impressionnant, il le doit évidemment à sa texture auditive puissante, mais peut être encore plus à la démonstration de sa créatrice. Fort, très fort.

AleksWTFRU
8
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le 12 mars 2024

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