The Courage of Others
7.3
The Courage of Others

Album de Midlake (2010)

Du courage ? Il en aura certainement fallu une sacrée dose aux Texans pour oser enfin se mesurer aux attentes et à l’excitation suscitées par l’arrivée tant attendue du successeur de The Trials Of Van Occupanther(2006). Du courage, et même de la témérité tant ce retour aux affaires s’apparente à un contre-pied radical et, pour tout dire, franchement déconcertant. Propulsé en tête de la première division américaine grâce à un deuxième album miraculeux, Midlake a donc mis quatre ans pour digérer sa promotion éclair. Au terme de cette gestation prolongée, Tim Smith et sa bande ont résolument renoncé à siéger sur le trône laissé vacant par Grandaddy, sans doute trop confortable à leur goût. D’emblée, Acts Of Man, titre phare du Lp et premier single, donne le ton. Fini, le temps des références classieuses au soft rock 70’s. Les grandes envolées de claviers et de cordes ont cédé le pas aux guitares en bois et à l’ascétisme acoustique, symbolisé par les postures monacales affichées en guise d’illustration. En témoigne également la métamorphose de Children Of The Grounds, un morceau souvent joué au cours de la dernière tournée du groupe, qui apparaît ici dépouillé de toute ornementation psychédélique, dans une version presque minimaliste, rehaussée des seuls entrelacs vocaux façon robe de bure. L’explication tient pour une large part à la passion toute fraîche de Smith pour le folk britannique en général, et Fairport Convention en particulier. Au cours de cette visite guidée d’une maison de campagne redécorée à la manière d’un cottage anglais, les occasions de s’enthousiasmer ne manquent pas, par exemple sous la forme d’un hommage aussi explicite qu’appuyé à Richard Thompson (The Horn). Pourtant, malgré cette accumulation de références peu contestables, l’ennui gagne parfois du terrain. Tant et si bien que l’on finit, au fil des titres, par dériver vers une forme de pastoralisme baba cool un peu trop monotone et dépourvue de ces contrastes ou de ce relief qui auraient pu transformer l’ensemble en un chef-d’œuvre espéré. Pour cette fois, il faudra donc savoir se contenter d’un bon album. (Magic)


La musique de Midlake a un goût d'ancien qui ne se soucie pas d'emprunter le masque de la nouveauté. Et si les bilans de la décennie écoulée oublient The Trials of Van Occupanther, qui en 2006 mit le groupe texan sur la carte, c'est peut-être aussi qu'on n'a pas fini d'en épuiser les nuances. La première impression qui vient à l'abord de son successeur est d'une certaine uniformité. L'album est aux couleurs hivernales et Midlake est pourtant loin d'avoir gelé sa formule. Il a gardé le principe d'installer tout de suite une ambiance forte. Acts of man suinte la mélancolie, mais ce tempo subtilement tramé, ces deux voix accolées si proches plantent un décor qu'on ne quitterait pour rien au monde.En quel coin reculé la troupe de Denton nous a-t-elle emmenés ? Winter dies valse et joue du contraste entre flûte pastorale et stridences de guitare électrique, arrachant tout dans sa bourrasque : un sommet. De là-haut, se laisse apercevoir le chemin parcouru depuis quatre ans. La suite est un déroulé dont chaque étape, si la tonalité change assez peu, gagne en relief au fil des écoutes. La fin du voyage s'épelle In the ground, on s'en relève comme d'un envoûtement. Midlake prend un malin plaisir à passer pour une secte étrange. Rien n'est plus libre au fond que sa musique, rallumant le bois sec du folk au rayon laser. On sait l'affection que voue le leader Tim Smith aux champions britanniques du genre néo-trad (Fairport Convention, pour ne citer qu'eux). Reproduire leur projet fusionnel n'est pas sa seule ambition. Sous couvert de collectif, il bâtit pierre à pierre une oeuvre infiniment personnelle. (Télérama)
La plupart des groupes passent une vie à chercher La chanson qui leur accordera une parcelle de postérité dans la grande kermesse volatile qu’est l’histoire du rock. Infiniment moins nombreux sont ceux qui la trouvent. Depuis 2006 et leur deuxième album, The Trials of Van Occupanther, les Texans de Midlake ont rejoint le club fermé de ceux qui peuvent désormais mourir tranquille. Un ticket obtenu grâce à Roscoe, single dont les comparaisons justifiées avec les plus orgueilleuses productions de Fleetwood Mac ont sans doute parasité la valeur brute d’authentique diamant pop. Aimable orchestre estudiantin élevé au jazz à Denton, qui s’aventurait sur son premier album (Bamnan and Slivercork, 2004) non loin des terres fraîchement fertilisées par Grandaddy, Midlake a préféré ne pas y prendre racine, se posant avec aplomb en héritier du soft-rock seventies des Bread, America, Al Stewart et, donc, Fleetwood Mac. C’était assez culotté à l’époque, ces musiques en ronce de noyer et siège en cuir n’ayant jamais eu très bonne presse ni grande influence autre part que sur les FM des Saab capitonnées. Grâce à Midlake pourtant, on redécouvrit cette évidence : l’ultrabourgeois Rumours est un bien meilleur disque que son contemporain morveux Nevermind the Bollocks. Mais tout ça est maintenant derrière nous, car le groupe du faux calme Tim Smith vient prouver une nouvelle fois qu’il ne tient pas en place. The Courage of Others, troisième album seulement de ces perfectionnistes à l’écart du tout-venant indie US, met le cap sur l’Angleterre mystérieuse du british folk revival des années 1960/1970. Qu’on ne se méprenne pas, il ne s’agit pas là d’une stérile tentative de captation d’héritage mais d’une relecture subjective des oeuvres de Fairport Convention, Pentangle et ou The Incredible String Band dont Midlake a su saisir l’essence quasi mystique et la lumière stellaire en laissant de côté le folklore baba – à la différence d’un Devendra Banhart, qui a commis trop souvent l’opération inverse. “Nous sommes partis du principe qu’il aurait été assez simple de refaire un disque dans la lignée de The Trials of Van Occupanther, mais que nous avions tous envie d’autre chose. Il se trouve que dans l’intervalle entre les deux disques nous avons énormément écouté de folk anglais et cette musique nous a littéralement envoûtés. Il est très distinct du folk américain dans le sens où il puise une grande partie de son inspiration dans la musique médiévale. Il n’y a pas de Moyen Age aux Etats-Unis, ce ne sont donc pas les mêmes racines même s’il existe une ferveur commune.” De ferveur, The Courage of Others n’en manque pas, même si son approche réclame une patience, voire une dévotion, qui peut décourager les zappeurs culturels. C’est précisément son courage que Midlake paie avec The Courage of Others, celui d’avoir assumé jusqu’aux tréfonds de chacun de ses plis cette tristesse diffuse qui pourrait donner à penser que chacun des membres a perdu l’un des siens dans d’atroces souffrances pendant l’enregistrement. Courage également d’avoir conservé le pouls ralenti du titre d’ouverture, Acts of Man, qui, avec un peu plus d’entrain, aurait pu devenir un Roscoe bis. On ne va pas non plus demander à un groupe qui s’est inspiré pour sa pochette de Andreï Roublev du pas vraiment funky Andreï Tarkovski et qui, par-dessus ça, revendique l’influence de l’humoriste polonais Krzysztof Kieslowski et du boute-en-train allemand Rainer Werner Fassbinder, de zouker comme une bête passée la porte du studio. Le nouveau Midlake est donc résolument un disque d’un autre temps, au calfeutrage acoustique certes accueillant mais plombé par la nuit perpétuellement tombante qui enrubanne chacun des morceaux. “Cette direction s’est imposée à nous, plaide Tim Smith. Sans doute l’a-t-on amenée jusqu’au paroxysme sur certains titres, sans pour autant nous sentir accablés de tristesse pendant l’enregistrement. Une chanson, c’est toujours une interprétation exagérée d’un sentiment, et, en ce qui concerne la mélancolie, le seul piège à éviter c’est l’auto-apitoiement, ce qui n’est pas du tout le propos de cet album. C’était juste, pour cette fois, un territoire assez riche et intéressant à explorer.” De la richesse, la vraie, celle qui ne se monnaie pas en unités de valeur fluctuantes, ce disque en regorge. Des chansons comme Small Mountain et sa quiétude trompeuse accentuée par une flûte en pâmoison, ou Fortune et son débit digne d’une rivière sage, possèdent une force tourmentée sous-entendue qui s’oppose avantageusement à la fatigante surenchère de l’époque. Quant à Rulers, Ruling All Things, intimidante de grâce, Children of the Grounds qui retrouve un peu la banquette confortable du précédent album ou encore la délicatement psyché The Horn, elles forment un chapelet prodigieux avec lequel les derniers des incroyants auront accès à la béatitude. (inrocks)
Avec seulement trois albums en 10 ans d'existence, une tendance semble déjà se dessiner dans la courte discographie de Midlake : le groupe aime se remettre en question à chaque disque en variant ses influences musicales. Alors que le premier album pouvait sans hésiter être classé dans le genre "pop américaine cinématographique" entre Mercury Rev et Grandaddy, le deuxième, sans renier les influences précitées était exactement un mélange (improbable ?) entre Radiohead pour l'aspect planant et le timbre mélancolique du chanteur (Tim Smith avouait à l'époque écouter quotidiennement "Ok Computer") et Fleetwood Mac période "Rumours" (pour les prises de son de la batterie et les lignes de basse très groovy semblant tout droit sorties du meilleur easy listening 1970's). Bref, "The Trials of Van Occupanther" était un coup de maître. C'est peu dire que l'on attendait avec impatience la suite... Comme Radiohead après son chef-d'oeuvre ("Ok Computer", donc), le groupe a fait le choix de changer radicalement de direction pour son nouvel album (du moins en apparence). Alors que le groupe de Thom Yorke avait trouvé son salut dans la musique électronique, celui de Tim Smith annonce désormais puiser son influence dans le folk anglais (mais plus versant Fairport Convention que Nick Drake ou John Martyn... dommage !). La comparaison s'arrête là : "Kid A" était un nouveau chef-d'oeuvre, "The Courage of Others" n'en est pas un. Non que le disque soit réellement mauvais mais les écoutes successives ne font que renforcer l'impression qu'on est face à un album seulement agréable et pour tout dire un peu ennuyeux. Si la référence au folk anglais est bien présente, c'est plus au niveau de la mise en son de l'album (présence de la flûte) que des compositions en elles-mêmes (hormis le presque celtique "Bring Down"). Le disque a beau tourner indéfiniment dans la platine, impossible de trouver des chansons qui se démarquent réellement de l'ensemble. Le tout est donc très homogène, mais la qualité des compositions n'est que trop rarement au rendez-vous (relevons quand même les plutôt bons "Winter Dies" et "Fortune") : mélodies le plus souvent anecdotiques et arrangements peu inspirés. Si bien que pour trouver un morceau estampillé British folk et réellement magique il faut mieux se (re)plonger dans l'inusable album précédent et (ré)écouter les somptueux titres "Chasing After Deer" ou "Van Occupanther", par exemple. (popnews)
bisca
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Ma cédéthèque

Créée

le 9 avr. 2022

Critique lue 13 fois

bisca

Écrit par

Critique lue 13 fois

D'autres avis sur The Courage of Others

The Courage of Others
ArthurDebussy
7

Un album difficile d'accès, mais qui révèle avec le temps toutes ses qualités

Un album difficile à appréhender, qui m'avait déconcerté à sa sortie, et dont il m'a bien fallu une dizaine d'années pour le digérer... On dirait que ce disque forme une seule et même piste, une...

le 19 avr. 2022

2 j'aime

4

The Courage of Others
bisca
8

Critique de The Courage of Others par bisca

Du courage ? Il en aura certainement fallu une sacrée dose aux Texans pour oser enfin se mesurer aux attentes et à l’excitation suscitées par l’arrivée tant attendue du successeur de The Trials...

le 9 avr. 2022

Du même critique

Le Moujik et sa femme
bisca
7

Critique de Le Moujik et sa femme par bisca

Avec le temps, on a fini par préférer ses interviews à ses albums, ses albums à ses concerts et ses concerts à ses albums live. Et on ne croit plus, non plus, tout ce qu'il débite. On a pris sa...

le 5 avr. 2022

3 j'aime

Santa Monica ’72 (Live)
bisca
7

Critique de Santa Monica ’72 (Live) par bisca

Ça commence avec la voix du type de KMET, la radio de Santa Monica qui enregistre et diffuse ce concert de Bowie, le 20 octobre 1972. « Allez hop on va rejoindre David Bowie qui commence son concert...

le 27 févr. 2022

3 j'aime

Taormina
bisca
7

Critique de Taormina par bisca

Taormina, perle de la Méditerranée, disent les guides touristiques à propos de cette belle endormie sicilienne, bordée par le volcan Etna. Taormina, perle noire dans la discographie de Murat, dira la...

le 5 avr. 2022

2 j'aime