The Greatest
7.2
The Greatest

Album de Cat Power (2006)

On aurait franchement aimé être une petite souris le jour où ce joli chat sauvage de Chan Marshall s'est retrouvé pour la première fois en studio à Memphis, entre les griffes des vieux Raminagrobis de Hi! Records, le label soul suprême dont les plus fameux pensionnaires se nommaient Al Green et Ann Peebles. Il fallait un certain cran, en effet, pour oser élever la voix dans un tel lieu saint et se mettre à nu face à tant d'apôtres de ce qui reste comme l'une des plus belles musiques de la création. Le titre du précédent et inusable album de Chan, You Are Free, résonne ainsi plus que jamais comme une ligne de conduite : Cat Power se sent désormais libre d'aller où bon lui semble, y compris à l'aventure en compagnie de sexagénaires qui n'avaient probablement jamais entendu parler d'elle un mois plus tôt. A ses côtés figurent donc Mabon Teenie Hodges, fidèle guitariste et compositeur occasionnel pour le révérend Green (Take Me to the River, c'est lui), son frère Leroy à la basse, d'autres légendes sur pattes comme le dernier batteur de Booker T. & The MG s, Steve Potts, ou une section de cuivres qui a relui sur quantité de chefs-d'œuvre de la southern soul des années 70. Malgré l'écrin sur mesure qui l'attendait, la réussite d'une telle greffe n'était pourtant pas garantie sur facture. Car pour une Dusty Springfield qui domina totalement son affaire, combien de chanteurs touristes ? dont bon nombre de Français ridicules ? se sont grillé les ailes en approchant imprudemment des studios Sun ?
Cat Power, qui connaissait Memphis pour y avoir façonné il y a dix ans son deuxième album, a choisi d'investir un autre studio légendaire, Ardent, connu comme le transformateur des petits Blancs ? Big Star, Dylan ? qui voudraient être noirs. Remarquablement varié et accueillant, The Greatest démarre par le meilleur, la chanson-titre dont la nuée de cordes rappelle le Moon River d'Henry Mancini et qui possède l'étoffe d'un classique instantané. Ensuite, les violons se tairont avant de reprendre sur le non moins déchirant Where Is My Love et, avec un accompagnement toujours près du corps, parfois minimal, Cat Power aura le mérite de ne jamais chercher à être une autre, ni la Janis Joplin de The Pearl ni Laura Nyro, ajustant simplement son tempérament à la sagesse un peu compassée des lieux et de ses habitants. Des ballades bleutées ? délicatement pommadées par les orgues, pianos et guitares mates ?, du passage obligé par la country (Empty Shell), de cet entre-deux qui relie les deux ferments originels du rock, elle tire grâce à sa voix d'amante religieuse et la vigueur jamais assoupie de son écriture de vrais trésors sans âge, des chansons qui s'enrichissent un peu plus à chaque passage. Certains de ses fans qui la préfèrent en sauvageonne s'étonneront de la retrouver un brin soumise, cajolée par ces aïeuls auxquels elle s'efforce d'exposer son profil le plus tendre, et il faudra attendre la suite pour savoir si The Greatest était pour elle une sorte d'étape initiatique vers une nécessaire maturité, ou si elle retournera bien vite jouer avec les gens de son âge. Ou si, tel Neil Young, elle s'amusera dès lors à alterner deux visages, ce qu'on espère. (Inrocks)


De l'excentricité au désespoir, il n'y a jamais très loin. Dites à Bonnie 'Prince' Billy que ses disques les plus austères et les plus noirs sont les plus réussis, et il vous lâche Greatest Palace Music (2004), une sélection plutôt ratée composée de réorchestrations rutilantes et made in Nashville de certaines de ses chansons qui n'en demandaient pas tant. Même souci avec Chan Marshall. Avisez-vous de lui faire un compliment sur la sobriété appropriée de ses morceaux les plus convaincants, et d'un coup de baguette, la voilà transformée en Rickie Lee Jones sur au moins deux plages de ce nouvel album (Lived In Bars et After It All), le bien étrangement nommé The Greatest (décidément, il y a comme un souci avec ce qualificatif). Quand elle ne blague pas avec le béat Could We, qui singe pratiquement l'impossible Devendra Banhart, elle massacre, dans une version écourtée, le beau Willie Deadwilder, un morceau déjà présent en bonus audio de son Dvd, l'éreintant Speaking For Trees. The Greatest (et en particulier le single éponyme et réussi, placé en ouverture) promet effectivement d'ouvrir de nouvelles perspectives. Mais le résultat est aussi secoué que la personnalité de Chan Marshall, à l'image de ses performances chaotiques sur scène. De très bons titres, notamment Love & Communication, voisinent avec bon nombre d'incongruités (un speaker introduit le morceau Islands, mouais). Au final, le disque se présente comme une mosaïque dont on goûte modérément la variété des motifs... Décidée à apercevoir enfin la lumière, sans pour autant se renier, la troublée Chan Marshall semble s'amuser, ce qui est de bon augure. Mais elle n'est pas encore tirée d'affaire. (Magic)
L'un des disques les plus attendus de ce début d'année pourrait renvoyer dos à dos aficionados et détracteurs : "The Greatest", septième album de Chan Marshall, sirène imprévisible de la scène US, s'essaie, après l'indie-rock, l'australiana, l'album de covers dénudé, puis le classique folk, à une sorte de plongée de sa musique dans un bain soul inspiré par les enregistrements 70's d'Al Green, et le résultat ne relève ni de l'exploit ni du plantage en règle. Plutôt d'une sorte d'écart aventureux, à demi maîtrisé, à demi convaincant. Pour cela, elle est allée puiser à la source, Memphis même, où sont venus l'accompagner des familiers du révérend, les frères Hodges (guitare et basse), le producteur Stuart Sikes, et quelques autres musiciens. On le savait depuis longtemps, et plus encore depuis sa participation au dernier Handsome Boy Modeling School, la voix de Chan Marshall est, comme celles de Liz Fraser et de Sinead O'Connor, soluble dans à peu près toutes les musiques. Et c'est peut-être là que le bât blesse. Sur la première moitié du disque, on a en effet l'impression que, perdue dans les effets de piano, de guitare ou de cuivres, la voix est un peu enlisée, moins souveraine. Ajouter à cela quelques mauvais effets (des chœurs Chuppa Chups sur "Lived in Bars", des cuivres paresseux sur "Could We"), et l'impression perdure. Pourtant, c'est bien là l'œuvre de Chan Marshall et celle-ci s'avère, comme souvent, plus retorse que son apparence faussement simple ne le suggère. Le morceau d'ouverture (jolie ébauche mais ébauche tout de même) déjoue les pièges du triomphalisme promis par son titre, avec son piano aigrelet et son récit désabusé, et laisse espérer mieux. Le second, construit sur une chouette cadence et chanté un peu comme un gospel, accroît le désir. Après, ça ne suit malheureusement pas trop et on attend donc que la belle reprenne la main, ce qu'elle fait au septième morceau, "Where is My Love", jolie love song sans autre artifice que son phrasé laid-back, sensuel et évanescent. Un peu plus loin, jouant sur le contraste, "Hate" rappelle d'ailleurs que la chanteuse n'a jamais eu besoin d'arrangements très riches pour s'imposer. Mais les morceaux plus habillés de la fin du disque sont aussi intéressants, "The Moon" avec son entrelacs de guitare blues et de piano, "Islands", caprice country bien négocié, et surtout "Love & Communication", de loin la chanson la plus rock, directe et peut-être réussie du disque. Celle-là ouvre des horizons qui dépassent de loin le handicap de départ et dissipe toute forme de dépit. Après, si vous trouvez qu'un disque de Cat Power où il n'y a que six ou sept bonnes chansons ne vaut pas le coup, c'est votre problème. Le mien, c'est désormais de devoir attendre le suivant.(Popnews)
Il fallait bien que cela arrive : après une série d’albums folk à la réalisation minimaliste qui trouvera sa consécration avec "You Are Free", Chan Marshall a décidé d’enrichir ses compositions en cherchant l’inspiration du côté des studios Sun. Et c’est grâce à des musiciens de Memphis, comme Mabon "Teenie" et Leroy Hodges (Guitare et basse), ou encore le producteur Stuart Sikes, que l’album "The Greatest" trouve une sonorité très soul des plus surprenantes. Il n’est pas toujours simple de changer, et certains fans de la première heure risquent de regretter le moment où Chan Marshall nous offrait des chansons aussi poignantes et défroquées que Nude As The News. Ici, l’ambiance est plus apaisée notamment avec The Greatest, le morceau d’ouverture où émergent la voix toujours magnifique de Chan Marshall et un piano dépouillé. Pourtant le disque laisse vite la place à un son plus teinté de soul sudiste. Mais si Living Proof groove bien, les cœurs pesants de Lived In Bars ont du mal à convaincre. Des prises de risque intéressantes et nécessaires, mais la fusion ne fonctionne pas toujours, et nous laisse à penser que Cat Power est dans un état transitoire vers un disque plus mature. On pardonnera donc The Island, intermède country un peu trop gonflé de Pedal-Steel, pour se concentrer sur les très bluesy The Moon et After It All. Mais c’est finalement sur le très rock Love & Communication que Cat Power trouve un son simple et direct. Et c’est avec les superbes Where Is My Love ou Hate que l’on retrouve une Chan Marshall en pleine possession de ses moyens, avec juste un piano ou une guitare rêche et sa splendide voix. La mue n’est peut être pas complément accomplie sur "The Greatest", mais on dénombre un paquet de bonnes idées dans ces ébauches. Chan Marshall vient de réaliser son "Harvest", on attend avec impatience son "Tonight's The Night". (indiepoprock)
bisca
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le 19 mars 2022

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