1965- Classé dans les disques Free, The heliocentric world of Sun Ra vol.1 est incontestablement une des pièces majeures de notre inspiré compositeur. L’accès n’est pas facile, avec parfois une écriture très proche de la musique contemporaine, par bonheur la fougue de l’Arkestra tempère une certaine froideur car le feu couve sous la glace...
L’ensemble peut-être écouté comme un titre unique décomposé en parties. Il suffit de lire les titres de ces parties pour comprendre que nous sommes là au cœur de la philosophie mystique et cosmologique du musicien/gourou (si, un peu quand même…).
Sun Ra a passé une partie de son adolescence à s’intéresser à la franc-maçonnerie et à lire beaucoup d’ouvrages ésotériques. Quoiqu’il en soit, il rapporta une aventure (peu banale) qui lui arriva lors de sa jeunesse et qui expliquera sans doute son intérêt pour les mythes, l’Egypte, l’espace et le surnaturel…
En effet en 1937 il a été téléporté sur Saturne. Avouez qu’il y a de quoi transformer la vie d’un honnête homme, non ? Illuminé ? Sans doute, mais c’est aussi un homme de conviction : objecteur de conscience et adepte de la non-violence, il fera de la prison pour défendre ses idées… Ce portrait un peu sulfureux en fera une cible aisée des censeurs/moqueurs de tous poils, mais avant tout Sun ra est un compositeur étonnant dont la musique comporte de nombreuses facettes, en cette période des mid-sixties il penche clairement côté free et expérimental !
Là, il faut se mettre en situation d’écoute et se forger son propre avis. On peut y entendre, selon ses habitudes musicales, soit un charlatan qui fait n’importe quoi (pour faire court), ou bien un extraordinaire musicien, exigeant, architecte sonore d’une dimension spatiale guère explorée, prenant sa part de l’écriture libérée des contraintes musicales habituelles et se lançant à corps perdu dans le free jazz…
Cet enregistrement est un voyage, dont la trame est esquissée, souvent même très écrite, mais qui fait, dans la tradition du jazz, la part belle aux improvisations des géniaux musiciens qui forment l’Arkestra : anches et cuivres de folie (entre autres Pat patrick, John Gilmore, Marshall Allen et Teddy Nance…) avec, comme toujours chez Sun Ra, percussions en nombres, clochettes, orgue trafiqué, basse chantante et percutante(le génial Ronnie Boykins), flûte colorée (Danny Davis) et silences découpés, sciés et hachés menus…
Un album-voyage dont l’écriture est à la fois libérée des contraintes et très maîtrisée dans son exécution.