Véritable phénomène qu’est Hunger Games, saga littéraire de science-fiction pour ados, rapidement propulsée au premier rang des best-sellers américains dès sa sortie. Bon, mieux vaut ça que 50 Shades, hein, que ce soit au niveau des livres comme des films, même si dans le cas du premier ... ben, les incohérences se ramassent à la pelle, et l’univers est loin d’être pleinement exploité. Un tel potentiel gâché, c’est con pour la Bo. Qu’à cela ne tienne, James Newton-Howard arrive en renfort, et livre un travail propre, mais plutôt sage (là aussi compte tenu du potentiel).


Déjà, JNH fait partie des compositeurs ayant un style évoluant davantage dans la lenteur (il peut s’énerver, dès fois, hein) à l’image d’un Howard Shore, et ça se ressent clairement ici puisque la Bo comporte 70% d’ambiance ; la musique reste assez effacée tout au long du film, ne se démarquant que très rarement (mort de Rue, thème des Hunger Games, ...).


La dimension thématique n’est absolument pas exploitée ici, trois-quatre thèmes tout au plus sont exposés, guère plus utilisés en dehors du cadre imposé par le film (pas de développement particulier, à la limite pour celui des jeux, thème déclenché par les personnages eux-mêmes en tant qu’hymne officiel). Le thème de Katniss, audible dans « Rue’s Farewell », est une douce descente arpégée aux cordes (notes consonantes, permettant une jolie fluidité que les cordes mettent bien en valeur), mais inachevée : le début est superbe, prometteur, mais on dirait qu’il n’y a que le début, en fait.


Celui des Jeux n’est ni plus ni moins qu’un hymne communiste, très joli, j’en conviens. Ah, mais si, carrément communiste : noble et fier, repris par les chœurs, accompagnés par des cloches et des tambours, motif au mouvement mélodique cadencé d’abord ascendant puis descendant, ... A l’image du système instauré par le Capitole, l’hymne des jeux est très soviétique dans l’âme ! Faisant partie de l’univers même du film (ce sont les personnages qui la déclenchent), ce thème est audible pendant le film de propagande, le défilé, les apparitions de César à la TV, ... Afin d’insister davantage sur l’élan épique et un aspect un peu moins pompeux, ce sont les cuivres qui dirigent et les chœurs qui suivent.


La qualité de cette Bo réside dans l’instrumentation, en faisant intervenir de très nombreuses sonorités, choisies avec minutie. Ce sont de loin les cordes qui sont les plus exploitées : soit tous à l’unisson pour donner plus de profondeur ou de tension à la scène (leurs utilisations restent toujours pondérées, ne vous attendez pas à des violons qui chialent, c’est tout juste si vous les entendrez), soit en solo, ce qui arrive assez souvent, donnant lieu à de jolis apartés : viole de gambe lorsque Katniss part chasser, dramatisation de la blessure de Katniss, de l’hallucination provoquée par les guêpes, ... Mais c’est le choix des cordes frottées pétillantes qui créé vraiment l’immersion : celles des guitares sèches, ou même celles du piano lorsqu’on les pince avec les mains, confèrent cette connotation celtique dans « Katniss Afoot ». Ces dernières, à la fois fragiles et frétillantes, font pleinement partie du thème - au sens large - de Katniss, et apportent un certain exotisme à de nombreuses scènes (« Penthouse – Training »), surtout en extérieur (lors de la chasse, de la survie en milieu sylvestre, des moments passés avec Peeta, ...). Quelques bois feront leur apparition dans le même but (flûte de pan, ...), mais ils se feront beaucoup plus rares.


JNH a également recours à de nombreuses sonorités électroniques, soit pour retranscrire le coté artificiel du Capitole et des Hunger Games (comme les lourdes percussions de « Preparing the Chariots »), soit pour apporter de la tension dans les séquences d’action, ou encore donner plus de profondeur à un instant précis : de longs fonds sonores insaisissables installent une certaine mélancolie, permettant aux instruments naturels de s’y appuyer à l’image de « The Cave », « The Hunger Games », ou encore « Katniss Afoot ».


Les quelques musiques d’action sont assez rythmées possèdent une construction assez barbare, comme dans « Penthouse – Training » : elles font partie de celles qui installent une rythmique paraissant inarrêtable et atemporelle, sans développement mélodique mais riche instrumentalement (marque de fabrique d’Assasin’s Creed, Jason Bourne, ...) à l’instar d’un John Williams qui aurait tendance à enchaîner les arguments, et à mettre en valeur une certaine évolution de la musique (avec aussi une richesse instrumentale ... il est trop fort, en fait ^^). Que ce soit les longues notes torturées s’étirant dans le temps ou les percussions assez sèches et saillantes (« Muttations »), elles contribuent à faire flipper le spectateur, et pour de bon, car la musique ne se place pas du côté de l’héroïne cette fois-ci, puisqu’elle se révèle assez agressive et mécanique. Seule l’agression de Katniss par Clove, la championne au lancer de couteaux, fait intervenir des cordes plus craintives au cœur de la musique d’action.


Ainsi, la grande richesse des tessitures est appréciable tant au niveau des percussions (timbales lourdes, sèches, boîtes de conserve, rebord de tables en bois (si, si, « Booby Trap » ^^), ...) qu’au niveau des cordes (on notera la présence d’une guitare électrique) : « Learning the Skills » et « The Countdown » en sont de bons exemples. La composition instrumentale de cette Bo est vraiment très riche.


JNH privilégie clairement un soutien subtil et feutré aux véritables envolées épiques (expliquant l’abscence de cuivres des musiques d’action, ce qui est un parti pris intéressant) : c’est surement dû à la volonté de coller avec le personnage de Katniss, tant dans sa personnalité que dans son immersion dans le monde post-apocalyptique de Panem. Katniss subit totalement ces jeux, qu’elle ne considère en aucun cas comme un évènement festif : elle risque de crever empalée à un arbre, déjà (c’est une bonne raison), et surtout, son mental sera mis à rude épreuve. Le choix d’accompagner l’évolution de Katniss de manière assez posée et mélancolique à l’image de « Tennous Winners », ou « Penthouse - Training » est donc pertinent, allant même jusqu’à interpréter certaines scènes complètement à contre-courant (l’entrée dans le wagon-bar, contenant pourtant de belles richesses, et surtout signe d’un repos bien mérité, est interprété comme un aller simple par des cordes assez tristes et ternes).


Par contre, c’est très très très loooooong ... Lenteur et longueur ne sont pas synonymes : le premier est un choix comme un autre, le second est un défaut (ou alors un effet secondaire voulu dans certains cas particuliers), et cette Bo cumule les deux. En fait, très peu de moments sont vraiment mémorables, de par l’absence de développement mélodique (pas seulement thématique, mais carrément mélodique en général ; le fait de développer des phrases, de montrer une évolution, ...). Par conséquent, l'ensemble est en fin de compte assez répétitif ... Cette Bo est un bon soutien au film (bien qu’il y ait quand même de quoi la valoriser plus, ce qui sera corrigé dans les prochains opus), mais ne dépasse pas le stade de la bonne Bo d’ambiance à titre d’album musical. Les choix des instruments sont toujours pertinents (surtout la viole de gambe pour sa sonorité très frêle et sensible), mais la richesse orchestrale d’ensemble ne suffit pas à maintenir l’attention sur la longueur, ni même à créer un univers musical digne de ce nom si le tout n’évolue pas assez (comment identifier la musique d'Hunger Games si on ne s’en souvient pas ?). Le premier morceau « The Hunger Games » pourrait être l’allégorie de la Bo toute entière : ce n’était peut être clairement pas l’objectif de créer la Bo la plus captivante qui soit à écouter seule, puisque le film vient naturellement en priorité dans la post-production, mais c’est tout le challenge d’une Bo de réussir à être à la fois un bon album et une bonne musique de film.

Soundtrax
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le 9 mai 2015

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