Certes, c'est une compilation mais quelle compilation !!


Là où les enregistrements en concert d'Hendrix peuvent parfois être en montagne russe (enfin, pas tous évidemment, son Live at Monterey ou In the West, notamment, sont fantastiques) et/ou avec une mauvaise qualité sonore, celui-ci réunit la crème du génial guitariste face à un public.


Tout y est, son sens de l'improvisation, sa folie, ses compositions mémorables et surtout, le voyage dans son univers musical teinté de blues, de rock, de jazz, de saturation, de solo mémorables et d'une incroyable intensité.
C'est d'ailleurs ça qui marque en premier, c'est incroyablement intense, il suffit de fermer les yeux pour avoir l'impression de se retrouver dans une fosse, scotché par un Jimi improvisant et accompagné par une implacable rythmique.


Il y a onze titres, la majorité (6) est issue d'une série de concerts du Jimi Hendrix Experience en 1968 à la Winterland Arena de San Francisco, puis sont piochés des titres captés au Royal Albert Hall, à San Diego, à Berkeley puis Randall's Island. Excepté ces deux derniers (avec Billy Cox à la basse), qui sont d'ailleurs les deux seuls tirés de concert du début des années 1970 (Red House et Hey Joe), c'est le groupe d'origine qui joue, donc Mitch Mitchell à la batterie et Noel Redding à la basse.


Il y a eu un gros travail en studio pour créer ce concert. Habitué à trafiquer le matériel d'Hendrix depuis 1975, Alan Douglas n'est pas à son premier coup d'essai, et pendant 20 ans (après les droits seront récupérés par la famille de Jimi), il va régulièrement sortir des albums. Les plus grosses controverses seront sur les sorties studio (il n'hésitera pas à faire jouer de nouveaux musiciens sur des parties enregistrées) mais les concerts ne sont pas en reste. Pour le cas présent, il enlève une partie d'Are You Experienced puis de Voodoo Child (Slight Return) et rajoute quelques fois de la réverbe.


Le concert capté à Winterland était l'occasion pour Jimi de fêter son anniversaire, et on y trouve la présence d'amis, comme les membres du groupe Traffic (mais la prestation n'est pas présente ici) alors que la version d'I don't Live Today à San Diego représente l'un des derniers moments de l'Experience sur scène. Comme souvent depuis sa mort, il y aura des problèmes juridique, sur The Jimi Hendrix Concerts c'est à cause de Bleeding Heart et Stone Free, dont ses versions avaient déjà été publié par le passé. Enfin, pour la dernière anecdote, cette magnifique pochette est tirée d'un tableau de Jean Lessagier datant de 1971, qu'il a peint après avoir ressenti l'impact de Woodstock.


C'est l'énergétique Fire qui ouvre le disque, et c'était souvent le cas lors des concerts, elle est incandescente et nous hypnotise déjà avec le riff puis les solos. On constate déjà que le son est bon et, comme ce serait le cas sur les autres, ses deux musiciens se mettent à sa hauteur et le suivent parfaitement. La géniale I Don't Live Today permet à Jimi d'improviser, il va, en plus, citer l'hymne américain Star Spangled Banner ainsi que Tomorrow Never Know.


Fuck off man, let me talk


Lâche-t-il avant Red House, que le groupe joue dans une version intense avec des solos parfaits alors qu'il sait baisser le tempo et l'accélérer lorsque c'est nécessaire. C'est avec ce type de prestation que l'on se rend compte du génie d'Hendrix, chaque corde frappée est un régal pour les oreilles et dégage autant d'émotion que d'intensité. L'immense Stone Free ouvre la seconde face et c'est, là aussi, fantastique, limite funky aussi et on a l'impression d'assister à une vraie transe avec Jimi en shaman, bien que les deux autres musiciens ne soient pas en reste, loin de là.


Malgré un Jimi désaccordé et approximatif durant le solo, Are You Experienced marque par l'influence jazzy, sa structure simple, le chant de Jimi ou encore l'implacable rythmique proposée par Noel Redding et Mitch Mitchell. C'est là que le travail de la production est payant, ce sont ces deux derniers qui sont mis en avant. Little Wing est magnifique et sublimée, Jimi au sommet, que ce soit dans son jeu de guitare ou l'émotion qui découle, son utilisation de la wah wah est parfaite, c'est juste magnifique.


Il prévient d'abord qu'il faudra qu'il se souvienne des paroles, avant de se lancer dans un Voodoo Child certes réussi, mais qui n'égale pas d'autres versions en public. Pourtant, la tension est là, ça reste sublime, mais ce n'est pas non plus pour rien que la production, à nouveau, met notamment en avant Mitch Mitchell. Le magnifique blues Bleeding Heart, reprise d'Elmore James, permet de montrer, à nouveau, quel bluesman incroyable Jimi pouvait être qu'il joue ici dans une version épurée, sans aucun effet et de façon virtuose.


Hey Joe est ici un peu plus lent qu'à l'accoutumé, mais toujours remarquable avec son introduction inoubliable. Sur tout l'album, on peut aussi apprécier les qualités vocales d'Hendrix, particulièrement bien mises en avant ici. La reprise des Troggs Wild Thing est avant tout un grand moment visuel, mais la retranscription ici assez remarquable, surtout dans sa première partie avant que Jimi ne parte loin dans les effets ! Enfin, Hear My Train a Comin' permet de terminer l'album en apothéose, un blues magistral concluant sublimement le voyage musical dans l'univers virtuose et si particulier d'Hendrix.


C'est difficile de trier les nombreux concerts de Jimi Hendrix sortis au fil du temps, mais The Jimi Hendrix Concerts permet de retracer différentes périodes du Voodoo Child, proposant un extraordinaire voyage musical teinté d'improvisation, de blues, de moments d'anthologies, d'une guitare saturée ou encore de coup de baguettes ravageuses, le tout avec une incroyable intensité et bien des moments marquants, que ce soit par l'émotion qui en découle, la virtuosité de Jimi, ou les deux.


Face A :


Fire (Winterland, San Francisco, 12 octobre 1968)
I Don't Live Today (San Diego, 24 mai 1969)
Red House (New York, 17 juillet 1970)


Face B :


Stone Free (Royal Albert Hall, Londres, 4 février 1969)
Are You Experienced? (Winterland, San Francisco, 10 octobre 1968)


Face C :


Little Wing (Winterland, San Francisco, 12 octobre 1968)
Voodoo Child (Slight Return) (Winterland, San Francisco, 10 octobre 1968)
Bleeding Heart (Royal Albert Hall, Londres, 4 février 1969)


Face D :


Hey Joe (Berkeley, 5 mai 1970)
Wild Thing (Winterland, San Francisco, 12 octobre 1968)
Hear My Train A Comin' (Gettin' My Heart Back Together Again) (Winterland, San Francisco, 10 octobre 1968)

Docteur_Jivago
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le 17 juin 2021

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