Fermez les yeux et oubliez qu'on va tenter de vous vendre le troisième album d'un Écossais végétarien à la calvitie naissante. Un gars qui joue assis sur scène. Un type qui pose avec son chien sur les photos. Car sous ses airs de garçon qui fait plus que son âge, James Yorkston est un grand homme, l'artisan d'un folk moderne simplement sublime. Et The Year Of The Leopard est sa grande oeuvre. Un disque d'une richesse stimulante, qui est né à l'ombre de paradoxes intrigants : mûri toute une année mais fait des chansons arrivées les plus spontanément et rapidement à son auteur ; arrangé et produit avec un tact et une sophistication surnaturels mais souvent construit autour des toutes premières prises jetées sur bande pour les démos ; très orchestré mais tendant vers l'épure. Habité par une vision personnelle et moderne de ce que peut être le folk, James Yorkston a pris l'habitude de confier ses chansons à des gens venus d'autres horizons : Simon Raymonde (Cocteau Twins) et Kieran Hebden (Four Tet) étaient ainsi aux manettes de deux premiers albums splendides, baignés dans des lumières douces et enveloppantes. Trait de génie, intuition formidable, l'Écossais a cette fois fait appel à Rustin Man, soit Paul Webb, ancien bassiste et artisan du son de Talk Talk et comparse de Beth Gibbons sur l'inusable Out Of Season. L'homme qui fait sonner les silences entre les notes comme des mélodies graciles, celui qui tisse des motifs moelleux et élégants avec la même facilité qu'Edward Aux Mains D'Argent pour cisailler des buissons en forme de lapin nain. La classe absolue. Dans une ambiance sereine et lumineuse, James Yorkston a écrit certaines de ses plus belles chansons, interprétées d'une voix qui ne voudrait surtout pas s'imposer mais en impose par la grâce de son grain changeant. Des guitares, une clarinette très présente, un harmonica, un piano électrique, un harmonium et des rythmiques délicatement froissées habillent les mélodies magnifiques de dix chansons, dont il est difficile de dire laquelle est la plus belle : 5 A.M. et ses arrangements somptueux ? Summer Song et ses choeurs délicats ? The Brussels Rambler et ses arpèges de guitare cristallins saupoudrés sur les méandres d'une clarinette au timbre voilé ? Woozy With Cider, envoûtant spoken word calé sur un motif répétitif ? Le mini-tube Steady As She Goes dont il semble absolument impossible de se lasser ? Ouvrez les yeux et souvenez-vous : c'est l'année du léopard. (Magic)

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le 26 févr. 2022

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