Le dernier fait d'armes de l'Américain M. Ward, c'était Willie Deadwilder, une indispensable ritournelle de dix-huit minutes tricotée avec Chan Marshall au chant, en bonus audio du DVD de Cat Power. Sur son nouvel album, le quatrième, M. Ward tricote encore plein de chansons angoras, coloris sépia. Quand on le rencontre, il a entre les mains une guitare "The Gibson" fabriquée en 1900. M. Ward n'est pas vraiment un perdreau de l'année. Transistor Radio est un hommage à la diversité de la musique qu'il entendait à la radio quand il était petiot. Les chansons de Transistor Radio ne passeront peut-être pas à la radio d'aujourd'hui, ou alors sur FIP. Mais on peut rêver de les écouter tard le soir, en sourdine, sous la couette. En matière de radio, M. Ward a confondu les watts et la ouate. Il a confondu, et tout fondu. Il y a dans sa musique des essences intimement mêlées de folk, de pop, de country, de jazz et de musique classique. Il y a, sur son disque, Howe Gelb, Vic Chesnutt, John Parish et le chanteur de My Morning Jacket. D'élégants koalas au chevet de chansons belles endormies. M. Ward n'est pas speed : il joue comme s'il était le petit frère indie de Willie Nelson ? soit un immense guitariste cultivé. L'élégance tarabiscotée de son jeu de guitare n'a d'égale que la subtilité de sa production. La musique de M. Ward semble vraiment bloquée entre deux stations : WCOT (country old time) et WIPR (indie-pop-rock). Elle navigue entre les deux pôles sans aucun effort, créant de petites bulles de musique paisible, amniotique. Transistor Radio est le grand disque qu'on n'attend plus de Yo La Tengo, ou le complément idéal des deux derniers albums de Devendra Banhart. C'est peut-être de la country-music, mais alors elle vient du pays des Teletubbies, d'une contrée où les frontières n'existent plus. (Inrocks)
Dans un monde musical formaté où beaucoup trimballent leurs références comme des boulets, nombreux sont encore ceux dont la musique ne ressemble à rien d'autre qu'à eux-mêmes. Matt Ward est de cette espèce, tête chercheuse libre et humble, convoyeur de chansons très singulières, camouflées sous les atours de la country et du folk. On peut toujours citer pour repères des cousins germains (Giant Sand, Howe Gelb, etc.), on n'en saura pas beaucoup plus sur l'étrange lumière que dégage la musique de M Ward. Moins abouti que Transfiguration Of Vincent, ce quatrième Lp offre néanmoins une flânerie apaisante en territoire ami. Il y a d'abord ce jeu de guitare chaleureux, qui permet à Ward d'ouvrir Transistor Radio sur une reprise instrumentale d'un classique des Beach Boys, You Still Believe In Me, métamorphosé en complainte de western. C'est après que notre ami américain largue les amarres. Sa voix fantomatique survole une guitare vrombissante sur Sweetheart On Parade, beau titre qu'on jurerait inachevé. Cet art de l'esquisse, de l'inabouti, touche profondément dans ces chansons souvent courtes, parfois sans voix. Pour autant, Matt n'a pas fait l'économie de moments quasi pop, comme Big Boat V.3 (piano martelé et choeurs samplés) ou HiFi V.2 et son refrain aérien où la voix se perd dans l'espace. Il y a aussi des morceaux de country hors d'âge comme Fuel For Fire et son violon échappé d'un vieux transistor. L'album s'achève comme il avait commencé, par une variation folk sur un classique inattendu, un prélude au Clavier Bien Tempéré de Bach. Étonnant, non ? (Magic)
Matt Ward est un type plutôt discret. Le genre à ne garder de son prénom que l'initiale, à ne jamais montrer sa trombine sur ses pochettes – réalisées par son fidèle comparse John King -, et à jouer les musiciens d'appoint pour ses nombreux amis (Bright Eyes, notamment). Ce qui peut expliquer pourquoi ce trentenaire avenant, célébré par toute la scène indé américaine, reste l'un des secrets les mieux gardés de son pays. Et il est peu probable que son nouvel album, pas franchement taillé pour les charts et les grands festivals d'été, le tire de cette semi-confidentialité dont il semble s'accommoder. "Transistor Radio" plaira en tout cas à ceux qui ont aimé les trois précédents, et particulièrement l'excellent (et excellemment titré) "Transfiguration of Vincent", paru il y a deux ans. Ward s'affirme une fois encore comme un troubadour des temps modernes, revisitant en trois petits quarts d'heure, sur une trame laid-back à dominante acoustique – folk, pour aller vite –, toute l'histoire des musiques d'Amérique. Mais si l'homme semble attaché aux sonorités du passé – le blues, les ballades country avec pedal-steel, le rock'n'roll débraillé à la Jerry Lee Lewis, le boogie woogie… -, il ne sombre jamais dans le pastiche ou l'hommage stérile. Ce qui n'est chez d'autres qu'une langue morte parlée avec application est chez lui une matière foncièrement vivante, vibrante. Pas de chichis ou de fausse patine pour faire croire qu'on écoute un 78-tours poussiéreux, juste une voix à la fois douce et rocailleuse (qui ressemble assez peu à son propriétaire) et un merveilleux jeu de guitare en picking parfaitement mis en valeur par une production économe. Il y a certes de la nostalgie dans ces petites vignettes immédiatement séduisantes (le mirifique "Hi-Fi" vous reste dans la tête dès la première écoute), où M. Ward se remémore ce qu'il écoutait enfant sur le poste de radio familial, mais on y sent aussi et surtout un vrai plaisir de jouer. Plaisir essentiellement solitaire, autarcique (même si Howe Gelb, John Parish ou Vic Chesnutt ont prêté main forte), et pourtant sacrément contagieux. Si Ward est nostalgique de quelque chose, c'est sans doute moins de la musique d'avant-hier elle-même que d'un certain esprit communautaire qui en était à la base (lire à ce sujet "La République invisible" de Greil Marcus). L'hommage rendu dans les notes de pochette aux DJ des radios indépendantes est à entendre dans ce sens-là : l'idéal généreux et désintéressé d'une musique partagée, dans un monde de plus en plus individualiste et segmenté. Le choix des reprises est d'ailleurs éclairant : un titre de "Pet Sounds" dans une version instrumentale, un standard de jazz interprété en son temps par Louis Armstrong ou Lionel Hampton, un classique de la Carter Family et, en clôture, un prélude du "Clavier bien tempéré" d'un certain Jean-Sébastien Bach, revisité à la guitare. Difficile de faire plus éclectique et universel. A sa façon à la fois modeste et érudite, "Transistor Radio" affirme non pas que toutes les musiques se valent, mais qu'on a le droit de les aimer toutes autant. Merci pour la leçon, monsieur Ward. (Popnews)
Alors qu’en ce début d’année, tous les amateurs de folk ont les yeux rivés sur le jeune et talentueux Bright Eyes, son guitariste attitré, un dénommé Matt Ward, vient de sortir en catimini un véritable chef d’œuvre du genre, "Transistor radio". Ne faisant pas beaucoup parler de lui, ce songwriter n’en est cependant pas à son premier essai puisqu’il avait déjà signé l’excellent "End of amnesia", il y a de cela trois ans. Son nouvel album s’ouvre sur une version instrumentale à la guitare du You still believe in me des Beach Boys et se termine sur un prélude de Bach. Entre les deux, une collection de quatorze chansons superbement écrites et arrangées. Difficile d’en citer une plus qu’une autre, tant les morceaux sont tous parfaitement réussis, chacun contant une étape d’un délicieux voyage musical et poétique au pays de la folk music. Artiste d’une sincérité rare, Matt Ward ne tombe jamais dans la facilité, privilégiant l’émotion et la simplicité à la démonstration. Avec ce "Transistor radio" qu’on n’est pas prêt d’éteindre, il vient tout simplement d’entrer dans la cour des grands. A découvrir absolument. (indiepoprock)