Travels
7.8
Travels

Album de Defeater (2008)

Defeater. Un nom qui restera longtemps gravé dans ma mémoire. Mais avant de commencer la critique de leur premier album, revenons à la présentation du groupe.

Defeater, c'est 5 gars originaires de Boston, un combo classique (2 guitaristes, 1 bassiste, 1 batteur et 1 chanteur) mais ce n'est pas par là qu'il faut chercher leur génie.

Il est temps de parler de leur premier album, Travels, sorti en 2008.

Je ne suis pas très doué pour définir un style de musique, les termes sont si nombreux et ne signifie au final tellement rien. Disons que tout le monde appelle le style de Defeater du post-hardcore. J'appelerais ça du mélo-hardcore ou même du drama-hardcore si j'en avais la possibilité. En effet, j'invente des termes mais c'est pour montrer à quel point Defeater est unique. Le chant est clairement hardcore : crié sans jamais une pointe de variation, mais ce timbre de voix à la limite de la rupture rend les propos du leader Derek Archambault encore plus « criants » de vérité. Ce sont les instruments qui apportent la couleur dramatique aux compositions du groupe. La rythmique quand à elle est propre au hardcore : parties speed, pas de brutal break, des hauts, des bas, une course contre la vie. Leur vraie particularité ? Avoir pris le risque de sortir un concept album (et d'avoir persisté avec leur E.P).

Un concept album qu'est-ce que c'est ? C'est un album qui raconte une histoire de son premier morceau à son dernier. Vous avez sûrement des exemples qui vous viennent à l'esprit (Les Beatles, Iron Maiden et autres en ont fait) mais dans le hardcore, très peu de monde a osé. Il faut pour cela que la musique et les paroles se marient à merveille, trouvent leur osmose et que l'un ne puisse pas fonctionner sans l'autre. Et c'est ce qui se passe avec Defeater lorsque la première piste vous saute au visage.

« Blessed Burden » se pose comme une gifle d'entrée avec son premier cri : UNWANTED. Un mot qui résonnera pendant toute la durée de l'album jusqu'à l'ultime délivrance de « Cowardice », le dernier morceau. On rentre dans le vif du sujet, dans les cris et la violence. On vient au monde avec la voix et les cris de Derek. On entre dans l'histoire violemment, comme un enfant entre dans la vie. Surtout lorsque cet enfant n'a jamais été voulu (« unwanted »). Notre personnage est donc le fils d'une mère junkie et d'un père alcoolique (qui bat sa femme). Pour couronner le tout, il a un demi-frère issu d'une autre liaison hasardeuse.

Ce sont les coups et la douleur qui parsème ce premier morceau. Bienvenue dans l'univers de Defeater.

Je pourrais passer des heures à décortiquer chaque chanson, chaque mot et chaque note mais je sais que la plupart d'entre vous, à la première écoute couperont leurs enceintes en s'écriant « C'est n'importe quoi, ça hurle tout le temps, c'est pas de la musique ».

Et bien c'est vrai, c'est PLUS que de la musique car si vous ne supportez pas le son, prenez la peine de lire les paroles car elles valent le détour. Derek est un poète. Il utilise parfois la rime. Il excelle surtout pour vous placer au beau milieu d'une vie qui s'effrite.

L'histoire de cet album est simple : on suit la vie de ce gosse, de sa naissance à sa mort. J'ai bien sûr commencé par télécharger illégalement l'album. Une fois complètement subjugué, j'ai filé sur le site du groupe et j'ai commandé leurs deux efforts : l'album et l'E.P sorti en 2009 (je vous prépare une critique également de l'E.P).

Une fois le pack dans les mains on reste sans voix. Tous les personnages du drame joué par le groupe sont en photos : la mère fumant une cigarette, son demi-frère, lui, son père et son verre de whisky, le prêtre qui sera le dernier à lui parler. L'objet devient donc aussi fort que les paroles et la musique du groupe. Un chef d'œuvre entre les mains, les yeux et les oreilles, ce n'est pas tous les jours que ça arrive.

Pour vous donner envie, voici l'histoire complète racontée durant l'album. Si vous préférez la découvrir (ce que je vous conseille), ne lisez pas la suite.

Car pour résumer l'histoire de cet homme, il faut d'abord noter l'époque dans laquelle il vit, une banlieue pauvre américaine dans les années 50. Né dans la douleur et la honte, jamais il ne se remettra des excès de sa mère et de son père. Un jour, dans un excès de rage, ne supportant plus les colères de son père, il le frappe violemment et le tue. Choqué, il quitte la maison pour ne plus jamais y revenir. Pendant des semaines, des mois, il s'exile, espérant oublier et se reconstruire une nouvelle vie. Mais rongé par les remords, il rentre chez lui. Il découvre son frère désemparé qui lui apprend la mort de sa mère. Il en profite pour lui reprocher de les avoir abandonné et du fait de la mort du père : l'absence de rentrée d'argent qui en a découlé et donc le manque de moyen pour manger (et payer la drogue de la mère). Il l'emmène à la gare, là où, enfants, ils jouaient à se faire peur et lui dit clairement qu'il va lui faire payer pour tout ce qu'il a fait. Au moment où le train arrive, les deux frères se débattent et l'autre passe sous les rails. Rongé par les remords, la culpabilité et la souffrance. Conscient et intimement persuadé qu'il a tué toute sa famille : notre homme se rend à l'église et décide de se confesser. Dans un dernier dialogue avec le représentant de Dieu, ce dernier lui dit clairement qu'il est pardonné, mais que pour lui-même. Abattu, désespéré et tremblant : il monte sur le toit du clocher et se laisse glisser dans le vide.
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le 19 déc. 2011

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