Tutu
7.3
Tutu

Album de Miles Davis (1986)

En plus de maîtriser son art "jusqu'au bout des doigts", Miles Davis possède aussi l'art de surprendre, de tromper son monde comme tous les grands pachydermes de la pop music ("genre" auquel il est lié, même s'il est estampillé "jazz") et même de déconcerter (dans le bon sens) et de sidérer l'auditeur moyen que je suis, qui suis "assez familier" (*connaissant la plupart des disques de 1956 à 1970 et d'autres incontournables tels que "Doo Bop"*) de l'oeuvre de cet grand auteur.


A l'inverse d'artistes dont il est conseillé de se focaliser sur certains disques issus d'une période faste et créative, et tout aussi conseillé d'éviter telle période de ce même artiste car jugée insignifiante, trop faible ou mauvaise, lui laisse entrevoir l'espoir d'une heureuse surprise à l'écoute de n'importe quel album.


TUTU est une heureuse surprise.


Le premier morceau, éponyme, possède un de ces airs typiquement pop, fait d'une phrase musicale que l'on retient tout de suite et que l'on associe immédiatement à son auteur et/ou l'album dont il est issu ; air très connoté "années 80's", avec tout ce que cette expression comporte de codes, tout comme le suivant et très beau "Tomaas" qui semble être une douce réminiscence du précédent titre, tant il lui ressemble, dans la structure générale comme dans l'air principal. Comme sur le remarquable "Bitches Brew", la trompette du grand Miles Davis est au premier plan, majestueuse, inébranlable, ferme et solide tout en révélant la fragilité de l'âme humaine, devant un mur sonore fait de différents instruments, et comme sur "Bitches Brew", ses notes de trompette viennent littéralement transpercer, par leur justesse et leur luminosité, un ensemble musical présent pour le mettre en valeur.


Très funky, voire par instants délicieusement disco voire prog ("Splatch" avec un son de basse très rond et groovy sur lequel Miles s'amuse à poser ses notes stridentes et réfléchies), "TUTU" est très déconcertant. Il n'est pas facile de l'écouter après des chef-d’œuvres comme "Kind Of Blue", "Seven Steps To Heaven", ou "Nefertiti", et il presque nécessaire de faire un effort, un exercice de la pensée, pour se décentrer de ces disques, classiques, qu'il a fait avant ce "TUTU", pour mieux se concentrer sur la musique de ce génial album. Très dans l'air du temps, moderne, chargé en synthétiseurs, il fait presque peur... Par instants, on est presque dans de l'électro-prog, comme sur "**Don't Loose Your Mind*", morceau sur lequel vient se poser un instrument aussi improbable qu'un violon ; paradoxalement, l'intégration du violon est très grisante, audacieuse, et rapproche l'ensemble d'une forme de musique contemporaine, ce qui surprend encore, mais bon arrivé à l'avant-dernière piste on en n'est plus à une surprise près.


Je disais plus haut "album génial" ; car il est surprenant et beau, parce que les notes de Miles viennent envelopper et enrober un ensemble funky et disco complètement improbable ; car il est beau dans sa mocheté (les synthétiseurs dégoulinants de "Full Nelson"), et parce que c'est tout simplement ça, Miles Davis : "faire du beau avec du moche"...

Créée

le 16 nov. 2015

Critique lue 689 fois

7 j'aime

Errol 'Gardner

Écrit par

Critique lue 689 fois

7

D'autres avis sur Tutu

Tutu
ErrolGardner
8

Kind of funk.

En plus de maîtriser son art "jusqu'au bout des doigts", Miles Davis possède aussi l'art de surprendre, de tromper son monde comme tous les grands pachydermes de la pop music ("genre" auquel il est...

le 16 nov. 2015

7 j'aime

Tutu
Kxking
4

Plombé par les mimiques 80's

Plombé par l'époque car l'album est pollué par les tics des BO de films 80's avec leurs petits effets synthés ridicules etc. Certains aiment peut-être l'ambiance qui colle à l'époque du disque, mais...

le 25 juin 2013

2 j'aime

3

Tutu
Thibault_Coste
6

Critique de Tutu par Thibault Coste

Si le sens du feeling de Davis n'est certainement pas à remettre en doute, on peut quand même se sentir retissant quand à la qualité de l'album "Tutu" si l'on prend en considération le fait que Davis...

le 11 sept. 2014

1 j'aime

Du même critique

Vieux frères, partie 1
ErrolGardner
2

Faux frères.

Encore de faux génies accouchant d’un album foutraque à la fusion multi-genres repoussante (rap, slam, chanson française et rock), qui témoigne de la difficulté du moment des artistes français à...

le 10 mars 2014

54 j'aime

6

Rubber
ErrolGardner
7

Rubber Soul.

Il faut l’avouer, « Rubber », c’est n’importe quoi : une voiture heurte volontairement des chaises, qui se cassent comme des châteaux de cartes. Et du coffre de cette voiture sort un flic. Le...

le 25 mai 2013

47 j'aime

6

Délivrance
ErrolGardner
10

Voyage au bout de l'enfer vert.

Quatre garçons dans le vent s'en vont pagayer sur une rivière et jouer aux trappeurs chevronnés. Armés d'arcs, ils chassent, campent et bivouaquent. Lors d'une énième sortie sur la rivière, l'un des...

le 18 févr. 2013

42 j'aime

7