Kinda fuzzy, but alright !
Un vent nouveau souffle sur la caboche secouée de Mark Everett. Trois ans après la très inégale trilogie que formaient Hombre Lobo, End Times et Tomorrow Morning, l'entité nommée Eels s'est refaite une beauté. Pour l'occasion, Everett a ouvert simultanément son procédé de composition et son portefeuille. Ce dernier lui permet de construire un joli studio tout neuf, le "Compound", pour un nouveau son sacrément puissant - on le verra par la suite. Niveau compos, le barbu inclut pour la première fois depuis des lustres les autres membres dans le processus. Quant au bombardier miniature qui survole le fond orange de la pochette de Wonderful, Glorious, il ne nous aura pas menti : Eels alourdit le propos et propose un album rutilant qui se pose facilement comme le meilleur depuis le double Blinking Lights (And Other Revelations).
Le premier élément qui saute aux tympans à l'écoute de Wonderful, Glorious (c'est lui qui le dit), c'est ce son... Le Compound apparaît comme étant bien plus qu'une simple excentricité du chanteur rauque. Uni, puissant, c'est un bon gros coup de poing que l'on reçoit à l'écoute de ces grosses guitares et cette batterie fracassée ("Peach Blossom", dans ta gueule). Everett braille et balance riff sur riff : "Bombs Away", "Kinda Fuzzy", "New Alphabet", "Stick Together", la liste est encore longue... Plus basique qu'auparavant, sûrement moins torturé aussi, E a choisi la simplicité rock'n'roll et on ne saurait lui en vouloir. Après tout, une autre chose semble évidente sur Wonderful... : Everett est de bonne humeur. Toute proportion gardée bien sûr, mais toujours est-il que cet album est possiblement l'album le moins cafardeux de sa carrière, après Daisies of the Galaxy. Que ce soit en s'époumonant des refrains tels ce "My love is beautiful it's there for the taking/It's strong and pure and utterly earth shaking" sur le morceau éponyme ou en pourchassant joyeusement la robe à fleur du clip de "Peach Blossom", le barbu tient la forme, pas de doute possible. Une accalmie, chose rare chez un artiste qui construisit son fond de commerce, les années durant, sur ses déprimes chroniques. Conséquence (ou origine) de cette nouvelle légèreté d'humeur, Eels ne fait qu'un avec son groupe et le disque témoigne d'une synergie idéale entre les différents membres. Comme une jam parfaitement contrôlée. Ceci étant, on retrouve exposé dans l'album une des faiblesses du californien : les balades. Ces "Accident Prone" et autres "I Am Building A Shrine" mielleuses qui cassent le rythme du disque... M'enfin, on lui pardonnera ces incartades ; difficile de reprocher à notre ami cafardeux de garder le moral sur tout un album !
Pour toutes les raisons évoquées précédemment, à cause de cette petite révolution dans la façon qu'a le groupe de faire de la musique, beaucoup de fans de toujours boudèrent ce nouvel album. Pourtant, on ne souhaite que le meilleur pour le malchanceux Mark Everett qui nous avait déjà prouvé 13 ans auparavant qu'il était capable de créer efficacement sans pour autant nager dans le spleen. E s'éclate de A à Z sur Wonderful, Glorious et balance du gros son. "I'm feeling kinda fuzzy, but you know I'm alright", c'est lui-même qui nous le dit. Pas la peine de se prendre la tête, c'est pas tous les jours que ça arrivera, profitons !