S'il est un chanteur de soul qui a rivalisé avec la sensualité émotionnelle brute et profonde d'Otis Redding, c'est bien James Carr, et la preuve en est bien l'album You Got My Mind Messed Up. Carr a été l'un des derniers chanteurs de country-soul à avoir pu chanter n'importe quelle chanson qui lui fut donné comme si c'était un don de Dieu. Carr était le rival de Redding à tous les égards, et cela peut se vérifier avecr la sortie de son premier album, enregistré en 1966. Les 12 chansons ici, dont beaucoup ont été reprises par d'autres artistes, sont toutes des classiques de la soul par le seul fait qu'elles ont été chantées et enregistrées par Carr. Parmi elles, il y a le tube de Drew Baker/Dani McCormick "Pouring Water on a Drowning Man", "Coming Back to Me Baby" de George Jackson, une poignée de titres d'O.B. McLinton, dont "Forgetting You" et la chanson titre, ainsi que le carton de Chips Moman/Dan Penn "Dark End of the Street". Et s'il est vrai que peu de gens ont fait de mauvaises reprises de cette chanson car l'écriture est phénoménale, il n'y a qu'une seule version définitive, et celle-ci appartient à Carr. Dans sa version, il chante avec un cœur déjà brisé mais asservi à la fois à son regret et à son désir. C'est un amour si pur qu'il ne peut avoir été qu'illicite. Quand il arrive au début du deuxième couplet et qu'il dit: "I know time is gonna take its toll", il est déjà au fond du gouffre; il sait que ce désir qui brûle ne peut que provoquer ruine et désastre, et que c'est précisément parce que c'est inévitable que son repentir est peut-être accepté par les pouvoirs qui le mettraient à l'épreuve et le jugeraient. Contrairement à certaines versions, Carr garde sa composition, ce qui en fait un véritable chant de regrets, de remords et d'un amour si interdit mais si fidèle qu'il vaut la peine de risquer non seulement la honte et la destruction, mais aussi l'enfer lui-même. A la fin de l'album avec la chanson titre, on peut entendre toute la puissance émotionnelle que la soul de Memphis dégage. Avec la guitare de Steve Cropper qui remplit l'espace en arrière-plan, Carr offre un portrait effrayant de ce qui lui arrivera dans l'avenir. Il implore, sermonne, supplie, et confirme finalement que la fin de cet amour est sa folie, ce qui était une prophétie effrayante étant donné ce qui arriva à Carr quelques années plus tard. C'est l'un des disques qui représente le plus la soul de Memphis du milieu des années 60, plein de grâce, de passion, de tendresse et de danger. Un chef-d'œuvre.

mjusic
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le 24 août 2019

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