C'est quand même un sacré bazar. Déjà ça commence par 1mn30 de rap bordélique accompagné de simples percussions. Ensuite, il y a de la trap, de l'electro (d'un type clairement dansant si j'ose dire), mais aussi des trucs expérimentaux, du saxophone et des grands moments de grâce.


Porte d'entrée parfaite pour découvrir l'univers de Wednesday Campanella, Zipangu est un album à géométrie variable. Le groupe composé de Dir.F, Kenmochi et surtout la grande KOM_I a l'habitude de nous proposer une musique qui se décline dans de nombreux genres. Mais avec leur cinquième opus que nous abordons ici, ils atteignent sans doute l'apogée de leur style.


Comme à la grande époque de la City Pop japonaise dans les années 80, Zipangu est avant tout affaire d'appropriation. Les musiques piochent un peu partout et mettent légèrement de côté la signature hip-hop qui était la leur au début pour s'orienter vers un style electro-pop hybride assez indescriptible. Les morceaux Medusa et Ra en sont un parfait exemple. Les deux s'articulent à la fois autour de couplets pop voir funk pour le premier des deux, tandis que les refrains (si on peut vraiment appeler ça des refrains) s'aventurent clairement du côté de la House Music.


De ce son hybride en ressort parfois une impression de fouillis, jamais dérangeant mais qui pourrait lasser ou perdre certains auditeurs. Cependant, si on accepte de se laisser porter par l'absurdité des instrumentations du groupe et par ce style de chant faussement approximatif de KOM_I, on rentre alors dans un univers jouissif, dans lequel alternent à la fois émotion et exaltation, comme lorsque retentit ce "refrain", une fois encore dans Ra, qui démarre comme un "drop" de musique House racoleuse qui m'aurait sans doute déplu ailleurs, mais qui ici est à la fois cohérent et surtout surprenant (jouant sur les ruptures rythmiques de façon non conventionnelle).


Il faut dire aussi qu'on peut facilement se laisser emporter dans ce que nous propose Wednesday Campanella tant l'album est incroyablement bien produit. C'est d'ailleurs la marque de fabrique du groupe. Les sons s'enchaînent et se mélangent à la perfection, chaque seconde est parsemée de petits détails et nous délivre des petites cellules musicales discrètes, des nouveaux bruitages qui complexifient l'ensemble ou des ruptures surprenantes qui nous sortent des sentiers battus. Certains morceaux sont même assez abrupts, tels Uranium-Chan dont l'ostinato rythmique est aussi éprouvant qu'il rend le morceau grisant ou encore cette fameuse première minute de Shakushain dont je parlais en introduction.


Quand enfin retentit le dernier morceau de l'album, The Little Match Girl, on peut en être convaincu. Les membres de Wednesday Campanella sont de véritables artistes. Meilleur titre de l'album et conclusion parfaite d'un disque improbable mais tellement réussi, cette chanson nous démontre une fois de plus la capacité qu'à le groupe à transformer sa musique. Anticipant déjà légèrement le style de leurs productions les plus récentes, The Little Match Girl est un morceau magnifique et à lui seul il justifierait l'écoute de cet album. Mais il n'est pas seul et c'est bien l'intégralité de Zipangu qu'il faut de ce pas découvrir pour ceux qui n'auraient jamais eu la chance d'en entendre ne serait-ce qu'un bout.


(n'hésitez pas à aller voir les clips aussi, ils sont assez dingues souvent)


Wednesday Campanella : The Little Match Girl :
https://www.youtube.com/watch?v=FuuUfP4uJEk

Ripailloux
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le 28 sept. 2018

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