100 Bullets est un titre culte, que tout fan de comics se doit d’avoir lu. Ce n’est pas un titre qui installe son intrigue lentement, avec de nombreuses et multiples ramifications, nous présentant une pléthore d’incroyables personnages et nous plongeant soudain dans une fulgurance presque oppressante. Il faut avoir lu la série dans son entièreté pour réaliser à quel point Brian Azzarello tisse une toile incroyable pour ses incroyables personnages.


Après des années sans nouvelles de son père, Louis Hughes retrouve un homme qu’il n’a jamais connu et apprend à son contact les codes du milieu mafieux. En plein apprentissage de l’horreur ordinaire, Louis reçoit des mains de l’Agent Graves, ancien partenaire de son père, une valise contenant une arme et 100 cartouches intraçables. Sa cible : son paternel. Si elles sont impénétrables, les voies de l’Agent Graves sont également les plus vicieuses qui soient.
100 Bullets ou le polar par excellence, défini par les maîtres du genre : Brian Azzarello (Hellblazer, Batman DKIII) et Eduardo Risso (Je suis un vampire, Point de rupture). Récompensé à plusieurs reprises par l’académie des Eisner et des Harvey Awards dans les catégories Meilleur Scénariste, Meilleur Dessinateur et Meilleure Série, 100 Bullets s’inscrit parmi les classiques du label Vertigo unanimement salués, désormais disponible en intégrales.
(Contient les épisodes #20 à 36)


On commence avec une petite intrigue, en deux chapitres, où pour la première fois la mallette est remise à un homme qui va décider de s’amuser avec. Cela dit, quand on voit sa cible, sur sa photo cela se comprend un peu. Et là on se rend compte que le travail d’Azzarello commence un peu à prendre forme, car à la fin du chapitre on se demande si c’est juste un coup dans l’eau ou si nous allons le voir revenir dans quelques temps.


Puis nous avons le droit aux épisodes qui, à titre personnel, m’ont complètement embarqué, définitivement, dans l’univers de 100 Bullets. Beaucoup, beaucoup de choses sur seulement trois chapitres. Tout d’abord on fait la connaissance, la plupart du temps visuellement, avec les treize familles composant le Trust et surtout nous découvrons Augustus Medici, chef du Trust. Homme intriguant qui malgré tout, reste bercé de mystère. Quel rapport avec l’électricité ? Est-ce une métaphore ou est-ce du concret ?


Mais plus que tout ce que l’on apprend sur le Trust, ce que l’on retient surtout ce sont deux personnages. Benito Medici, le fils d’Augustus, et Megan Dietrich, la nana qui avait réussi à retourner un homme à la mallette et à le tuer, la cible devenant la proie. Et là on se dit whaouh ! Azzarello a tout ramifié ! 100 Bullets c’est une énorme toile sur laquelle se démènent ses personnages.


Le chapitre 26 est une bonne idée. Sur toute la totalité du chapitre, Azzarello utilise monsieur Branch, l’homme que Dizzy a rencontré à Paris, pour nous résumer tout ce que l’on a appris sur le Trust, les Minutemen et sur l’agent Graves durant les 25 premiers chapitres. Histoire de montrer un peu plus la misérabilité de ses personnages, Azzarello fait parler Branch pendant une relation avec une prostituée curieuse ne comprenant pas l’anglais (en apparence...). Branch en profite alors pour déballer tout ce qu’il sait afin de réfléchir à haute voix et découvrir ce que Graves compte faire de Dizzy.


Suit le chapitre 27, absolument excellent. Graves donne une mallette à un homme au visage bandé dans un hôpital, et tombe en sortant de sa chambre sur un ancien joueur de baseball à la fin de sa vie à qui il avait donné une mallette dans le passé. Et très vite on se prend au jeu de la théorie du complot et du contexte historique pour découvrir que ce joueur de baseball est Joe DiMaggio, sa femme disparue une certaine Marilyn, facile de découvrir qui est la victime…


Avec Contrabandolero, à la frontière entre les États Unis et le Mexique, du côté d'El Paso et de Juarez, on retrouve Mr. Shepperd accompagné de Dizzy Cordoba, à la recherche d’un certain Wylie Times, pompiste ringard et looser, enfin la fin nous laisse penser que ce jeune homme est beaucoup plus important qu’il n’y paraît. Sombre histoire de contrebande. Le seul avantage est de revoir au premier plan Dizzy, qui semble s’épanouir mentalement et physiquement à chaque fois qu’on l’a voit. Nul doute que tout ça sera repris à un moment donné par Azzarello.


Milo Garrett, détective privé, se réveille à l’hôpital un matin avec le visage entièrement recouvert de bandelettes, ressemblant à un gros pansement ambulant. Il a été victime d'un grave accident de la route qui l'a défiguré. Il n'imaginait pas alors que l'agent Graves viendrait lui proposer une mallette contenant cent balles non identifiables… A l’intérieur, une arme, des balles et les preuves de l’identité du saboteur de la voiture ayant entraîné son accident. Car il s'agit bien d'une tentative d'assassinat et non d'un banal accident de la route !


Alors qu'il est en train d'écumer les bières dans un bar, il rappelle un client et convient d’un rendez-vous. Milo arrive à l’heure prévue dans le bâtiment indiqué par son commanditaire, alors qu'il approche du bureau de ce dernier, il croise un type assez louche (Lono) et peu après, découvre l’un de ses employeurs décédé d’une balle dans la tête. Pour le détective, il est maintenant clair que cette affaire l’emmène sur un terrain glissant ! Même s'il sait l'entreprise dangereuse, le voilà embarqué dans une enquête risquée qui va lui révéler l'ampleur d'une machination qui le dépasse.


Dans son enquête, Milo va rencontrer beaucoup de beau monde. Lono donc, qui se montre être de plus en plus un électron libre (sans doute comme cela qu’on l’aime le plus), l’Agent Graves, bien entendu, qui lui remet la mallette (mallette qui, pour le coup, semble totalement inutile et mise de côté par Milo qui préfère mener lui-même son enquête), mais également la sulfureuse Megan Dietrich qui va se montrer très troublé par le détective, Cole Burns (qui semble connaître Milo) ainsi qu’Echo la prostitué à qui Mr Branch a tout révélé. Il s’avère que cette dernière semble être toute autre chose, et plus important qu’un simple coup d’un soir.


A la vue de tout ce petit monde qui gravite autour de Milo (et il arrive quand même à mettre la si indépendante Megan Dietrich dans son lit), on se dit que le mec est important. Davantage lorsqu’on réalise, grâce à l’intervention de Cole Burns, qu’il a un lien avec les Minutemen.


Et pourtant le tome défile ! Milo enquête, fouille, fouine toujours entre deux passages dans un bar. L’histoire s’entremêle dans des complots, s’argumente autour de femmes diablement sexy et dangereuses, surprend par de nombreux rebondissements et a sa part de bastons violentes. Milo va loin, très loin, il se retrouve entre les Minutemen et le Trust, ce qui n’est pas une position fort enviable. L’histoire ne fait que d’accélérer tant par le rythme que par l’intensité, et elle retombe comme un soufflet… On se dit tout ça pour ça ?…


Petit mot sur Eduardo Risso, dont le travail est toujours de plus en plus idéal à ce titre. Anguleux, caricatural et pourtant décrivant à merveille la psyché des personnages représentés. Il se dégage quelque chose de tellement sexuel de Megan Dietrich, tant de brutalité malsaine chez Lono, d’impassibilité et de calme chez Graves. Ses personnages sont tout simplement époustouflant ! Les mafieux passent pour de vrais mafieux, les prostitués pour de vraies prostituées… Et formidable travail de colorisation de Patricia Mulvihill.


Bref, cette deuxième intégrale est le tome qui fait exploser le titre, le tome qui fait de 100 Bullets une série phare à mes yeux. Le Trust semble tellement énorme ! Tellement improbable ! Et pourtant tellement possible ! Les personnages sont tous si fascinants, des personnages comme Graves, Megan ou Dizzy. Et le fait de toujours devoir se méfier de ce qu’écrit Azzarello, rien n’est là par hasard, tout est savamment orchestré par l’auteur. De plus, seconde révélation avec Eduardo Risso qui s‘avère être en fait un dessinateur de talent, capable de nous dévoiler tout ce que l’on doit savoir d’un personnage au premier coup d’œil. Je suis devenu accroc !

Romain_Bouvet
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le 3 avr. 2022

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Romain Bouvet

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