Seiho Takikawa aime les avions, les pilotes et les histoires d’avions et de pilotes. Il met en scène les souvenirs d’un authentique vétéran. Le jeune sous-lieutenant Matsumoto rejoint son unité en 1943. Le chef d’escadrille Ozawa perçoit dans le novice un pilote exceptionnel et le prend sous son aile. Il lui confie au sergent Hino, son meilleur mécanicien, un adepte du tuning qui s’empresse d’alléger et d’affiner son Kawasaki Ki-61 « Hien».


Le dessin est fascinant. Alors que la mode est, en France, au photoréalisme en 48 pages, le manga nous ramène à l'essentiel : un visage stylisé et expressif, des décors en ombres et grisailles et des avions en gros plan sur… 220 pages ! Chercher l'erreur. La BD franco-belge est condamnée.


Takikawa se donne le temps de développer une véritable histoire. Attention, celle-ci ne plaira qu’aux fans ! Il n’y est question que de tactiques et de altitudes, de taux de virage et de tonneaux plus ou moins barriqués. Nous assistons aux derniers feux d’une aviation aux abois. L’adversaire est plus nombreux, plus rapide, mieux armé et formé. Le capitaine décolle et voit tomber ses hommes, les uns après les autres. Rien à faire. Sortir et mourir. S’il n’en sauve qu’un seul, cela pourrait être Matsumoto. Il est frappant de constater que si l’on met de côté l’orgueil de caste des officiers nippons, atténué dans ce livre, le tragique de leur situation rejoint l’absurdité de celle de leurs homologues allemands en 1944, ou français en 1940. Peter Henn (La dernière rafale) ou Heinz Knoke (La grande chasse) ont parfaitement décrit la situation du chasseur traqué et, à l’usure, condamné à succomber. Le vingtième siècle a rapproché les samouraïs et les junkers : le règne de la machine a aboli les différences ancestrales.


L’observateur Ernst Jünger constatait attristé : « Le combat des machines est si colossal que l’homme est bien près de s'effacer devant lui. »1 Plus loin, le guerrier philosophe relativisait : « Et pourtant : derrière tout cela, il y a l'homme. Lui seul peut orienter les machines, leur donner sens. C'est lui qui crache par leurs bouches projectiles, explosifs et poisons. Lui qui s'élève en elles comme un oiseau de proie au-dessus de l'adversaire. Lui qui se tapit dans leur ventre lorsqu'elles arpentent le champ de bataille, lourdes bêtes crachant le feu. C'est lui l'être le plus dangereux, le plus assoiffé de sang, le plus conscient de ses buts que la Terre s'assujettisse à porter. »


1 Ernst Jünger, Notes du Caucase, 31 décembre 1942. Journaux de guerre


Février 2018

Step de Boisse

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