Marguerite Abouet ("Aya de Yopougon") scénarise ici les bêtises que peut faire une petite fille dans les quartiers d'Abidjan (Côte d'Ivoire). Il faut se documenter par ailleurs pour savoir qu'il s'agit d'Abidjan, parce que l'album ne le précise nulle part. Donc, déjà, la vocation documentaire de l'oeuvre est limitée.

L'album est conçu pour les enfants, et le dessin de Mathieu Sapin s'efforce - explicitement - de retrouver le style de Clément Oubrerie (le dessinateur d' "Aya de Yopougon") : puissance des contrastes de couleurs et de luminosité, bariolage de couleurs osées, à l'africaine, dans des tons crus que l'on ne se permettrait pas dans une triste Europe asservie à la déprimante discipline des tons cassés. Le public enfantin, supposé avaler les distorsions et les fantaisies avec moins de hoquets que les adultes, se voit offrir un dessin simple mais peu réaliste : Akissi, la petite fille gaffeuse, est affublée d'une tête démesurément grosse et ronde, et elle n'est pas la seule dans ce cas. Le sommet de son crâne est largement dénudé par une collection de mini-tresses qui collectent les cheveux en quelques touffes assujetties par des breloques de couleurs. Les traits normalement rectilignes sont tracés à main levée, avec des irrégularités et des décrochements. Les maisonnettes sont plus ou moins verticales, plus ou moins symétriques... Bref, la fantaisie volontaire règne dans le graphisme ligne claire.

Le caractère enfantin des gaffes et bévues d'Akissi est bien rendu; porter un poisson à une parente, récupérer un ballon lancé trop loin, jouer à la Maman avec le premier bébé qui tombe sous la main, vivre avec un singe à la maison, se faire une après-midi télé avec les copains, se faire rabrouer par les garçons, évacuer des vers intestinaux... tout est occasion de donner des soucis à ses parents, et de se chamailler avec son frère Fofana.

La gentillesse générale de ces anecdotes permet à un enfant européen d'avoir une idée des conditions concrètes de vie quotidienne en Afrique Noire : autant les maisons, le décor, que les vêtements, et certains actes (surtout relatifs à la nourriture) peuvent paraître exotiques, autant les parents d'Akissi ont les réactions responsables et rassurantes de tous les bons parents du monde.

Album amusant, mais visiblement pas conçu pour les adultes.
khorsabad
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le 19 janv. 2015

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khorsabad

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