Ce tome contient les épisodes 10 à 15, initialement parus en 2014/2015, tous écrits par Greg Rucka, dessinés et encrés par Michael Lark, avec l'aide de Tyler Boss pour les épisodes 11 à 15. La mise en couleurs a été réalisée par Santi Arcas. Il faut avoir commencé la série par le premier tome.


Suite aux événements du tome précédent, Jonah Carlyle fuit le fief de sa famille pour rechercher l'asile d'une autre famille. Il s'en remet aux mains de Jacob Hock qui l'accueille d'une manière très particulière.


Pour le compte de la famille Hock, Sonja Bittner (la Lazare de cette famille) vient délivrer un message sur le territoire des Carlyle. Forever est dépêchée pour recevoir ce message et lui proposer de séjourner dans le domaine familial en attendant la réponse de Malcolm Carlyle. Avant que les relations ne dégénèrent en conflit ouvert, les familles conviennent de se réunir en conclave sur la plateforme de haute mer de la famille Armitage.


Le premier tome avait établi l'environnement et le principe de cette série indépendante de toute autre, avec efficacité, mais sans grand panache. Le deuxième tome avait révélé une intrigue dramatique tendue et à hauteur d'être humain, avec une dimension métaphorique sur le capitalisme. Ce troisième tome commence avec un épisode effectuant la transition entre l'intrigue précédente, et celle développée dans les épisodes 11 à 15. Reg Rucka élargit progressivement le périmètre de son intrigue en impliquant d'autres familles participant à l'ordre mondial, pendant que Lark réalise des dessins secs et rugueux donnant plus d'impact aux souffrances de Jonah Carlyle.


Avec l'épisode 11, Greg Rucka dévoile son jeu, et l'intrigue prend toute son ampleur. Il est question de territoire, d'avantage biologique, et d'alliances fluctuantes. Sans qu'il ne s'en rende compte, le lecteur se retrouve à prendre fait et cause pour la famille Carlyle et à s'inquiéter pour Malcolm Carlyle. Pourtant ce dernier est un chef de famille froid, calculateur, manipulateur et sans état d'âme. Il est prêt à sacrifier son fils Jonah, sans regret ni amour perdu.


Greg Rucka s'avère tout aussi habile dans sa manière de placer ses personnages sur l'échiquier. L'intervention d'une deuxième Lazare lui permet lui permet de mettre en avant leur appartenance à un groupe à part. Les manipulations de Malcolm Carlyle fragilisent la position de Forever. Le conflit à venir entre les familles conduit de manière évidente à l'affrontement entre 2 Lazares. Rucka n'y va pas avec le dos de la cuillère et certains développements sont transparents dans leur intention.


Pourtant le lecteur se laisse facilement prendre au jeu. Pour commencer, il n'y a pas de clivage Bien / Mal ou Bons / Méchants. Au fur et à mesure du récit, le lecteur constate que certains personnages se comportent de manière peu recommandable, mais pas sans motivation. Ainsi Malcolm Carlyle fait le nécessaire pour que sa famille et les individus qui en dépendent ne tombent pas sous la coupe d'une autre famille. Les Lazares ne font qu'effectuer les missions pour lesquelles ils ont été entraînés. Le lecteur comprend et approuvent certaines décisions qui pourtant sont moralement discutables, voire réprouvables.


Michael Lark (aidé par Tyler Boss) dessine de manière réaliste, avec un bon niveau de détails. Les arrière-plans sont présents dans 90% des cases, générant un bon niveau d'immersion pour le lecteur. Il donne à voir un monde ressemblant fortement au nôtre, avec des aménagements intérieurs plausibles, des meubles fonctionnels, un choix de qualité de meubles cohérent avec l'endroit concerné. De la même manière, la décoration intérieure varie du dépouillement fonctionnel aux marques de luxe ostentatoire, en fonction de l'endroit.


Les personnages présentent tous des morphologies normales, et des visages différents portant la marque de leur âge. Le langage corporel est mesuré, tout en restant expressif. Il est très déstabilisant de voir la gêne dans la gaucherie des mouvements de Forever Carlyle alors qu'elle descend un grand escalier dans une superbe robe blanche de cérémonie.


Lark emploie un encrage un peu sec et appuyé qui confère une impression rêche aux personnages et aux décors. Le lecteur a ainsi l'impression d'évoluer dans un environnement abrasif, au milieu d'individus pétris de sérieux, impliqués dans leur tâche et leurs contraintes. Cette forme de dessin fait d'autant plus ressortir les rares moments de plaisir et d'amitié.


Greg Rucka continue de dévoiler l'environnement de la série "Lazarus", en effectuant une ouverture sur une politique-fiction à l'échelle mondiale. Il raconte une intrigue générant un suspense soutenu. Il développe ses personnages, leur histoire personnelle, leurs doutes, leur relation interpersonnelle, leurs motivations, etc. Il n'oublie pas non plus le deuxième niveau de lecture. Ce dernier ne supplante pas l'intrigue, il en ressort de manière naturelle.


Régulièrement, le lecteur constate l'entrelacs de contraintes dans lequel un personnage se trouve, entre ses obligations sociales, sa relation et ses obligations vis-à-vis de son employeur, et sa façon d'envisager sa vie conditionnée par son éducation. De la même manière que le premier tome laisser suinter un regard terrifiant sur le capitalisme, celui-ci exsude un constat sans fard sur le déterminisme social qui fait plier l'individu, sur les aspirations étouffées dans l'œuf par les obligations sociétales.

Presence
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le 14 mars 2020

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