Catéchisme pour mutants post-apocalyptiques

Le récit met le doigt sur une évidence : la religion (chrétienne, ici), est faite pour des humains adultes en possession de tous leurs moyens, pas pour des zombies et des mutants obèses et déformés, réduits à l'animalité primaire la plus bornée.

Le Père Bruno, missionnaire envoyé par le dernier bastion humain (et chrétien) pour évangéliser le... monde alentour (faut rester poli), emploie une technologie bien adaptée à ce monde post-apocalyptique : on y va en tank (en panzer, ça donne le ton). Accompagné par Angel, un maigrichon compétent mais pas vraiment convaincu par la religion, il va retaper une vague église paumée entre des ruines instables héritées de l'Apocalypse, parlant de l'amour de Jésus-Christ aux larves qui se traînent devant l'autel sans trop faire d'histoires, et dégommant les récalcitrants agressifs à coups de gros badaboums portables.

On aurait pu nous refaire Laurel et Hardy (le maigre et le gros aux caractères opposés), mais voilà, ce n'est pas drôle du tout. Seule la familiarité des dialogues, qui ravalent le prosélytisme religieux au rang de petit boulot de fonctionnaire assez chiant à la longue, tente de captiver le lecteur juvénile des éditions Soleil, en se mettant au niveau des répliques de cour de récré (Le sous-tire, "Paroisse Merdique", donne le ton, sans compter la débilité du titre général de la série). Religion, peut-être, mais esprit, tu repasseras.

Au mieux, Bruno et son pote rappellent vaguement Odilon Verjus, de Yann, et son apprenti Laurent de Boismenu, mais sans l'humour, sans l'esprit, et forcément sans l'arrière-plan historique, puisqu'on est dans un futur vraiment très très hypothétique.

La catastrophe, c'est le dessin. Même les personnages qui ne sont pas des mutants graisseux ou carnassiers sont déformés, dessinés avec des contours taillés au cutter, les visages lacérés de traits rectilignes et nerveux jetés un peu n'importe comment. Je me suis attardé deux fois plus longtemps que d'habitude sur certaines vignettes pour parvenir à seulement comprendre ce qui était dessiné.

Par contre, beau travail sur les couleurs (contrastes linéaires rectilignes sur les visages, mais de beaux dégradés sur les arrière-plans, et un très intéressant nuancier bien choisi selon les scènes).

Bon, les deux zigotos dégotent en route une nana à moitié pourrie, qui parle un sabir vaguement apparenté au français. La nana fait bander Angel, pas moi (t'as vu sa tronche ?).

Le texte est plutôt bien écrit, les confidences de Bruno sur son journal d'assiégé rendent un son crédible, par ce mélange de doute et de déférence à l'égard de Dieu, qui est, tout de même, son patron. Le scénariste se fend même de quelques citations authentiques de la Bible, avec des notes en bas de vignette, s'il vous plaît.

Mais Bruno est assiégé dans son église avec un chiard au début et à la fin du récit, et on ne comprend pas pourquoi. Habituellement, en fin d'album, on en sait davantage. Le suspense (très relatif...) suffira-t-il à convaincre les lecteurs d'acheter le tome 2 ?
khorsabad
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le 6 févr. 2013

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khorsabad

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