Une belle réussite qui trouve une nouvelle résonnance dans le contexte actuel du super-héros.

Il est vraiment passionnant de lire ou de relire le run de Bendis et Maleev sur Daredevil aujourd'hui, à une époque où la culture populaire est, sans doute plus que jamais, obnubilée par la double exigence de faire "sombre" et de faire "réaliste" (en considérant d'ailleurs très souvent que l'un de ces termes va nécessairement avec l'autre, ce qui révèle quand même une vision de la vie digne d'un grand dépressif).

Le ton du Daredevil de Bendis était sans doute plus sombre, adulte et "réaliste" (je n'arrive vraiment pas à employer ce terme, dans un contexte super-héroïque, sans guillemets) que celui de la majorité des productions mainstream de son époque, mais l'intelligence et la subtilité du traitement sont vraiment remarquables. Dans les tomes précédents, Bendis insistait beaucoup sur les dilemmes moraux et la psychologie du pauvre Matt Murdock, et empruntait cette coloration sombre au genre du polar, style dans lequel il excelle vraiment (voir aussi sa mini-série Alias). Dans le génial story-arc nommé "Le décalogue" (dans ce volume), Bendis adopte cette fois le point de vue d'habitants du quartier de New-York protégé par Daredevil ("Hell's Kitchen"), comme il avait, dans le volume précédent, emprunté le point de vue du journaliste Ben Urich. Et c'est une idée de narration hyper chouette. Car non seulement Bendis arrive ainsi à nous livrer le point de vue d'individus "normaux" plongés dans un monde de super-héros (voilà le réalisme qui fait baver tant de gens aujourd'hui, mais traité avec la finesse d'un grand écrivain de polar), mais il parvient par là-même à préserver l'aura du super-héros, à la fois redouté et admiré. La fin du story-arc montrera bien que Bendis n'hésite pas, de ce fait, à intégrer des éléments purement super-héroïques à sa narration.

Au niveau des dessins, Maleev appuie de manière remarquable cette vision du personnage ; sur ses planches, l'uniforme de Daredevil est la seule trace de couleur vive dans la grise monotonie du paysage urbain. Son style est par contre beaucoup trop rigide dans les scènes de combat, mais au final il y en a bien peu.

Du coup, c'est carrément le genre de comic-books que je recommanderais à quelqu'un qui rechercherait un style "plus sombre et réaliste". Parce que pour le coup, Bendis comprend parfaitement les tenants et les aboutissants d'un tel style, lorsqu'on veut l'implanter dans un genre qui n'est essentiellement PAS sombre, ni réaliste. A préférer, donc, au "disaster-porn" qui devient la norme des adaptations super-héroïques au cinéma, et à la morosité d'une partie des comic-books mainstream actuels.
Oberon_Sexton
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le 27 nov. 2013

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Oberon Sexton

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