Que deviennent les personnages quand ils cessent d'être publiés ?

Ce tome contient la fin des épisodes écrits par Grant Morrison, soit les numéros 18 à 26 initialement publiés en 1990. Il clôture une histoire complète avec les tomes 1 et 2 : Animal Man 1 (épisodes 1 à 9) et Origin of the species (épisodes 10 à 17 et Secret Origins 39).


James Highwater reprend peu à peu ses esprits dans le salon du pavillon de banlieue des Baker. Il dispose dans sa poche d'une photographie qui lorsqu'il la sort et la déplie s'avère être un plan indiquant une mesa dans le désert. Ils s'y rendent et trouvent des comprimés à base de peyotl : c'est parti pour une expérience hallucinogène d'expansion de la conscience. Pendant ce temps là, dans une cellule d'Arkham, la santé de Roger Hayden (le Psycho-Pirate) se détériore. De retour chez lui, Buddy Baker reçoit l'aide inattendue du Mirror Master (Evan McCullough) et il peut enfin contre-attaquer la mystérieuse organisation dont il s'est attiré les foudres en luttant pour le droit des animaux.


Dans l'introduction du premier tome, Grant Morrison expliquait qu'il avait conçu l'intrigue d'Animal Man sur 2 ans à partir de l'épisode 6. Avec ces derniers épisodes de sa plume, le lecteur peut constater qu'il n'avait pas menti. Le cheminement vers le métacommentaire final s'appuie sur des éléments disposés tout au long des épisodes précédents. Morrison explique toutes les bizarreries qui ont ponctué les aventures de Buddy Baker, ou plutôt il a les incluses pour édifier sa structure narrative pensée sur le long terme. Il entremêle 2 intrigues : l'une qui débouche sur un commentaire sur la création de scénario pour des personnages de fiction, l'autre sur le devenir des personnages de fiction lorsqu'ils ne sont plus publiés. Pour ce deuxième thème, le lecteur averti découvre l'ampleur de l'amour que Morrison porte aux personnages du silver age, et c'est un euphémisme.


Pour peu qu'il vous ait été donné de lire ou de parcourir de vieux épisodes de DC Comics d'avant Crisis on infinite earths, vous savez que tout était possible, surtout les créations les plus infantiles, débarrassées de toute contrainte de logique ou de plausibilité. Déjà dans ces épisodes d'Animal Man, Grant Morrison écrit un véritable plaidoyer pour ces superhéros impossibles et ridicules dans leur infantilisme. La présence de Psycho-Pirate lui permet de justifier l'apparition de Sunshine Superman, Uberman, Ultraman, Prince Ra-Man, Sargon, Owlman, Jemm son of Saturn, Red Bee, Inferior Five (Merryman, Awkwardman, The Blimp, White Feather et Dumb Bunny), et bien d'autres encore. Morrison estime cruel de les condamner à l'oubli alors qu'ils ont fait rêver de nombreux enfants. Il donne dans l'encore plus rédhibitoire pour les lecteurs de l'époque (1990) en convoquant les animaux anthropomorphes de l'univers partagé DC tels que Beppo, Binky, Streaky, Detective Chimp, Hoppy the marvel Bunny, Space Canine Patrol Agency (si, il paraît que cette équipe a vraiment existé). Il ne doit manquer que Captain Carrot à l'appel (à moins que je n'aie pas réussi à le distinguer dans la foule). C'est un véritable anathème lancé au visage de tous ces comics qui se veulent sérieux, violents et réalistes (grim and gritty pour les connaisseurs). Déjà avec ces épisodes, Morrison fait prendre conscience au lecteur que ces histoires de superhéros reposent sur un fondement enfantin qui est celui de la toute puissance (grâce à un superpouvoir), d'une perception du monde égocentrique (regardez mon superpouvoir est la matérialisation de ma différence, de mon unicité), et de la prédominance de l'imagination sur le rationalisme (mais si, Superman peut vraiment voler et tirer des rayons avec ses yeux ; mais si, Batman a une grotte secrète, c'est le meilleur détective du monde, il a une fortune inépuisable et il a atteint la perfection des performances physiques de l'être humain). Il ose développer ce point de vue alors que tous ses collègues ne jurent que par le réalisme de "Dark Knight returns" de Frank Miller et "Watchmen" d'Alan Moore.


Exposer ces idées n'empêche pas Morrison d'écrire une histoire en bonne et due forme (y compris pour les agissements de l'assassin Lennox, ou les 2 extraterrestres à la peau jaune), avec un Buddy Baker de plus en plus attachant dans sa normalité, dans ses relations avec Ellen (sa femme), Cliff et Maxine (ses enfants). Mais ces derniers ne sont pas du tout développés en tant que personnages. Toutefois les lecteurs amateurs de cartésianisme seront fortement malmenés dans les 2 derniers épisodes.


La majeure partie des épisodes est dessinée par Chas Truog et Doug Hazlewood, comme les précédents. Paris Cullins et Steve Montano illustrent l'épisode 22, Mark Farmer encre les épisodes 25 et 26 (dessinés par Truog). Ils effectuent un travail basique et compétent de mise en images du scénario. Ils se sont éloignés des codes visuels propres aux superhéros pour privilégier des anatomies réalistes (pas d'hypertrophie musculaire), des décors réalistes sans être très détaillés, des gestuelles normales. D'ailleurs quand le scénario comprend des scènes de combats, Truog et compagnie perdent toute crédibilité, ce n'est pas leur tasse de thé. Il y a par exemple un robot humanoïde tueur qui ressemble plus à un bricolage de boîtes de conserve qu'à un fleuron de la haute technologie. Ils arrivent à dessiner la scène d'hallucinations induites par le peyotl, de manière à ce qu'elle soit compréhensible, même dans ses aspects les plus conceptuels, sans que les images ne fassent autre chose que décrire platement. D'un point de vue pictural, il ne faut pas s'attendre à une approche avec un parti pris artistique marqué, simplement des dessins facilement compréhensibles et pragmatiques, ce qui s'accorde finalement bien avec le scénario.


Après le départ de Grant Morrison, la série a été reprise pour une demi-douzaine d'épisodes par Peter Milligan, puis par Tom Veitch. Les épisodes 27 à 37 sont réédités dans Animal Man 4: Born to Be Wild. Par la suite, Morrison reprendra contact avec Animal Man dans la série hebdomadaire 52 publiée en 2006. Gerry Conway a écrit une histoire avec ce personnage en 2009, illustrée par Chris Batista : The last days of Animal Man. Mais le grand retour du personnage s'est effectué en 2011, à l'occasion du redémarrage à zéro de l'univers partagé DC : Animal Man 1: The Hunt de Jeff Lemire et Travel Foreman en 2011.

Presence
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le 12 avr. 2020

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