Depuis quelque temps, différents sites proposent aux internautes de participer au financement de jeunes artistes, afin de leur mettre le pied à l'étrier et de leur permettre d'avoir leur chance. Le site du genre le plus connu en France est « My Major Comany » qui, depuis fin 2007, a permis à de jeunes chanteurs de se faire connaître.

Mais depuis quelques mois, ce site a diversifié ses domaines d'exploitation et permet maintenant à d'autres artistes de s'épanouir. C'est notamment le cas de la BD. Parmi les premiers à avoir tenté leur chance sur ce site, on trouve un duo d'Orléanais, Dimitri Gigault et Julien Rolland, qui ont tenté de faire publier leur première œuvre par ce biais, un diptyque sur le catch intitulé "Le Roi du Ring". Et même si les deux jeunes artistes n'ont pu obtenir la somme nécessaire pour publier cette Bande Dessinée par ce biais, le prestigieux éditeur Dargaud les repérèrent et leur proposa de publier cette histoire dont nous allons passer en revue la première partie.

L'histoire commence à Dallas, dans les années 70 (la date n'est pas dite de manière explicite, mais certains indices permettent de deviner la date). Un jeune garçon, du nom de Tobias, va assister à son premier gala de catch grâce à son grand-père qui sût ruser auprès de la mère du garçon pour l'y emmener. Cette soirée sonnera comme une révélation pour l'enfant : le catch serait sa vie, il deviendrait champion du monde.

C'est donc le parcours de Tobias que les auteurs nous proposent de suivre au fil de l'histoire. Son parcours au lycée, ses premiers pas dans la discipline, ses premiers succès (et ses premiers déboires) ou encore sa carrière au Japon, la vie du jeune lutteur nous est narré à la manière d'un journal de bord, ce qui nous permet de vivre le récit au plus près. Les réflexions personnelles de Tobias apportent une touche de fraîcheur qui rend le personnage vraiment attachant, on se sent véritablement impliqué dans les péripéties vécues par ce jeune garçon.

L'une des principales qualités de cette Bande Dessinée, c'est la capacité qu'elle a de pouvoir s'adresser à tout le monde. D'un côté, les profanes (voire les réfractaires) du catch verront d'abord l'aventure humaine vécue par le héros, comme sa vie sentimentale par exemple. Cette BD n'est pas centrée sur le catch en lui-même, contrairement à ce qu'on pourrait croire de prime abord, mais elle se focalise sur la vie de Tobias, qui est quand même grandement teintée de catch. Même les prises de catch sont expliquées de manière simple mais détaillé par un lexique très clair en fin d'album.

De l'autre côté, les fans de catch trouveront aussi leur compte. En effet, les planches sont parsemées de références à la Grande Histoire du catch (comme la référence au Dallas Sportatorium ou le grand mouvement d'absorption des petites fédérations par les fédérations principales au Japon et aux USA dans les années 80-90) et certains catcheurs présentés au sein des phylactères de l'album ressemblent étrangement à de grands noms de la discipline. De plus, le parcours professionnel de Tobias rappelle étrangement le parcours de nombre de lutteurs de l'époque qui deviendront par la suite de grandes superstars, comme Chris Jericho, Eddie Guerrero, Bret Hart ou encore Chris Benoit : Tobias commence par faire beaucoup de sport dans sa jeunesse, il commence dans de petites fédérations, se frotte un peu aux grosses fédérations US, sans succès avant de partir au Japon.

Ce parcours n'était pas inhabituel à l'époque où l'histoire se passe, et cela apporte un supplément de réalisme et d'âme au récit (même si l'auteur reconnaît avoir fait cela de manière involontaire).

Autre chose, cette histoire se permet de faire ce que bien peu d'œuvres traitant du catch ont jusque là abordé, c'est-à-dire l'envers du décor. En effet, cette BD fait voler en éclat le « kayfabe » (terme désignant le « réalisme » de façade dans le monde du catch) et nous montre l'envers du décor : les entraînements, les relations hors-ring ou l'évolution des personnages. Ici, tout (ou presque) est montré sans fard et avec une certaine connaissance du domaine. Un choix pour le moins couillu mais qui a le mérite de montrer la dureté de ce métier.

Côté graphique, Julien Rolland a fait un choix pour le moins surprenant. Jusque là, quand le catch était traité au sein d'une BD ou d'un manga, deux écoles se dégageaient : Soit les catcheurs étaient dépeints de manière caricaturale, avec des muscles monstrueux et de toutes petites jambes, ou alors comme des grosses boules de graisse à la manière d'Obélix, entre autres ; soit les catcheurs sont représentés de manière ultra-réalistes, à la limite de la planche anatomique, avec des mouvements ultra-stylisés pouvant prendre plus d'une page pour être décrits.

Vous pouvez oublier ces deux écoles, ici le dessinateur a choisi un style complètement différent. Le graphisme est simple, sans aucune volonté de faire dans le m'as-tu-vu. Les personnages sont représentés sans fioritures et le style crayonné apporte une touche d'authenticité non négligeable au récit, un peu comme si un dessinateur suivait Tobias et croquait sa vie sur le vif. Ce style est véritablement rafraîchissant et à mille lieux de ce qu'on pourrait attendre d'un récit abordant le thème du catch. Le dessin se met entièrement au service du récit, ce qui permet d'apporter un certain dynamisme dans la lecture. Peut-être même un peu trop, car le récit se parcourt très vite et la relative brièveté de l'album (48 pages) nous laisse au final un peu sur notre faim. Je pense qu'une dizaine de pages en plus n'auraient pas été superflues. En même temps, cela ne nous donne que plus envie de lire la suite et la fin des aventures de Tobias...

Pour conclure, pour reprendre des termes familiers aux fans de catch, Gigault & Rolland réussissent une première BD plutôt convaincante. L'histoire est très intéressante, bien qu'un peu rapide et succincte, le graphisme est très plaisant à l'œil et rafraîchissant et l'univers présenté est totalement cohérent et s'adresse aussi bien aux profanes qu'aux fans purs et durs comme votre serviteur.

C'est sûrement la meilleure œuvre traitant du catch qu'il m'ait été donné de lire. C'est donc pour cela que je vous recommande vivement de mettre la main sur le premier tome du « Roi du Ring » et/ou d'attendre le second album de cette aventure qui est prévue (normalement) pour Septembre (si je dis une bêtise, signalez-le moi).



PS: Je tiens à remercier chaleureusement le scénariste de cette BD, Dimitri Gigault, qui m'a fourni de précieuses informations qui m'ont permis de corriger plusieurs points inexacts.
C2J
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 18 juin 2012

Critique lue 473 fois

1 j'aime

C2J

Écrit par

Critique lue 473 fois

1

Du même critique

Dynamite Headdy
C2J
9

Critique de Dynamite Headdy par C2J

Pour résumer, Dynamite Headdy fait partie de ces pépites connues de peu mais dont la qualité fait l'unanimité. Avec un gameplay d'une efficacité ravageuse, des graphismes aussi réussis qu'uniques,...

Par

le 23 sept. 2010

7 j'aime

Goof Troop
C2J
7

C'est de l'amitié plein la cartouche...

Goof Troop est un jeu qui ne paie pas de mine, mais qui regorge de qualités. Agréable à l'œil, il s'avère aussi solide sur le plan sonore et sur le plan du système de jeu. Néanmoins, certaines choses...

Par

le 25 déc. 2010

6 j'aime

2

Creed - L'Héritage de Rocky Balboa
C2J
8

Faire sa marque un coup, un pas, un round à la fois...

Depuis que je suis petit, je baigne dans le monde de la boxe. J'ai vu de très nombreux matchs et l'univers de ce sport de combat n'a que peu de secrets pour moi. En tant que cinéphile, il était...

Par

le 21 janv. 2016

3 j'aime

2