Journal d'un fantôme par louielouie

Voici l’histoire d’un dessin en voyage. Une
ébauche qui se cherche, qui se nourrit de ce
qu’elle observe, de ses rêves, de ses rencontres
et de ses déambulations. Le récit commence au
Japon sous une pluie fine. Le dessin capte des
impressions, saisit des instants de vie loin des
cartes postales. Il saisit le vif d’une ville qui
bouge, respire et transpire. Et plus le contact
avec la réalité se fait, plus les rêves d’évasion
se vivent et le dessin s’affine. Le trait se fait plus
créatif, plus précis. Au départ simple bulle vierge
sans grande personnalité, l’œuvre se met à nous
conter ses états d’âme. Le dessin se rend compte
de qui est son pathétique manager et de ce que
ce dernier lui demande (devenir un logo lisse
et rassurant pour faire vendre et être rentable).
Le voyage contrebalance ses points de vue en la
découverte d’une muse, oui l’œuvre, l’héroïne
de ce récit est inspirée. Son expérience de vie
devient plus personnelle et le dessin est plus à
même de jauger le monde qui l’entoure. C’est
donc un dessin plus mûr et plus libre que l’on à
plaisir à rencontrer.
Œuvre singulière, Nicolas De Crécy nous offre
ainsi une réflexion sur le processus créatif d’un
auteur à qui l’on demande de relater la réalité
concrète d’une ville ou d’un pays. Que relater ?
Quoi montrer ? Comment se rapprocher d’une
réalité organique pour la traduire en un dessin
figé, déjà « mort » ? Dessiner la carte postale ou
ce que l’auteur ressent ? Et le dessin lui-même
dans tout ça ?
Une tonne de question, de mises en abîmes, de
questions existentielles d’un artiste face à sa
feuille blanche et sa solitude. L’auteur ainsi se
rencontre et discute avec son œuvre. Une œuvre
qui rêve de se rapprocher de ce qu’elle vit, qui
ne cherche pas à juger ce qu’elle voit et qui de
toute façon n’a pas les capacités de le faire. Ça
tombe bien son auteur est juste à côté d’elle dans
cet avion qui les ramène à la maison. Un auteur
terrorisé à l’idée de passer des heures dans un
cigare volant à des milliers de kilomètres du
sol et qui trouve dans son œuvre un moyen de
se rassurer en lui racontant sa vie, de vivre sa
création et quel rapport il entretient avec celle-ci.
Passionnant.
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