Soirée tendue

Sympa cette BD. Le titre m'avait interpellé alors que je parcourais une librairie mais j'ai dû mettre cette envie de côté. Puis l'occasion s'est présentée, j'ai sauté dessus tout en étant sceptique, je l'avoue... et j'ai été agréablement surpris.

La narration est particulière puisque le scénariste la joue "théâtre" : c'est-à-dire que tout se passe d'une traite, avec très peu d'ellipse narrative. Je me suis même demandé comment l'auteur allait installer un second tome, finalement la coupure fonctionne assez bien. Les deux personnages principaux sont plutôt bien caractérisés et cette caractérisation bien exploitée au travers de l'action et des dialogues. Cela ne fera sans doute pas plaisir aux plus féministes puisqu'on retrouve la femme dans le rôle de l'agresseur qui se sent agressé alors que le mec tient le beau rôle de celui qui essaie de les réconcilier ; personnellement, ça ne m'a pas dérangé pour la simple et bonne raison que les rôles auraient pu être inversés sans que ça ne dérange.

Les thèmes abordés sont intéressants mais pas assez approfondit, ça c'est à cause de cette narration en continu qui empêche de creuser les choses : forcément, quand deux personnes se disputent, en règle générale, ils restent à la surface des choses, l'impulsion empêche de chercher quelque chose de plus profond. Du coup on regrette que l'auteur n'ait pas l'occasion d'aller plus loin. Il y a bien possibilité de ne pas croire les personnages, de creuser par soi-même mais ça serait plus intéressant que l'auteur fasse ces choix-là lui-même. Le cœur du sujet n'est vraiment lancé que tardivement en plus : la mise en place est longue ensuite les personnages tournent autour du pot un peu trop longtemps avant d'aborder les problèmes plus frontalement.

Je pense aussi que ça aurait pu être plus long, tenir sur trois tomes carrément afin de mieux exploiter le repas, non pas pour étirer davantage le moment où l'érection apparaît mais plutôt pour mieux construire les personnages secondaires (puisqu'il semblerait qu'ils auront une plus grande importance dans le tome 2).

Graphiquement, je ne suis pas complètement séduit. Le dessin est juste : les proportions sont réalistes, les expressions faciales riches, le langage corporel fonctionne (je suppose que l'auteur a beaucoup travaillé d'après photo), l'âge des personnages se fait bien ressentir (juste ce qu'il faut de rides). Mais le trait est trop fin et puis sans les couleurs, tout cela serait bien trop plat : en d'autres termes, ça manque de profondeur. Les couleurs ne sont pas top non plus : certes, il y a une ambiance, mais on sent trop le fait par ordinateur, ça m'a gêné un peu, c'est trop lisse, trop froid.

Le découpage fonctionne. Cela rappelle les romans photos (c'est dit sans méchanceté), il y a donc un côté un peu cinématographique à cette mise en scène. Sans en faire trop. Globalement ça marche, on a les rapprochés dans l'axe quand il faut, les angles de vue permettent de bien comprendre l'action. Les plans sont suffisamment variés. Seul bémol, lorsque le dessinateur paraît quelques peu dépassé et ne sait plus trop quoi montrer pour rythmer sa page, son récit (par exemple en 'filmant' les extérieurs pendant que les personnages parlent). N'empêche que ces passages sont rares et iol s'en tire plutôt bien (surtout dans le fait qu'il s'agisse d'un huis-clos).

Les personnages ont une bonne tête. Simple déception : que les 'acteurs' soient typés comme dans les films hollywoodiens. Bon, c'est pas vraiment un reproche, je comprends que peu de gens aiment avoir des protagonistes moins beaux, on idéalise depuis la nuit des temps, pas de raison que ça change, n'empêche que ça fait du bien quand les personnages sont un peu moins parfaits physiquement. Mais d'un autre côté, c'est intéressant puisque ça nous montre des gens à l'image irréprochable cachant en réalité des troubles insoupçonnés dans leur couple.

Bref, ça se lit d'une traite sans aucun problème, c'est agréable, parfois un peu rigolo et puis c'est pas le genre d'intrigue qu'on découvre régulièrement.