Après avoir proposé un treizième tome à l'angoisse bien plus sinistre que pour chacun des douze précédents opus, Patrick Sobral continue sur sa lancée avec la suite directe, L'Héritage du Mal.


Jadina se révélant finalement être morte, et la reine Adeyrid étant sur le point de rejoindre sa fille cadette, Ténébris, dont le comportement a étrangement changé, devient la nouvelle souveraine du royaume d'Orchidia. Son aventure avec les Légendaires, ainsi que son histoire avec Razzia, doivent selon elle prendre fin. Pendant ce temps, la fausse Jadina est enfermée. Razzia, Shimy et Gryf se doutent que rien de tout cela ne tourne vraiment rond, et décident d'enquêter afin d'arranger la situation.


De tous les tomes, L'Héritage du Mal est celui se rapprochant le plus du genre policier (même s'il ne s'agit bien entendu, pas tout à fait de cela), trois de nos héros se plongeant dans une sombre enquête. C'est un volet très curieux, dans lequel on se pose énormément de questions. Plusieurs situations semblent n'avoir aucune logique, et tout ce que l'on croyait connaître (que ce soit depuis peu de temps, comme Vangelis, ou depuis plusieurs tomes dans le cas de Jadina) semble totalement bouleversé. Mais l'histoire est très bien écrite, et il s'agit d'une enquête comme je les aime: tout comme les héros on se sent totalement perdu au départ, mais tous les morceaux finissent par se recoller à la fin. Les événements étranges qui entourent la jeune princesse ont de quoi rendre confus, mais sont finalement cohérents avec les trois tomes précédents. L'histoire happe complètement par ses mystères, et donne vraiment envie de continuer afin de mieux comprendre.


Tout comme Sang Royal, ce quatorzième volet est très psychologique. Il ne s'agit pas de l'opus où la violence est montrée de la façon la plus crue, mais celui où elle est suggérée de la façon la plus glauque. Tout du long, le ton est particulièrement sinistre. La façon dont Ténébris se fait manipuler, et les doutes identitaires qui rongent Jadina ont de quoi perturber. Les personnages se sentent perdus, et puisqu'on je ne comprends pas non plus en tant que lectrice, je me sens perdue avec eux et me sens proche des héros. Quasiment aucune touche d'humour ne vient alléger le récit, et même lorsqu'une situation peut prêter à sourire, on rit plus jaune qu'autre chose. La scène d'action finale est également assez longue et violente, montrant que même après avoir vaincu un Dieu, les Légendaires ne sont pas imbattables.


Visuellement, ce tome continue totalement dans la lancée de son prédécesseur. Les couleurs sont très mornes, et accentuent bien l'ambiance sombre et malsaine. Tout est très sombre, presque aucune couleur n'est vraiment vive avant la situation finale. L'essentiel des péripéties se déroule durant la nuit, et même lorsqu'il fait jour, la luminosité se fait timide. On peut également se rappeler des contours des cases de la page 29, noirs au lieu de blancs, plongeant toujours l'histoire dans une ambiance sombre. J'aime bien la couleur rouge des pouvoirs et les bulles des paroles du méchant. Cette coloration, bien plus vive que le reste de la BD, le rend plus agressif et on ressent davantage sa dangerosité.


Je reproche souvent aux tomes des Légendaires de délaisser certains membres du groupe. Mais s'il y a bien quelque chose que j'apprécie beaucoup dans cette quatorzième aventure, c'est qu'ils se révèlent tous importants et utiles au récit. Et ceux qui marquent le moins sont ceux prenant toujours toute la lumière dans les autres tomes. Tout cela n'est donc que justice rendue.


Deux Légendaires sont cette fois-ci au coeur de l'histoire. La première est Jadina. Cette dernière me fait toujours énormément de peine dans cet épisode. On sent qu'elle souffre, qu'elle est perdue. Elle ne sait plus qui elle est, toutes ses certitudes ont disparu. La prétendue usurpatrice nourrit alors un profond dégoût d'elle-même. Elle ignore qui elle est, d'où elle vient, pourquoi et comment elle a été conçu. Toute cette ignorance pourrait lui donner un avis neutre sur la question de son existence. Mais en l'occurrence, Jadina se déteste et n'a plus aucun respect envers elle-même. Ce n'est rien d'autre qu'une vulgaire contrefaçon, un objet envoyé pour manipuler les amis de la "vraie" princesse magicienne et les faire souffrir. Le lecteur a de quoi se sentir terriblement confus en la suivant. Apparemment, il ne s'agit pas de la Jadina que l'on a connue et suivi pendant dix tomes. Ce n'est qu'un monstre, ayant commis des méfaits abominables dans le tome précédent... Mais on sent à quel point la jeune femme souffre et ne comprend pas plus la situation que le lecteur. On la voit se faire du véritable souci pour ses compagnons, on la voit craindre pour la vie d'Adeyrid. Et sa peine est telle qu'elle se met à délirer, en revoyant un personnage bien connu, que la vraie Jadina aimait tendrement avant qu'il ne meure. Là où on peut également avoir de la peine pour elle, c'est dans son état physique. Depuis Versus Inferno, Jadina paraissait imbattable, sa puissance semblait divine et inépuisable. Jamais un Légendaire n'avait acquis une force aussi puissante... et là, c'est tout l'inverse. Jamais un Légendaire n'avait paru aussi chétif et vidé. La faiblesse de Jadina est tellement palpable qu'il est difficile de se réjouir de son sort. Peut-être cette femme n'est-elle qu'une copie, mais L'Héritage du Mal joue très bien sur les sentiments du lecteur, qui ignore s'il doit la haïr ou la prendre en pitié.


Si Gryf a souvent tendance à voler la vedette à tout le monde dans le reste de la saga, ce n'est pas forcément lui qui possède le rôle le plus marquant dans ce volet. Même si j'adore le Jaguarian, je considère cela comme une bonne chose, car j'aime mieux quand chacun a droit à son heure de gloire. Et je suis en effet satisfaite de la place qu'il tient ici: il n'est pas plus envahissant qu'un autre mais a droit à sa scène d'action à lui. C'est lui qui a droit au moment de bravoure le plus long et classe, en affrontant Abyss sous sa méga-crise de Chakounia. Sinon, dans le reste de l'aventure, il se montre utile en formant un trio avec Razzia et Shimy, l'aide de Ténébris et Jadina étant impossible. Gryf est toujours fidèle à lui-même dans ce top. Toujours assez idiot et impulsif, mais toujours courageux, avec un vrai code d'honneur et une vraie envie d'aider ses compagnons.


Razzia tient, pour mon plus grand bonheur, un rôle véritablement intéressant dans cette histoire. L'un des deux personnages centraux de ce diptyque étant son amante, le colosse de Rymar est la personne la plus touchée par tous ces événements, après Jadina et Ténébris. Le pauvre se fait larguer par la femme qu'il aime, d'une façon brusque et incompréhensible. J'aime alors beaucoup comment on sent sa colère et son amertume suite à cela. Il ne nous ennuie pas avec des gags puérils et agit de façon sérieuse durant toute l'histoire, fermement décidé à ce que la situation s'arrange et ait à nouveau un sens. Il est celui qui se comporte de la façon la plus réfléchie, et qui devine le plus rapidement qu'il se déroule des faits louches à Orchidia et est le cerveau de notre trio d'enquêteurs. J'aime vraiment beaucoup Razzia dans ce tome, car que ce soit d'un point de vue narratif ou émotionnel, sa présence dans le récit est vraiment utile. Même Amy, malgré sa discrétion, parvient à faire preuve d'utilité d'une façon intéressante: on est d'abord convaincu qu'elle nous dirige vers une hypothèse, avant de nous rendre compte qu'elle nous amenait tout à fait logiquement vers les vrais faits.


Shimy, qui a tendance à se faire beaucoup remarquer dans le Second Arc, n'a pas spécialement un rôle plus importants que d'autres dans cette histoire. Je lui fais le même compliment que pour Gryf: elle se montre suffisamment utile et forme un bon trio avec les deux garçons du groupe. Et elle ne change pas, elle a toujours cette personnalité mignonne et classe que j'aime beaucoup chez la nouvelle-elle. Mais la jeune elfe n'est pas celle qui a les sentiments les plus marquées dans cette histoire, elle laisse paraître peu d'inquiétude et d'angoisse en comparaison avec ses compagnons. Emotionnellement parlant, Shimy n'est pas spécialement la plus mémorable.


Ténébris est le deuxième Légendaire central de l'oeuvre, après sa soeur cadette. Mais il est tout de même assez difficile de vraiment la commenter, en sachant qu'elle n'est pas vraiment elle-même durant la moitié de l'épisode. Il est tout de même appréciable qu'elle ait un rôle important, après que son rôle lors du combat contre Anathos ait été plutôt moindre. Elle est une des principales antagonistes pendant une bonne partie du récit. Cela lui permet d'avoir un rôle important, et même lorsqu'elle recouvre ses esprits, la façon dont elle s'est retrouvée chez l'ennemi lui permet une véritable utilité en tant qu'allié. Et c'est toute aussi classe et élégante qu'elle nous revient, pour mon plus grand plaisir.


Le principal antagoniste de l'histoire est le professeur Vangelis, qui se révèle finalement être Abyss, une expérience ratée du Sorcier Noir Darkhell. Je trouve regrettable le fait que lorsqu'on rencontre Vangelis pour la première fois, c'est pour se rendre compte que ce n'est pas lui. Sinon, je trouve que ce rejeton de Darkhell est un antagoniste sympathique mais ce n'est pas le plus mémorable de la saga. Je trouve intéressant qu'il se sente blessé par le manque de considération que lui a témoigné son père, et son envie de prouver qu'il aurait pu être fier de lui. Son amour pour Ténébris, qu'il voit comme sa soeur, n'est pas inintéressant non plus. Il ne désire rien d'autre que de la voir s'épanouir comme il pense qu'elle devrait le faire. Que tous ces agissements soient dus à un amour familial aurait pu me faire adorer ce personnage, mais je trouve que même avec tout cela, il ne possède pas un caractère suffisamment unique. Il est pile le genre de méchants diaboliques qui se contente d'avoir l'air maléfique. Et malgré que certains aspects de son ambition soient plus ambigus, Abyss n'est pas présenté autrement que comme une menace qu'il faut obligatoirement éradiquer. D'autres méchants avant lui ne faisaient pas preuve de la moindre complexité, mais dans le cas d'Abyss, c'est un peu plus dommage car il aurait pu être plus complexe. Après, il n'est pas non plus dérangeant, et donne du bon fil à retordre à notre équipe.


Plusieurs autres personnages ont retenu mon attention dans ce quatorzième tome. Je trouve Adeyrid très intéressante. Ce n'est clairement pas une bonne mère, elle n'a jamais vraiment été à l'écoute de sa fille et a plusieurs fois agi de façon égoïste à son égard. Mais on sent à la fin qu'elle aime sa fille et aimerait être plus proche d'elle. Ce qui fait que même si je comprend totalement la colère de Jadina, je ne peux m'empêcher d'avoir de la peine pour la souveraine. Et j'adore me sentir impartiale dans un conflit entre plusieurs personnages, cela veut dire que la complexité des agissements des protagonistes est bien gérée.
J'aime également bien le roi Kinder, même s'il reste peu important. Il est sur le point de perdre la femme qu'il aime, il croit avoir perdu sa fille, il n'a plus aucun pouvoir maintenant que Ténébris a pris la tête du royaume, mais il tente de garder la tête froide, alors même qu'il prouve ouvertement son chagrin.
Et je suis complètement fascinée par l'Arbre de Gaméra. Sa personnalité n'est pas des plus marquantes, il s'agit simplement d'une créature divine usant de paroles mystérieuses, et se révélant profondément déçue par l'humanité (Ce qui prouve que Shimy avait raison dans le tome 13. Vous comprenez quand je vous dit que le manque de considération auquel Shimy a maintenant tout le droit me frustre.). Mais j'adore son design que je trouve mystérieux, presque inquiétant, et très imposant. Et j'adore le fait que l'on ne sache rien de ses origines. Cet être a certainement été crée par les Dieux, mais on ignore comment et dans quel but, ce qui me fascine beaucoup.


Ce septième diptyque a pour but de pleinement nous plonger dans la nouvelle ambiance de la série, telle qu'elle est dans une histoire à plus petite échelle que dans Le Cycle d'Anathos. Et je trouve ça très réussi. Jamais la série n'avait été aussi glauque, on est clairement dans une dimension plus cruelle et tout cela rend encore plus poignant tout ce que nos héros doivent traverser. Un excellent tome, qui donne vraiment envie de savoir tout ce que la série peut faire avec une telle atmosphère!

ErizuTeriyaki
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le 1 mai 2017

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