Première chose à préciser, Pour l'Empire n'est pas un récit historique. Ne vous attendez donc pas à une exactitude historique, l'univers reprend simplement l'iconographie et les codes de l'apogée de l'empire romain – l'aspect des légions, leur réputation d'invincibilité et de discipline, l'empereur, etc – pour le plaquer sur un monde imaginaire.


Personnellement, je suis passionné d'Histoire antique (avec un grand H) comme d'histoires antiques (petit h), j'ai donc été naturellement attiré quand je l'ai découvert en librairie il y a quelques années. Et je n'ai pas été déçu.


Je ne m'étendrai pas sur le dessin de Merwane Chabane et de Bastien Vivès - dont les styles sont très proches - qui n'a plus rien à prouver.


Ce qui m'intéresse particulièrement dans Pour l'Empire, c'est d'abord la thématique des voyages d'exploration romains de ce qu'ils appelaient « les confins », qui est pleine de potentiel pour un récit d'aventure. Les confins, dans la culture grecque, étaient l'horizon inconnu où se déployaient dans leur représentation du monde les mythes et les monstres.


Pour faire plus simple : de la même manière que dans l'esprit d'un adulte, l'imagination s'exerce dans les recoins obscurs de la pensée, qui relèvent du pulsionnel, le mythique est chez les grecs déplacé hors de la cité, hors du « monde connu ». Il est géographiquement déplacé, dans les recoins inconnus de la terre.


La lointaine chaîne de montagne de l'Atlas, par exemple, au Maghreb actuel, doit son nom au mythe d'Atlas, qui était supposé porter sur son dos la voûte céleste. Pas très loin, il y avait les colonnes d'Hercule (Gibraltar), la fin du monde connu à l'Ouest. Etc.


Si on part du principe, pour aller un peu vite, que la mythologie – et c'est là le processus de l'imagination en général, il me semble – est la projection de nos peurs et de nos fantasmes, l'exploration des confins est une exploration de soi-même.


C'est exactement ce que font les personnages de Pour l'Empire. Au départ c'est assez vague, mais devient de plus en plus évident quand on avance, en particulier dans le tome 3. Le voyage, dans un premier temps à visée géographique donc purement pratique, devient intérieur. Les quelques planches qui servent de clausule à la série se font l'écho de cet odyssée, qui comme tout voyage vraiment vécu présente d'abord un intérêt spirituel.


Parce qu'ils ont su trouver la finesse d'exprimer ces idées, pas si simples, de manière évocatrice et digeste, pour les avoir fondu dans un sens de l'épique, les auteurs m'ont offert une lecture palpitante.

Mathieu_Péquignot
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le 14 févr. 2018

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