Des brunes, des blondes, des rousses, des vertes
On savait les littératures de l'imaginaire intimement liées à l'illustration érotique : il suffit de voir le nombre de romans de science-fiction et de fantasy dont le principal argument de vente est, sur la couverture, une femme à la poitrine dénudée – et ce même si, dans ledit roman, n'intervient aucune femme à la poitrine dénudée. Ici, Aly Fell, artiste conceptuel, et Duddlebug, illustrateur, poussent le concept encore plus loin : plus de publicité mensongère, plus d'arguments marketing fallacieux, dans cet artbook, il n'y a que des femmes à poil.
Pour composer ce recueil, ses deux anthologistes ont fait appel à de nombreux illustrateurs en leur laissant, sauf le thème de l'érotisme, une totale liberté : certaines illustrations viennent de books ou ont été utilisées pour des couvertures, d'autres ont été réalisées pour l'occasion. Cela pouvait laisser présager une grande variété d'images, eh bien non : force est de constater que l'idée que se font les illustrateurs de l'érotisme est globalement la même, et que le fantasme moyen est une femme à forte (à énorme) poitrine, très légèrement vêtue, avec des petites ailes de fées ou une grosse épée qui boit les âmes pour l'argument fantasy. Mention spéciale pour les guerrières habillées de bikinis en plaques et les armures en cuir qui recouvrent tout le corps, sauf les seins et les fesses.
Finalement, ce qui varie le plus d'une page à l'autre, c'est la couleur de cheveux de ces demoiselles : brunes pour la grande majorité, avec quelques blondes chez les elfes, quelques rousses chez les fées,et une ou deux aux cheveux verts. Mais très peu d'hommes, qui ne sont jamais le sujet de l'illustration, une seule femme dont le tour de taille dépasse le tour de poitrine, et relativement peu de couples.
Les amateurs, comme moi, de silhouettes plus sveltes, de formes discrètes, d'un érotisme vestimentaire et, tout simplement, de subtilité devront se rabattre sur les quelques illustrations d'inspiration asiatique qui parsèment le recueil. On remarquera d'ailleurs que la surface de corps couverte par le tissu (et/ou le métal et/ou le cuir) est généralement proportionnelle à la qualité de l'illustration. De trop nombreuses illustrations se reposent ainsi sur le seul pouvoir érotique d'une bonne grosse paire de seins apparente, oubliant que l'érotisme passe aussi (et surtout) par le non-dit, par le regard, par les lèvres, par une main négligemment posée sur une cuisse, par les images provoquées dans l'esprit du lecteur plus que par celles qui sont sur le papier glacé. À ce titre, certaines illustrations, comme Le Dragon de Cire, de Natascha Roeosli, sont malgré tout plutôt réussies et se détachent d'autant plus du lot qu'elles tranchent nettement avec le reste.
Remarquons enfin que l'ouvrage est d'une manière générale de bonne facture, agréablement conçu et que les reproductions sont de qualité. Les illustrations sont regroupées en chapitres thématiques (guerrières, fées & elfes, démones, etc.) dont l'un d'eux est consacré à la science-fiction. Chaque image est accompagnée d'un petit commentaire qui remet l'illustration dans son contexte, écrite soit par l'illustrateur lui-même, soit par les anthologistes, même si dans le deuxième cas il s'agit parfois un peu de remplissage.