Huitième SPIROU VU PAR... et je me demande toujours à quoi sert cette série.
On nous dit que "c'est l'occasion pour un ou deux auteurs de donner leur vision de SPIROU & FANTASIO le temps d'un album."
C'est bien joli tout ça, mais une série comme celle-ci, qui s'est construite et étoffée sur des décennies, se définit par ses personnages qui ont leur caractère propre et par le milieu fictif dans lequel ils évoluent (cadre, amis, ennemis) et qui ressemble énormément au notre (sans jamais être celui-ci pour que certaines extravagances puissent avoir lieu - cf. le Marsupilami et les inventions du comte). Mais elle se définit aussi par le dessin lui-même (c'est celui de Franquin qui sert de mètre-étalon depuis les années 1950) et par sa mise en couleur.
Sans un ou plusieurs de ces éléments, ce n'est plus vraiment (ou du tout) SPIROU & FANTASIO. Or, le postulat des VU PAR... est justement de supprimer un ou plusieurs de ces éléments essentiels de définition (excepté dans Le Tombeau des Champignac qui était raté pour d'autres raisons - la flemme du dessinateur et la lourdeur du scénariste). En quoi est-ce donc encore du SPIROU ?
Et c'est là que ça devient ambigu. Les personnages pourraient s'appeler autrement, ça ne gênerait pas. Au contraire, ce serait profitable puisqu'on ne ferait pas de rapprochement entre SPIROU et ces albums qu'on lirait pour ce qu'ils sont, et non pour leur filiation à cette série emblématique.
Maintenant, il est évident que la marque SPIROU attire, notamment des gens comme moi qui, par exemple, n'ouvriraient jamais en temps normal des albums dessinés comme Les Géants pétrifiés, Panique en Atlantique et La Grosse Tête ou mis en couleur comme Les Marais du temps et Le Journal d'un ingénu.


Cette fois-ci cependant on touche le fond. Pour ce qui est du dessin, on savait déjà à quelle sauce on serait mangé vus les extraits prépubliés à droite et à gauche. Avec La Grosse Tête, on évolue dans le style vulgaire habituel de la Nouvelle BD (Zep, Tebo, Féroumont - qui "chic !" va commettre le prochain VU PAR...) que le premier dessinateur voulant se faire publier utilise systématiquement pour caresser dans le sens du poil un jeune lectorat formaté, et souvent peu exigeant, à qui on a dit que c'était ça qui "marchait" désormais. Alors c'est certes bien animé et dynamique. De ce point de vue, rien à dire, ça fonctionne. Mais pour ce qui est du dessin en soi, c'est d'une laideur consternante. Les personnages sont méconnaissables, Fantasio a une tronche de tube cathodique et Spip ressemble à un rat. Et on a l'impression qu'ils se promènent tous en pyjama. On est bien loin de l'élégance que pouvaient avoir des dessinateurs qui n'auraient jamais osé présenter quelque chose d'aussi bâclé (par respect du lecteur - jeune ou pas). Le trait est nonchalant, ça fait torché à la va-vite, brouillon. Et, bien évidemment (détail qui ne trompe pas), les bords de cases sont faits à main levée (genre : "Ben ouais ! On est entre nous quoi, on n'est pas là pour se la péter, t'vois. On est sur du SPIROU là, pas chez LEFRANC ou RIC HOCHET. On n'a pas les contraintes de la série officielle, c'est pas pour nous en imposer nous-mêmes. On est là pour s'amuser nous, pas pour se prendre la tête !" L'éternel argument des médiocres - si on peut appeler ça un argument).


On se dit alors que l'histoire va peut-être sauver un peu l'esthétique. D'autant plus que Makyo n'est pas le premier venu (BALADE AU BOUT DU MONDE). Eh bien non, le scénario est à l'avenant. C'est inepte. Limite insultant pour le lecteur de plus de huit ans. Non mais franchement, c'est quoi cette histoire de dictature par le chtoumpfell (le plat national bretzelburgeois, genre de parodie de choucroute) ! C'est ridicule. Et puis comme d'habitude, on va nous rechercher des références à l'âge d'or (faut bien justifier que ça s'appelle SPIROU & FANTASIO) et bien sûr à l'éternel graaaaand Franquin, dont encore une fois on lèche les bottes et on se prétend héritier ou fervent admirateur, mais à qui on ferait souvent honte s'il était encore vivant (mais il serait trop gentil pour le dire).
Chers auteurs, s'il vous plaît, occupez-vous plutôt d'élaborer des aventures de SPIROU qui soient dignes de ce nom et qui valent quelque chose par elles-mêmes et pas parce qu'on aura quinze-mille références en tête pour comprendre le nouvel album.


Comble du lamentable dans La Grosse Tête, le personnage de Spirou est un connard fini (comme Fantasio dans Le Journal d'un ingénu) et donc totalement contradictoire avec ce qu'il est normalement. On n'a aucune sympathie pour lui, et ça c'est une première depuis 1938. Tout de même : Spirou se caractérise par la traditionnelle "modestie du héros" chère à bon nombre de personnages de BD (entre autres). Or, là, les auteurs en ont fait un sale petit prétentieux détestable et snob. En quoi est-ce Spirou ?
Que le succès tourne la tête aux gens, pourquoi pas, mais qu'il change leur caractère profond et leur personnalité, non. Ça s'appelle dénaturer un personnage.
On aura donc compris que je déteste cet album qui n'a rien à voir de près ou de loin avec SPIROU & FANTASIO. Je pense même qu'il est à des distances abyssales en-dessous de Spirou à Tokyo et des tomes 52, 53 et 55 de Yoann & Vehlmann. C'est dire.
Economisez vos sous.


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Muffinman
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le 26 mars 2015

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