Œil pour œil, dent pour dent, boule de neige pour boule de neige !

Puisque l’intrigue du Thermozéro imaginée par Greg ne verra jamais le jour, cette cinquième aventure est également la dernière pour Jo, Zette et Jocko. Hergé se sentait de moins en moins à l’aise avec ces personnages convenus, et notamment l’obligation de faire apparaître leur famille à chaque épisode. Aussi, comme pour la fin de série de Tintin, ce dernier album est un tome bourré de fantaisie et d’humour acide, qui reprend et détourne les codes mis en place par Hergé dans les albums précédents.

Au programme, changement de décor : finis les allers-retours Paris/New York, voici nos héros en vacances aux sports d’hiver, puis en route pour l’Inde (le Gopal, plus exactement). La révolution est également vestimentaire, Hergé abandonne les tenues de premiers de classe qui collaient à nos héros, pour leur faire enfiler des combinaisons de ski ou bien des habits de brousse. On croirait voir Tintin et les Picaros, où le reporter se sape pour la première fois non plus en pantalon de golf, mais avec un blue-jean !

L’intrigue est bourrée de fantaisie, et permet notamment de découvrir le fameux Maharadjah de Gopal, celui-là même qui offrira son émeraude à la Castafiore (et que chipera une pie, mais ça, c’est une autre histoire ...). Ce Maharadjah, c’est un peu la version adulte d’Abdallah, un type rigoureusement insupportable, mais au potentiel comique presque illimité.
Hergé ne prend pas de gants pour revisiter l’Inde, dont il avait fait un portrait plutôt sobre (et stéréotypé) dans Les Cigares du Pharaon : ici, à l’inverse, les fakirs arnaquent des paysans, et la colère des dieux est relayée par un barrage hydraulique.
Enfin, il faut signaler un découpage narratif assez inédit : une structure en épisodes. Hergé brosse une scène sur une dizaine pages, puis transporte soudain le spectateur à l’autre bout du monde deux mois plus tard, et recommence. C’est bien vu, bien pensé, et plutôt rafraîchissant.

Du côté du dessin, Hergé ne se fatigue pas avec des efforts de mise en scène, c’est particulièrement lisse, pour ne pas dire plat (le bord inférieur de la case correspond souvent au sol, par exemple). En revanche, les décors sont vraiment réussis, on sent le travail de toute son équipe de collaborateurs aux Studios. Et au détour d’une scène, Hergé nous gratifie d’un jeu d’ombres inattendu autour d’un feu de camp, en rupture avec les codes de la ligne claire ; une expérience qu’on ne retrouvera d’ailleurs qu'une seule fois, quelques années plus tard, dans Les Bijoux de la Castafiore.

Bref, voilà un album tardif, porté par un Hergé qui est devenu immensément célèbre. Jo, Zette et Jocko, à cette époque de sa carrière, c’est devenu une série qu’il crayonne presque sur son temps libre, des sortes de vacances entre deux aventures de Tintin (lesquelles lui demandent autrement plus de travail).
Une BD écrite pour le plaisir, et à prendre comme telle.
Wakapou
8
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le 31 juil. 2013

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Wakapou

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