Ce tome fait suite à Hellboy en enfer T1 - Secrets de famille (épisodes 1 à 5) qu'il faut avoir lu avant. Il comprend les épisodes 6 à 10, initialement parus en 2014-2016, écrits, dessinés et encrés par Mike Mignola, avec une mise en couleurs réalisée par Dave Stewart. Il comprend également une histoire courte (8 pages) réalisée par Mike Mignola, avec la participation de son frère Todd Mignola à l'écriture.


Dans sa maison perchée sur des pattes de poulet, Baba Yaga discute avec sa grenouille, son chat et son corbeau de la situation d'Hellboy, de comment il en est venu aux Enfers et du sort qui l'attend. Hellboy reprend connaissance dans une maison de la version fantasmagorique (ou infernale) de Prague devant Mister Jenks et Mister Dean. Ils lui expliquent qu'ils se sont attelés à la tâche d'écrire une histoire des Enfers, et qu'ils recueillent de nombreux témoignages pour ce faire. Ils évoquent également la géographie des Enfers, depuis sa capitale Pandémonium jusqu'aux régions éloignées. Malheureusement ils n'ont pas établi de carte qu'ils pourraient lui donner. Leur discussion est grossièrement interrompue par un individu qui déclare vouloir jouer aux cartes avec Hellboy, peu importe le jeu. L'individu tire une première carte qui représente un crâne surmonté d'une couronne, puis il se jette sur Hellboy et l'agresse. Les deux messieurs ont tôt fait de déguerpir.


Alors que la créature et Hellboy échangent des horions, Hellboy finit par l'identifier. Il s'agit du bedeau de l'église Saint Pierre à Prague, qu'il avait croisé le 18 août 1982 dans une partie de cartes. Cet individu était devenu le vampire de Prague. Après cet affrontement, Hellboy regagne conscience devant 2 autres individus, les docteurs Chatrian & Erckman. Il reperd conscience aussi sec, et se retrouve dans un bois sacré en Angleterre où il dispose de quelques instants au calme pour discuter avec Alice Monaghan. Il reprend conscience devant les 2 docteurs, se redresse et se remet sur pied. Ils lui apprennent qu'il est affligé d'un parasite carnivore qui se nourrit de son âme. Ils l'emmènent voir un spécialiste, le docteur Hoffman, qui est en train d'être jugé en pleine rue, par un tribunal et le docteur Wilhelm Coppelius qui remplit les fonctions de procureur. Hoffman est acquitté ; Coppelius est furax. Hoffman emmène Hellboy chez lui et lui demande son aide.


Après le premier tome, le lecteur ne savait plus trop quoi penser de la direction du récit.il est indubitable que Mike Mignola, le créateur d'Hellboy, allait confronter son personnage à son destin, à savoir succéder ou non à son père Azzael sur le trône des Enfers. Mais il avait pris des chemins détournés, avec des anecdotes n'ayant pas de rapport immédiat avec la question centrale, surprenant d'autant plus son lecteur avec des révélations sur la famille proche d'Hellboy. Cette deuxième moitié poursuit la narration dans le droit fil, ou plutôt dans ses méandres. Si le lecteur en a la curiosité, il peut commencer par lire la postface située après les 5 épisodes, avant l'histoire courte. C'est encore plus déstabilisant puisque l'auteur écrit que l'histoire prend fin avec la dernière page de l'épisode 8, et que ça correspond à la fin qu'il avait toujours eu en tête. Simplement il a été amené à l'écrire plus rapidement que ce qu'il pensait au gré de son inspiration.


Comme dans le tome précédent, celui comprend plusieurs références à des histories passées d'Hellboy. Il y a donc celle relative au vampire de Prague, intégrée au recueil Hellboy, Tome 8 : Trolls et sorcières et Baba Yaga était apparue dans le tome 3. Sous réserve que le lecteur ait bien suivi, il retrouve également un membre rapporté de la famille d'Hellboy en la personne de la fiancée espagnole, celle qu'il a épousé à Mexico en 1956 dans Hellboy T15 Hellboy au Mexique. Sans en avoir l'air, l'auteur apporte bien une conclusion à sa série en utilisant de nombreux éléments disséminés dans les différentes aventures passée d'Hellboy. Comme à son habitude, il va également piocher dans les mythologies diverses et variées, intégrant aussi bien Alecto, Mégère, Tisiphone (les Bienveillantes, encore appelées Érinyes) et Pluton. Le lecteur retrouve la citation de William Shakespeare (déjà présente dans le tome 1) tirée de Macbetth : Qui aurait cru que le vieil homme eût en lui tant de sang ? Mignola invoque encore la mythologie biblique étendue par Milton dans son poème épique Le Paradis perdu, avec la ville de Pandémonium ou la Bible directement avec les monstres Béhémoth et Léviathan.


Comme dans le tome précédent, Hellboy se retrouve confronté à plusieurs monstres qu'il a déjà croisé durant sa vie et de la part desquels il doit encore encaisser des coups, et leur retourner quelques mandales bien senties. Par exemple le combat contre le vampire de Prague occupe 7 pages. Ces affrontements conservent toute leur dimension onirique. Le vampire a entraîné Hellboy dans les airs et le relâche. Celui-ci retombe lourdement dans une rue de Prague et passe par la crypte d'une église avec des belles arches. Le lecteur sait qu'aucune séquence ne suivra un déroulement linéaire et peut basculer dans une forme onirique à chaque case. Il retrouve bien sûr les caractéristiques si marquées des dessins de Mike Mignola : formes taillées au burin et simplifiées, aplats de noir irréguliers sans être déchiquetés, quelques formes simplistes (les yeux, les traits des visages), épaules tombantes des personnages, décors gothiques, cases sans arrière-plans, etc. De toutes les manières si le lecteur a décidé de lire ce dernier tome, c'est qu'il apprécie ces caractéristiques ou qu'il a appris à les apprécier. Il compte donc bien qu'elles soient toujours présentes. Qui plus est, cette façon de représenter les formes, les personnages, les environnements se marie encore mieux avec le contexte d'un Enfer imaginaire, très décalé par rapport à une vision comics classique. Le lecteur ressent de plein fouet l'onirisme des situations, au point de s'abandonner totalement à la narration si particulière.


Comme dans le tome précédent, le lecteur retrouve également l'usage d'images récurrentes, comme des signes à déchiffrer. Il y a la présence d'un serpent à plusieurs reprises, ainsi que cette épée courte ensanglantée qui tombe par terre. Comme dans le tome précédent, Mike Mignola apporte une résolution à plusieurs mystères, et comme il s'agit du dernier tome il n'en laisse aucun en suspens. Le lecteur sait donc ce que représente ce serpent. Il découvre la dernière personne manquante de la famille. Il a enfin la réponse de savoir si Hellboy a oui ou non assassiné son père. L'auteur va jusqu'au bout puisque le lecteur apprend si Hellboy échappe ou non à son destin de succéder à son père sur le trône des Enfers. Le scénariste en donne même plus à son lecteur. Il évoque l'avenir de Pandémonium et d'autres entités infernales aussi formidables qu'Azzael. Il boucle la boucle avec différentes séquences. Il y a une brève image montrant Hellboy à Fairfield dans le Connecticut en 1948. L'image du cassage de ses cornes revient encore une fois. Mignola lui donne également l'occasion de faire des adieux en bonne et due forme à Alice Monaghan, dans une séquence onirique de toute beauté. À cette occasion, Dave Stewart reprend la composition chromatique qu'il avait déjà utilisée dans une scène se déroulant au même endroit dans un tome précédent. Ce sont des pages apaisantes au milieu d'un havre de verdure, comme si la pesanteur sinistre et accablante des Enfers était levée pendant un bref instant. Pour le reste du tome, il s'en tient majoritairement à des aplats de couleur uniforme, en cohérence avec l'apparence simple des dessins de Mignola, monolithiques.


Même si Mike Mignola indique que l'histoire se termine avec l'épisode 8, les 9 & 10 apportent de nombreuses informations complémentaires, constituent des clôtures à des sous-intrigues et à une intrigue majeure. Le lecteur savoure encore l'histoire courte, lui permettant d'effectuer la transition vers un monde où il n'y aura probablement plus de nouvelles histoires d'Hellboy dessinées par Mignola (mais encore quelques histoires du passé dessinées par d'autres artistes). Helboy écoute un squelette de pendu lui raconter son histoire douce-amère, un dernier conte ironique pour la route. Encore 6 pages de conception graphique, les couvertures originales et c'est bel et bien fini. Une page se tourne.


Le moins qu'on puisse dire est que Mike Mignola a pleinement réalisé son potentiel et mis à profit sa liberté quand il est parti de Marvel et DC pour créer son propre personnage. Il a engendré un héros à nul autre pareil, pourfendant les monstres et les horreurs, avec une forme de détachement et de fatalisme, et une redoutable efficacité. Il a conservé les tics narratifs des comics, en remplissant l'obligation d'un combat physique par épisode, tout en réalisant une œuvre entièrement personnelle, sans équivalent. Il a mis à profit des contes et légendes de la vieille Europe comme personne d'autre ne l'avait fait. Il a continué à développer ses idiosyncrasies graphiques, jouant sur des formes simplifiées, en atteignant un équilibre délicat entre des formes à la limite de l'abstraction, des formes disgracieuses et massives, et une impression de mouvement et d'ancienneté. Le résultat n'appartient qu'à lui et dispose d'une qualité qui le rend intemporel, dont l'apparence surannée assure que la lecture n'en sera jamais démodée.

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le 12 févr. 2020

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