Un manga au temps des samourais avec de bonnes bases

Un manga de Tezuka pour les plus jeunes, mais pas le plus connu, avec une histoire complete qui tient en un seul tome d'environ 150 pages (les pages ne sont pas numerotees). Ce manga a ete traduit en francais et publie aux editions Cornelius en 2008. Le titre est simple et a son charme, c'est aussi un titre ironique au vu de l'histoire et des problemes qu'engendre sa construction pour les plus pauvres.
L'histoire se deroule dans les derniers annees du seizieme siecle, a une epoque ou le Japon est quasi unifie sous un seul pouvoir politique. Oda Nobunaga le premier unificateur d'une partie du pays a ete assassine et Hideyoshi Toyotomi lui a succede en tant que maitre du pays. Il a presque paracheve l'unification du pays et il a su calmer le conflit avec Tokugawa Ieyasu, un autre soldat issu des armees d'Oda Nobunaga. Ce manga evoque l'affrontement des deux hommes quelques annees plutot, leur rivalite donc, puis la mort d'Hideyoshi Toyotomi et en fait les derniers combats de Tokugawa Ieyasu pour soumettre les derniers seigneurs japonais. Mais ce n'est que le fond historique du recit. Il faut en parler, car on a un seigneur non soumis a Tokugawa qui veut consacrer ses dernieres annees a la construction du plus beau chateau et il va subir les assauts des armees de Tokugawa. Ce chateau est imaginaire, mais on songe au chateau d'Osaka avec le fils d'Hideyoshi Toyotomi qui s'y fait eliminer par Tokugawa Ieyasu, ce qui a fait entrer le Japon dans l'ere d'Edo, l'unite du pays etant accomplie.
Pour un lecteur occidental, ce fond historique parlera moins que pour un lecteur japonais.
Il y a aussi une evocation de l'influence occidentale, mais avec beaucoup d'anachronismes. Par exemple, les japonais ne sont en affaires qu'avec les portugais en 1599 et avant, ils connaissent un peu les espagnols et des jesuites italiens, espagnols ou portugais. Ils ne sont pas censes connaitre les neerlandais et les anglais qui arrivent juste au debut du dix-septieme siecle. C'est du coup ce qui rend plus humoristique certaines allusions. Le chateau de l'aurore est fait dans un pseudo-style elisabethain, a une epoque ou les anglais n'ont pas mis le pied encore au Japon, et le seul anglais qui eut les faveurs du Japon travaillaient pour les neerlandais. Ailleurs, un japonais dit avoir appris l'histoire des egyptiens dans un vieux livre neerlandais, ce qui pouvait se defendre sous le regime d'Edo, mais pas en 1599 ou avant puisque les neerlandais ne sont pas encore arrives pour remplacer les portugais. Avec l'arrivee des portugais, les japonais ont decouvert les arquebuses et on a aussi des blagues sur les armes a feu avec des pistolets la encore une fois anachroniques. Et Tezuka souligne lui-meme qu'il joue avec les anachronismes lors d'une blague que je ne vais pas spoiler au sujet de la dynamite. L'anachronisme le plus net, c'est les pupitres de l'ecole ou Tezuka fait allusion a l'apparition des pupitres scolaires a l'occidentale qu'on trouvait a Kyoto avant de les trouver a Tokyo a la fin du dix-neuvieme siecle.
On a aussi une insertion problematique des ninjas. Au plan historique, c'etaient des milices de paysans et pas du tout ce que la culture en a fait et ici on trouve des ninjas espions envoyes par Tokugawa ce qui est la encore assez fantaisiste au plan des references historiques.
Le heros de l'histoire est le fils de l'important seigneur samourai qui fait construire ce chateau et il entre enc ofnlit ave son pere, et s'il sait manier le sabre et se montre un heros au combat il y a aussi une bonne partie de l'histoire ou il subit les evenements, la guerre et les combats des autres, lui s'etant exile parmi les pauvres. Il n'aime pas les femmes, et une femme qui n'aime pas les hommes vient se chamailler avec lui, mais le scenario amoureux qu'on pressent bifurque soudainement avec l'arrivee d'une nouvelle femme et l'evolution complexe du recit autour de la premiere. Bien que le manga soit pour enfants, on retrouve le gout pour les histoires tragiques ; morts des gens auxquels ont tient, histoires d'amour dramatiques.
Le traitement de l'histoire et des images a un cote cartoonesque a l'ancienne, mais le scenario est mur sans etre retors comme cela est parfois le cas avec Tezuka, je pense a Prince Norman ou L'Enfant aux trois yeux. Les fans de Dororo s'y retrouveront egalement avec ce profil de recit qui a des points de rapprochement parfois (femme aimee prise dans un incendie, etc.). On pense aux films de samourais du grand cineaste Akira Kurosawa. L'histoire est subdivisee en quelques chapitres et pour la mise en page la distribution en bandes et en cases rectagulaires predominent nettement avec de temps en temps un dessin sur une page entiere. Il y a assez peu de cases aux contours irreguliers ou boucles a la facon de nuages. Tezuka fait s'eclater un cheval sur la bordure d'une case. On a une bonne dynamique des cases pour faire progresser rapidement le recit sans qu'on ne s'egare a la lecture. On a par exemple entre deux cases ou le heros est en action une case avec la nuit et la Lune pour exprimer le temps qui passe en une image rapide. Et on passe donc du heros agenouille au heros qui sort de son lit. Les trois cases racontent un temps important et on comprend tout d'un coup. L'auteur joue avec le hors champ comme au cinema. Il y a un duel et un bruit les arrete, l'essentiel se deroulant en-dehors de la case. On a une bonne science de l'expression et de la position des corps des personnages. On apprend qu'un personnage est un traitre et il est agenouille face a un autre agenouille aussi, mais on sent dans le dessin la personne traquee qui subit un poids, ce que renforce le decor d'une batisse a grosses poutres avec de lourdes pierres. On a des contre-plongees, etc. Autre effet comique a mentionner en passant. Le heros veut empecher un meurtre, et s'etonne meme de la situation. Il plonge et on a une image ou il fonce face a nous mais les yeux et la bouche sont au-dela du visage comme s'ils allaient plus vite que le corps, projetes d'etonnement et de refus vers la scene du meurtre. Les dessins sont tres peu charges, avec juste l'essentiel a representer ; les personnages et quelques elements clefs du decor, parfois juste les personnages sur fond blanc. Le rythme du recit est rapide, avec pour seul temps mort un petit temps de construction du chateau sur quelques pages, et on a a travers les dialogues une histoire simple et efficace mais intelligente. La fin est rapide et on peut regretter de ne pas avoir eu le temps de s'attacher plus aux personnages, mais comme one-shot c'est un sans-faute. La satire politique est aussi tres presente avec la critique de la guerre entre samourais, l'anachronisme des enfants qui denoncent la guerre a la facon d'enfants des sixties, avec les interventions de la maitresse d'ecole, avec bien sur les reactions du heros face aux abus de son pere.

davidson
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le 8 déc. 2019

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