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Le dernier Philémon... Le dernier Fred. Il ne rajeunissait pas après tout, ce moustachu bonhomme pétillant de malice. Sa main tremblait, il lui était de plus en plus difficile de s'atteler à un ouvrage qui lui était pourtant nécessaire pour son équilibre. Mû par une volonté acharnée d'honorer sa promesse, il est parvenu à terminer un Philémon qui traînait depuis un moment dans ses cartons.

Puis, le 2 avril, Fred est mort. Ce n'est pas poétique, une farce bizarrement bigarrée. une pirouette dont lui seul avait le secret. C'est implacable, brutal, et ça laisse un vide immense. Fred est mort. Les dernières volutes d'imaginaire se sont évaporées de cet esprit fertile qui j'espère rejoint un paradis d'îles-lettres garnissant un globe terrestre. Juché sur un Manu-Manu, une roulotte de bohémiens à ses côtés avec un corbeau à baskets juché sur son toit, évitant les traîtres parquets mouvants, Fred s'en est allé.

Il va terriblement me manquer.

En sortant de la lecture de cet album, on ne peut que constater l'évidence. Il n'y a pas de suite possible, personne ne viendra récupérer Philémon, son moustachu créateur y était de tout façon opposé, ce garçon en marinière juché sur son âne a vécu sa dernière aventure. La boucle est bouclée, et de quelle manière.

A la première lecture pourtant, j'ai été déçu. Pas par le dessin, que j'ai trouvé splendide (la lokoapattes est un bijou visuel), pas par l'agencement des planches, aux codes moins détournés qu'auparavant, aux collages plus sages mais usant discrètement d'effets narratifs plus osés, où Fred, à travers des personnages secondaires, commente avec une bonhomie aigre son travail. Pas par la longueur de l'album (un peu plus de 30 pages, soit un retour au format d'origine, bien qu'on avait une autre histoire de quelques planches derrière en bonus)... Non, j'étais déçu parce qu'il y avait une fin. Je détestais cette sensation d'un univers des lettres de l'océan atlantique bordé, enfermé dans une tapisserie de cases et d'albums formant un tout surgi de nulle part.

Cependant, quand on connait l'univers de Philémon, on ne peut qu’acquiescer. Derrière le délire apparent constant, le monde des lettres de l'océan atlantique a toujours obéi à des règles précises, bien qu'ubuesques, avec en surplus une continuité d'un album à l'autre bien présente. Une lune crevée restera crevée, un palais arrosé croîtra toujours, un passage ne doit être utilisé qu'une fois, etc. Fred a créé un univers dont la logique rai/(é)sonne parfaitement avec son imaginaire.

Pour terminer les aventures de son personnage iconique, Fred l'a ramené à son essence formelle, celle de créature de papier dont il a la charge par un dernier collage surprenant (tout sauf une entourloupe artificielle pour finir l'album rapidement) [spoilers] reprenant les pages du premier passage de Philémon par le fameux puits [fin spoilers]. Quelle pirouette, le bougre, quelle audace tranquille se sa part. Philémon devenant son propre narrateur s'affranchit de son créateur ! La lokoapattes peut repartir de plus belle, au lecteur d'embarquer dans le train où vont les choses...

Ainsi, Fred enferma Philémon pour mieux lui accorder sa liberté dans un Ruban de Möbius tapissé de ses aventures où l'imaginaire, parti en fumée, persiste au fond d'une série d'albums qui se relisent à l'infini.

Merci Fred.
Hypérion
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le 12 mars 2013

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le 3 avr. 2013

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Hypérion

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