Cet album embraye directement avec la fin du précédent ; Dust poursuit la mission qu'il s'est fixée, un peu pour venger la mort de Braggshaw et surtout pour débarrasser la société civilisée de Greenstone Falls d'une des pires engeances que l'enfer ait créées : Russ Dobbs. Greg distille d'ailleurs de façon plus nette un portrait très réussi d'ignoble salopard. Très vite, pour pallier à l'absence des autres personnages du Triple Six, il introduit un riche aréopage de nouveaux personnages dès l'arrivée de Dust dans l'auberge : Bombardier Cavendish (le plus sympathique), Amos Coogan, Shaver Sharp (qui s'avérera fébrile), Leighton Hart, Isadora Davenport (personnage le moins creusé).
En même temps, on retrouve de vieilles connaissances comme le cocher Sid Bullock et cette fripouille de Doc Wetchin. La psychologie des personnages est très forte sur cet épisode, certainement encore plus que dans l'épisode précédent, de même que la violence inhabituelle pour l'époque (le récit parut dans le journal Tintin vers 1973) atteint son paroxysme dans une scène finale d'anthologie où Dobbs est littéralement exécuté ; ça peut faire jaser en 1973, car on n'était pas habitué à une telle froideur de la part d'un "gentil", mais en même temps, Dust prouve la complexité de son personnage, ce qui l'enrichit considérablement et l'assoit comme héros principal de la série même si celle-ci ne porte pas son nom. Cette séquence du saloon à la fin est bien restituée en atmosphère, de même que l'association Dust/Bombardier renvoie un peu à celle de Bernard Prince/Barney, un joli clin d'oeil de la part de Greg qui continue dans ses petites répliques ironiques.
Quant à Hermann, je ne cesse d'être en admiration devant son style graphique, ses plans sont très cinématographiques, le montage, les cadrages, le découpage et certaines images sont absolument remarquables (notamment la diligence qui dégringole du pont, et la vue en pleine page sur Laramie). Comme on le voit, cet album est un chef-d'oeuvre à tous points de vue, il adopte un ton ultra crépusculaire, très sombre, auquel les lecteurs de BD western à l'époque n'étaient pas habitués, même dans Blueberry, on n'avait pas vu ça, d'autant plus que la série était publiée dans un journal pour la jeunesse, c'était donc d'une certaine audace pour cet épisode qui atteint sans aucun doute une véritable apothéose dans cette série.

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le 24 oct. 2020

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Ugly

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