Le plus mauvais groupe du monde, tomes 1 et 2 par belzaran

José Carlos Fernandes est portugais. Dans « Le plus mauvais groupe du monde », il dépeint une ville indistincte dans une époque tout aussi indéfinie, bien que légèrement désuète. Sous forme de chronique de personnages, Fernandes crée un monde remarquablement proche du notre tout en étant radicalement différent, complètement absurde. Les épisodes de ces chroniques sont rassemblés dans deux livres. Le premier contient les épisodes un et deux (« Le kiosque de l’utopie » et « Le musée national de l’accessoire et de l’insignifiant »), le seconde les épisodes trois et quatre (« Les ruines de Babel » et « La grande encyclopédie des connaissances obsolètes »).

La construction de l’ouvrage est très redondante et fonctionne selon une mécanique bien huilée. Sur deux pages, on découvre un personnage ou un lieu. A chaque fois, une incongruité apparaît. Les premières pages laisseront au lecteur un sentiment étrange, sans qu’il ne sache trop pourquoi. Ainsi, on démarre sur le plus mauvais groupe du monde dont on nous présente les membres. La deuxième histoire parle d’un compositeur qui veut créer son œuvre majeure mais qui ne le peut pas car il habite dans le même immeuble que là où joue le plus mauvais groupe du monde… Puis on nous apprend que l’œuvre que veut créer ce compositeur a déjà été écrite lors du naufrage d’un paquebot qu’ont vécu deux sœurs, quelques étages plus bas. De nombreux personnages apparaissent alors, avec leurs histoires, leurs passions, leurs tics ou leurs métiers étranges. Au fur et à mesure, une grande absurdité s’installe dans ce monde que nous dépeint Fernandes

L’auteur n’a pas son pareil pour inventer des institutions étranges. Ainsi, le musée national de l’accessoire et de l’insignifiant propose des objets sans intérêt et s’enrichit même des objets que le public oublie lors de ses visites… On retrouve aussi le ministère de l’ergonomie, le parti impopulaire idiosyncrasique… Fernandes sait créer un monde cohérent et absurde. J’y ai retrouvé des références à des univers comme ceux de Fred ou Kafka, bien que Fernandes possède une capacité incroyable à proposer un univers complètement absurde mais dont la frontière avec le notre est très ténue. En cultivant cet équilibre, Fernandes propose un monde cohérent très agréable et à la personnalité affirmée.

Il est à noter que si beaucoup d’anecdotes sont indépendantes, un des plaisirs de l’ouvrage est de retrouver les lieux et les personnages déjà rencontrés. Cela amène une connivence avec le lecteur qui est bien entretenue. Ainsi, alors qu’un restaurant reçoit un critique gastronomique, on aperçoit le plus mauvais groupe du monde qui va jouer pendant le repas…

Le dessin de José Carlos Fernandes accompagne bien son propos. Les pages sont colorées dans un jaune orangé nous donnant l’impression de lire de vieilles archives. Les personnages sont eux en noir et blanc pendant que le reste est colorisé dans les teintes jaune, marron ou ocre. Cela renforce le fait que l’on parle ici avant de personnes dont les névroses et les petites particularités en font des gens à la fois inquiétants et attachants.

Au final, « Le plus mauvais groupe du monde » est une œuvre absurde de très bonne qualité. Au fur et à mesure des pages, malgré la mécanique du « une anecdote, deux pages » utilisée par l’auteur, on ne s’ennuie pas. José Carlos Fernandes crée un monde à la fois absurde et administratif, mais empreint d’une forme de poésie désuète. Il s’y crée une forme d’empathie du lecteur pour les personnages car ceux-ci partage un sentiment avec lui : la solitude des hommes.
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le 9 févr. 2013

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