Le rayon magique - Bob et Bobette, tome 107 par Floax

Cela faisait un petit temps que j'avais envie de faire une critique d'un Bob et Bobette. D'abord parce que c'est une série qui a marqué mon enfance, mais aussi pour tenter de la faire découvrir à d'autres, puisqu'elle a beau être assez estimée dans le milieu, il reste difficile de trouver des critiques/avis en français. Si vous souhaitez vous en procurer, le plus simple reste d'aller chez les bouquinistes/boutiques d'occasion de Bruxelles, voire de Belgique francophone. Ou par internet si vous êtes Français...

Bob et Bobette est une série qui comprend plus de 300 tomes, et qui a commencé juste après la guerre, alors que les plus grandes séries francophones telles que Tintin, Lucky Luke, Gaston ou Spirou sont au sommet de leur art ou viennent d'être lancées. Bob et Bobette sera la série flamande la plus connue dans le Sud du pays, grâce, entre autres, à sa diffusion dans le journal Tintin, mais aussi, à mon avis, au caractère très local de ses histoires.

Les deux héros sont un peu les équivalents de Tintin en Flandre : très populaires, très lisses, courageux, curieux et animés par une naïve gentillesse, ils sont sympathiques sans être très marquants. Et si tous les personnages d'Hergé avaient le même caractère que le jeune reporter, Tintin n'aurait probablement pas eu son succès. Et ça tombe bien, à l'occasion du 3è tome, Vandersteen (l'auteur) va ajouter un personnage dans son petit univers : Lambique. Moustachu, chapeau melon, bon vivant, ce brave plombier/détective sera le Haddock de Vandersteen : de par son caractère lunatique et sa capacité à tomber dans tous les pièges et excès du genre humain, il sera le détonateur de pas mal d'aventures des deux jeunes héros. Sauf que Lambique est plus qu'un sous-fifre rigolo, il devient parfois le temps d'une histoire le véritable héros et il se détache d'Haddock de par son caractère très loufoque/surréaliste. Un vrai Belge quoi !

Et on touche là à une des plus grandes qualités de la série (et de cet album en particulier, mais j'y reviendrai) : son côté authentique et sa proximité : Vandersteen dépeint le monde tel qu'il le voit, c'est-à-dire son pays, les problèmes qui le tourmentent quand il réalise une nouvelle histoire et les aventures de Bob et Bobette gardent donc un côté intimiste et accessible aux lecteurs, puisque les protagonistes sont des Belges très banals (hormis Jérôme), résidant la plupart du temps dans des maisons de prolétaire et tourmentés par les problèmes de tout un chacun. Et l'intérêt des histoires de Vandersteen vient de sa capacité à chambouler leur quotidien par le biais d'évènements imprévisibles, voire carrément surréalistes/fantastiques la plupart du temps... De but en blanc, je n'aime pas la science-fiction, et les univers 100% fictifs car j'ai plus de mal à m'impliquer dans l'histoire, et Bob et Bobette réussit à doser savamment l'équilibre entre fantastique et vie ordinaire.

Cette première aventure mettant en scène Lambique est plutôt sympathique, bien qu'on sente que l'auteur n'en est alors qu'à ses débuts. Bob et Bobette , intrigués par leur découverte de gens réduits à une taille microscopique, vont se mettre en chasse du savant fou Savantas, qui a dérobé à son maitre (Barabas, un ami de nos héros), une arme capable de tout réduire grâce à de l'énergie produite par ... de la tourbe. On sent que l'album a été écrit juste après la guerre, et ils vont donc parcourir la Belgique entière, à cette époque d'insouciance et de reconstruction européenne. Et avec "l'aide" de Lambique évidemment. On sent que le pays était encore fort rural, que la Belgique n'était pas encore divisée en plusieurs régions et c'est avec une certaine malice que Vandersteen fera voyager ses personnages au travers de tout le petit pays, ceux-ci passant des villes du Nord aux Ardennes du Sud en l'espace de deux pages, comme un symbole de l'unité d'alors du pays. L'occasion de voir dessinés des lieux célèbres au sein du plat pays, tels que le château des Comtes de Gand, l'énorme falaise au coeur de Dinant ou les grottes de Han. Tout en faisant un détour par des Pays-Bas, arborant tulipes, moulins et ponts de partout comme dans les meilleures brochures touristiques. Là est peut-être le reproche qu'on peut formuler à ce type d'aventures : le cadre de l'histoire n'est pas vraiment fixe et au lieu d'en construire un, l'auteur n'a fait que reprendre des clichés d'endroits connus dans lesquels les héros ne restent au final que deux-trois pages. Les twists un peu improbables et les deus ex machina s’enchaînent pour justifier ces flux, mais on sent que Vandersteen est encore jeune, et qu'il ne maîtrise pas encore totalement sa narration. Ce qui donne quand même un certain dynamisme à son histoire, malgré son classicisme et sa naïveté certains (deux enfants téméraires veulent sauver le monde des plans diaboliques d'un savant fou). Peu importe, Lambique éblouit de ses remarques et actions improbables cet album, avec sa nonchalance toute typique : renvoyé chez lui, et requis par ses amis pour attraper le savant en fuite qui se dirige vers lui, Bob et Bobette le découvrent à la terrasse d'un café, sirotant une bonne bière en admirant le paysage.

Avec son humour à la fois franchouillard, surréaliste et farfelu, son inventivité incroyable, ses personnages attachants et ses scénarios originaux et prônant l'aventure, la série Bob et Bobette est assez détachée dans le monde de la BD, mais mérite vraiment le détour. Ce troisième épisode, un peu tendre dans son scénario, mais généreux en péripéties originales et enrichi par l'arrivée de Lambique, reste une aventure efficace, dépeignant une époque qui semble aujourd'hui si lointaine, si insouciante...