Ca faisait longtemps que je voulais lire une BD Mattotti. Mes professeurs m'en ont souvent parlé, ont apporté quelques bouquins de ce grand maître, mais jamais je n'ai eu le loisir de découvrir une de ses oeuvres à tête reposée, dans mon lit. Etant de passage à Tournai à la bourse au livres, j'ai eu la chance de tomber sur ce fabuleux exemplaire neuf à prix réduit comprenant trois albums réalisés par Mattotti et son ami Kramsky.



Le signor Spartaco

Cette première histoire est bien digne de tout ce qu'on m'avait montré sur le plus audacieux des coloristes selon mes critères. Le trait et les masse de couleurs se complètent à merveille, déliant ainsi toutes les subtilités d'un pastel pouvant virer du chaud au froid sans transition. La magie du maître est de vraiment exploiter le spectre des couleurs jusqu'à la moelle, usant de complémentaires ou d'opposées à tuot bout de champs.

Outre ce graphisme alléchant, l'histoire n'est pas inintéressante loin de là; le lecteur se voit propulsé dans les rêves de Spartaco, Alter ego de Mattotti , qui laissent deviner quelques évènements traumatisants ayant eu lieu dans son enfance. L'auteur parle merveilleusement de cet incessant retour en arrière que chacun effectue pour avancer dans la vie, poussant ainsi son sujet au delà de la simple nostalgie ou pire du souvenir hantant tel un simple cauchemar.

Côté références, c'est assez divers, depuis la littérature jusqu'à la peinture en passant par la BD ou le cinéma.

Bref j'ai beaucoup d'affection pour cette première partie de cette trilogie. Contrairement à beaucoup d'autres oeuvres surréalistes, je n'ai pas eu l'impression que le récit aurait aussi bien fonctionné avec plus ou moins de page. C'est certainement parcequ'il s'agit d'une structure plus intuitive, instinctive et sensationnelle (dans le sens émotionnel) que rigoureuse, dramaturgique ou architecturale. Je ne dis pas non plus que tout est le fruit du hasard sans la moindre réflexion, non bien sûr; il paraît évident que les métaphores employées ont été réfléchies longuement. Je dirais qu'il y a un côté Terrence Malick pour le montage de son histoire.


Doctor Nefasto


Cette seconde histoire est nettement plus classique dans sa narration: une histoire de professeurs un peu fous, un peu megalo , dont un veut conquérir le monde, l'autre l'en empêcher. Le tout est construit sous forme d'épisodes ponctués de flashback ou autre passage onirique. L'histoire est certainement plus accessible, on peut également y deviner quelques allusions à l'époque sous laquelle cette abdne dessinée a été réalisée, ainsi qu'à quelques anecdotes personnelles des auteurs.

Graphiquement, les amoureux de la couleur de Mattotti seront peut être surpris de découvrir un style noir et blanc plus épuré (directive de la rédaction à l'époque); on pourra y percevoir malgré tout les références plastiques de Mattotti, mais par cette utilisation du noir et blanc, Munoz figure en tête de liste de ces références. Lors du passage onirique, c'est Kramsky qui sort son crayon avec une ligne fragile; c'est fort c'est beau.

Bref, un récit de facture plus classique sans pour autant priver les auteurs de leur imagination débordante et surréaliste au travers des inventions des scientifiques mais également d'échappées scénaristiques oniriques. Un album assez grandiose que je recommande.



Labyrinthes


Ce dernier tome est en fait composé de plusieurs courtes histoires surréalistes. Lorsque les deux auteurs ont decidé de tout compiler ensemble, ils ont tenté de lier chaque histoire entre elles en ajoutant une page de transition. Mais tout relier, vouloir à tout prix faire sens pour des choses si disparates, c'est saboter cette même volonté de sens; difficile en effet de retenir une intention globale au travers de ces diverses aventures. En revanche, chacune apportera une leçon de vie, une morale, un message.

Je préciserai tout de même que la première histoire met le lecteur sur une mauvaise piste: l'auteur semble annoncer un retour au comique burlesque du premier tome, mais les autres histoires vont plus loin, la critique se veut plus pertinente plus recherchée et surtout plus dissimulée sous un tas de métaphores colorées. Certaines histoires s'avèrent même assez sombres. Puis l'album se termine avec des histoires poétique faite de textes illustrés, tantôt amusantes, tantôt graves.

Dans cet album il est encore plus difficile de déceler où se situe la patte de Kramsky, sachant que certaines histoires sont l'ooeuvre de Mattotti seul, et que les autres ne sont que rarement signées (le dossier présent dans l'album précise tout de même que, si Kramsky n'agit pas directement sur l'histoire, il a toujours été influent sur Mattotti, on peut y voir là un travail indirect de ce scénariste). C'est un peu dommage bien que je doute que ce mystère ne soit pas la volonté des deux artistes.Graphiquement Mattotti retrouve ses pastels adorés, et se permet un découpage plus nuancé que le graufier (attention, ce n'est pas péjoratif, j'adore le gaufrier!).

Bref, Labyrinthes est un véritable bordel mais ça ne manque pas pour autant d'intérêt; les commentaires sociaux sont pertinents, et le graphisme toujours épatant. A lire.



Conclusion:

En entreprenant la lecture de ce tryptique, j'ai supposé que la lecture serait aisée, tant les dialogues se font rare. Je me rends compte à présent que c'était une erreur. Si le texte est épuré sur la forme, il est lourd de sens dans le fond; les lectures sont multiples, pire (enfin mieux) le dessin mérite lui aussi une traduction par les métaphores visuelles employées. Que ça soit dans la couleur ou le noir et blanc, Mattotti se révèle à chaque fois un maître du graphisme. maintenant que je l'ai découvert, il me tarde de trouver d'autres de ses bouquins (il a même fait des livres pour enfant).

Quant à Kramsky, je suis bien heureux que ce bouquin rapporte quelques interview qui permettent de comprendre un minimum qui fait quoi et comment (si Mattotti fait le dessin et le scénario, que fait Kramsky?); il semble évident que les deux font la paire, mais je serai tout de même curieux de voir ce que fait Kramsky (que je ne connaissais pas du tout jusque là) quand il ne travaille pas avec son ami Mattotti.

Bref, le bouquin vaut la chandelle, à lire!
Fatpooper
10
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le 28 mars 2012

Critique lue 272 fois

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Fatpooper

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