Les Indestructibles de papier

Si Mauricet est actuellement connu pour faire partie des auteurs de Bamboo avec sa série Basket Dunk ou sa participation à la série phare Les Profs, l’auteur belge peut aussi se vanter d’être un des rares à avoir travaillé sur quelques séries aux États-Unis. D’ailleurs, dès la fin des années 1990, il singeait quelques uns des plus célèbres super-héros dans les pages de la revue Spirou, que l’éditeur Semic prendra soin de compiler dans le premier album de Cosmic Patrouille en 2000, avant que Bamboo ne reprenne la série en 2008 et en 2009.

Au début des années 2000 Mauricet collabore avec l’éditeur américain Crossgen, depuis disparu mais qui possédait un catalogue assez intéressant, sans latex et collants, édité chez nous par Semic. L’éditeur lui confie l’illustration de la mini-série en 6 épisodes, Crossovers, tandis que Robert Rodi s’occupe du scénario.

Le titre de cette série, qui évoque bien des grandes histoires aux amateurs, est ici le nom d’une famille, mais dont chacun des membres possède son petit jardin secret. Le père est un super-héros encapé populaire, la mère une chasseuse de vampires, la fille une héroïne dans un monde d’heroic-fantasy situé dans la cave de la maison et le petit dernier, un garçon cynique, a été enlevé par les extra-terrestres. Leurs quatre histoires vont donc nous être présentés, avant que les événements des uns et des autres ne s’éparpillent dans le reste de la famille, les menaces rencontrées allant chercher leur vengeance auprès des autres.

Crossovers brasse donc différents univers de la culture pop, avec certains clichés parodiés. En six épisodes, l’ensemble est assez rapide, il ne s’agit pas de réinventer le genre du super-héros ou du film de science-fiction, le tout est au premier degré et pourtant cela fonctionne bien, grâce à quelques idées bien amenées et un rythme toujours renouvellé. Le brassage fonctionne bien, et non seulement parce qu’un tel patchwork a été rarement vu. Il fonctionne parce que cette famille aux individus très marqués et aux nombreux secrets de famille n’en reste pas moins aimante et soudée, malgré quelques difficultés. Il est évidemment difficile de ne pas penser aux Indestructibles de Pixar, même si la série la précède d’une année et que le ton (et la qualité) ne sont pas exactement au même niveau.

Mauricet adopte un style plus comic-book, plus réaliste mais sans être dans l’imitation, plus conformes aux standards américains, même s’il garde une certaine esthétique européenne. Et il n’est pas si facile de devoir changer de style. Malheureusement, c’est loin d’être une réussite, c’est assez commun, sans charme particulier.Un feuilletage rapide des pages de l’album pourrait ne pas convaincre le curieux, alors que l’ouvrage a d’autres qualités que son illustration.

Crossovers est une bande-dessinée aux ambitions légères, dont le divertissement est garanti, mélangeant avec une certaine habileté des univers imaginaires assez éloignés, réunis par cette famille à la vie assez justement présentée. Les enfants peuvent râler, les parents sont toujours présents. L’idée est séduisante, le ton entre aventure et comédie fonctionne, et cela pourrait faire un chouette film, avis aux producteurs.

Les six premiers épisodes ont été publiés par Semic dans ce recueil, quatre autres sont toujours inédits de ce côté de l’Atlantique, dommage.