Les égarés de Nejima, ou le monde en mouvement

XVIIIe siècle. Alfred est un noble hollandais amoureux du Japon avant que cela soit à la mode. Kiba est un ronin déchu et alcoolique avant que cela soit à la mode également. Ces deux personnages vont se rencontrer à Dejima, seul endroit au monde où la culture occidentale et la culture nippone peuvent encore se mêler. La fougue et l’innocence de l’un ne cède pas un pied au désespoir et à la folie de l’autre.
Lequel des deux emportera l’autre, en ces temps troubles de révolutions et de révoltes ?

Cette BD, signée Nicolas Wouters à la plume, et Michèle Foletti aux pinceaux, a incontestablement du style, d’autant qu’elle traduit une vision qui brise l’idéal lisse de la société japonaise compassée -et plutôt classe- telle qu’on se l’imagine à cette époque.

Cependant, davantage de subtilité ne lui ferait pas défaut. Et si le « grand méchant » de l’histoire est un Daimyo, on regrette que les révolutionnaires de l’époque, européens ou asiatiques, ne soient vus et montrés que comme des idiots assoiffés de sang et de vengeance, nourris du seul désir de renverser, sans la moindre once de discernement ou de compassion la classe qui les domine.
C’est ce discours bien trop orienté du côté oppresseur, sans nuances et sans mise en perspective, qui m’a beaucoup dérangée.

Les auteurs nous dépeignent un monde sombre, agité et sans concessions, ou les héros sont malmenés parfois de la plus cruelle des façons. Et aucun ne s’en sort indemne, si l’on considère d’ailleurs qu’ils s’en sortent. Il aurait été plus judicieux de montrer ces hommes brisés par la violence institutionnelle et de classes qui sévissait à l’époque plutôt que de les montrer victimes de la colère aveugle de ceux qui s’en défendaient.

Et ça manque également cruellement de femmes ! Je suis personnellement lasse de ces mondes et univers dont les femmes sont perpétuellement exclues, puisqu’elles en sont absentes. J’en ai trop vu, trop lu, cela fait des lustres que cela existe, partout, tout le temps.
Choisir son sujet, ce que l’on montre, qui l’on montre, c’est aussi politique, qu’on le veuille ou non, particulièrement lorsque l’objectif des auteurs est entre autres de dépeindre une société en mouvement.

Bref, une petite déception que cet ouvrage, pourtant chaudement recommandé par une amie. La qualité du dessin, le soin des personnages et la crudité - voire l’humour - des situations ne rattrapent malheureusement pas ses écueils faciles.

MadeleineBouclette
4

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le 28 janv. 2019

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