Le grand jeu…
Ça y est, on sent que c’est le moment.
Après nous avoir fait languir par une multitude d’album de la dillution, « Sillage » entend manifestement jouer cartes sur table et faire tapis avec ce tome 14.
Tant mieux. Mais c’est un peu tard…
…Et surtout ça reste quand même vraiment léger.


Pourtant il apparait comme assez évident que Jean-David Morvan, le scénariste, avait pensé ce tome pour être une sorte de « money time ».
Parce que l’air de rien, pas mal de mystères laissés en plan depuis un moment sont remobilisés ici : l’histoire du complot de recéleurs de planètes du tome 4, l’attentat du tome 5, la tentative d’assassinat d’Alienorange du tome 7, le clone confectionné par le consul dans le tome 13… Tout cela convergeant en un seul faisceau qui aboutit sur une sorte de point d’orgue.
Autant dire si cet épisode entendait bien se poser là.


Sur ce point je ne vais d’ailleurs pas (totalement) bouder mon plaisir non plus.
C’est vrai que c’est enlevé et qu’en plus – contrairement aux précédents tomes – ça trouve une certaine unité.
Il y a un début et il y a une fin. A cela s’ajoute un personnage qu’on sait poser comme colonne vertébrale à toute l’intrigue ; personnage qui a en plus le mérite de présenter une certaine singularité sur laquelle je n’entends pas cracher.


(J’avoue que j’ai été assez séduit par le concept de microportails qui servent à capturer des cerveaux et les maintenir vivants dans des cuves. Bon par contre au niveau du design, ça fait un peu le général Grievous de « Star Wars III » qui a copulé avec une Eva des derniers épisodes d’ « Evangelion ». Niveau originalité on repassera.)


Et puis comme je le disais à l’instant on sent aussi que cette aventure n’est pas comme toutes les autres : elle est un climax en termes de confrontation et on le ressent clairement comme tel.
En cela il y a donc une efficacité scénaristique que je ne peux pas (complètement) renier.


Seulement voilà – je ne vais vous mentir non plus – mon entrain à l’égard de ce grand tournant de la saga « Sillage », il a vraiment été plus que relatif… Et c’est un euphémisme.
Parce qu’à un moment donné on paye ses choix. Toujours.
Or ici, ce qui m’a le plus freiné dans mon immersion, ça a été clairement la forme.
Je n’ai jamais cessé de le dire mais je trouve que « Sillage » est une saga assez laide.
Je ne renie pas à Philippe Buchet le fait qu’il dispose d’un vrai coup de crayon, mais son usage de la tablette graphique est affadissant au possible et surtout sa composition globale est des plus laborieuses.
On est dans de la simple illustration de scénario, rien de plus.
Pas de travail de mise en scène. Pas de travail sur l’atmosphère.
Les lieux sont ce qu’ils sont. Les personnages aussi. Limite le gars aurait des modèles 3D que ça lui irait très bien. Il se contenterait simplement de te les poser en se contentant simplement d’en ajuster les postures et basta, ça s’arrêterait là.


Encore une fois, les premières pages de l’album sont terriblement éloquentes à ce sujet.
Il s’agit pourtant de nous présenter la big bête : le personnage central qui est censé nous glacer d’effroi sur l’ensemble de l’épisode.
Comment est-elle amenée ?
Elle est amenée sur une jolie planète ensoleillée. L’ouverture du microportail ne change rien en termes d’atmosphère, de lumière ou de couleur (alors que Buchet aurait carrément pu le justifier.)
La big bête nous est alors présentée dans une vue d’ensemble tout ce qu’il y a de plus basique, dans une case de taille normale où les détails ne sont même pas visibles.
Commence alors un combat sans dynamique – comme d’habitude avec l’ami Buchet – et c’est vite fini, on passe à autre chose les amis…


Cette fadeur, ce manque de goût – pire ce manque de savoir-faire – c’est ce qui annihile chez moi une bonne partie du plaisir.
« Sillage » reste et semble être amenée à rester une saga laide, qui n’accorde aucune importance à l’atmosphère, l’élégance et à la mise en scène.
Ce n’est que de l’illustration. Ça n’aspire jamais à transcender, séduire et subjuguer…
On enchaine les pages pour voir toujours les mêmes lieux, souvent réduits aux mêmes arrière-plans affreusement sommaires.
Dans « Sillage », même les endroits n’existent pas (ou peu).
Bon bah du coup maintenant il va falloir assumer les gars : ne vous étonnez pas que, dans de telles conditions, ça n’émoustille plus grand-monde quand vous abattez vos cartes.


Et puis franchement, ces cartes, elles ne sont pas non plus si extraordinaires que ça.
Je disais plus haut qu’enfin l’ami Morvan daignait faire converger les différents éléments de son intrigue – ce qui est vrai – mais quand on prend la peine de prendre un peu de recul, il n’a franchement aucun mérite à tricoter avec de la maille aussi grossière.
Parce qu’au fond, ça a été quoi la grosse révélation de ce tome ?
Qu’est-ce que ça démêle vraiment ?


OK on découvre l’identité des complotistes : un fameux haut directoire… Et ?
Parce que bon, au final ça se contente juste de mettre une image sur des complotistes – et quelle image dégueulasse d’ailleurs ! (mention spéciale à l’alien rose à la bouche en coin) – mais au final ces mecs ils sortent de nulle part. Ils ne nous apprennent rien. Et c’est au fond la même chose pour le grand pope à tête de chèvre ou bien même de la big bête Grivousélion !


Parce que c’est bien gentil de chercher à donner de l’épaisseur en nous expliquant que Grivousélion est responsable avec ses semblables de la disparition de l’espèce du Consul et que ce dernier ne doit sa survie qu’au fait qu’il ait été un collabo de Sillage… Mais il n’empêche que tout ça sort quand même vraiment de nulle part. Ça ne résout en soi aucun mystère puisqu’à aucun moment le scénario ne nous a invité à questionner l’origine du Consul.


Et puis tout ça pour finir comment en fin de compte ?
OK les auteurs du complot ont été arrêtés. Big bête est morte. Et tout ça se conclut par un grand câlin général en mode – « finalement on a bien grandi » ?
Mais grandi de où ? Grandi comment ?
Moi je ne vois aucune différence entre la Nävis du début et la Nävis du tome 14.
C’est toujours une ado attardée et bougonne jamais contente de rien et qui n’existe que pour afficher sa plastique.
Sur cet aspect c’est quand même assez affligeant.


...
A bien faire le bilan, ce tome 14 a quand même brassé pas mal de vent.
Et le pire, c’est que s’il donne à ce point l’impression de n’avoir rien bougé alors que pourtant il a touché à tout c’est peut-être justement parce que « Sillage » a elle toute-seule n’est au fond qu’un gigantesque courant d’air.
Avec des personnages aussi inconsistants et surtout avec aussi peu de soin apporté à l’atmosphère, il ne faut pas s’étonner si au final tout bouge pour que rien ne bouge.


Et c’est presque cela qu’il y a de terrible dans ce tome 14.
C’est peut-être celui qui me blase le plus alors que, pourtant, il est loin d’être le plus mauvais.
C’est même ça le problème : c’est justement parce que c’est un épisode où on sent que – là, manifestement – le duo Buchet / Morvan a voulu sortir le grand-jeu, que la fadeur du résultat n’en est que plus amère.
Maintenant l’illusion tombe. Depuis le départ le duo bluffait. Il n’avait que très peu de cartes en main en fait.
En somme, plus qu’à une « liquidation totale », c’est bien à une liquéfaction – celle d’une saga – à laquelle j’ai eu l’impression ici d’assister.
C’est triste…

lhomme-grenouille
5

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le 10 mars 2021

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