Achille Talon s’est fait connaître au départ sous forme de gags hebdomadaires en une planche dans « Pilote », puis, le succès venant, on est passé à deux planches. Le fonds ainsi constitué a permis à l’éditeur Dargaud de publier nombre de recueils de gags, panachant les une-planche et les deux-planches, sachant que la première planche de l’album, se trouvant sur la page de droite, a intérêt à être brève et percutante à titre d’accroche. Le résultat est que les recueils de gags contiennent des planches de différentes époques, d’autant que, au fil de la publication, des planches antérieurement écartées sont reprises pour faire nombre : quand le succès est là, on a moins de scrupule à vider les fonds de tiroir.

Greg a pris la coutume de placer un titre-calembour à chaque gag, titre dont le côté plutôt approximatif et boiteux suscite l’hilarité.

Pas le temps de développer dans une forme aussi courte : Achille Talon reste dans le cadre quotidien, essayant de charmer Virgule de Guillemets (leurs relations restent toujours d’une courtoisie et d’un platonisme étonnants), de rabattre le caquet au nuisible Lefuneste, l’éternel « cuistre », de se livrer à quelque innovation technologique géniale mais pas très au point (en cela, Achille Talon se rapproche de Gaston Lagaffe). Ici, il est question d’une station météo talonienne moyennement fiable.

Côté Virgule, on appréciera la patience de cette femme (par ailleurs modérément sexy) devant l’humour plus que potache de Talon.

La vanité de ce petit bourgeois bedonnant est écorchée lorsque Lefuneste le contre sur le terrain où il croit dominer : l’érudition. Il est obligé de se confier à un psy, avec tant de persuasion que ce dernier prend son parti de manière concrète.

Comme dans de nombreux gags, Achille Talon se fait le critique-théoricien des stéréotypes qui traînent dans la bande dessinée de son temps, et, ici, tente d’éviter les désagréments qui viennent troubler les pique-niques des personnages de BD, depuis l’époque de Bécassine au moins ; le problème, c’est qu’il y parvient. Les scènes de campagne apparaissent assez régulièrement dans ces gags, avec le charmes des pelouses, des chemins creux, des petits oiseaux : 1978, c’était encore l’époque où la campagne en tant que telle faisait partie du quotidien des Français, avant de sombrer dans l’oubli ou le mépris dans la bande dessinée.

Le contexte historique contemporain de la création des gags est source d’inspiration : Achille Talon nous sert une page de tirades apocalyptiques sur les conséquences de la crise économique qui venait d’éclater en 1975-1976, après le premier choc pétrolier. L’un des gags mêle d’ailleurs la nostalgie écologique (alors toute récente) pour la nature, et la pénurie pétrolière. On appréciera certaines ironies sociologiques dans le gag consacré à la très efficace télécommande pour téléviseur inventée par Achille...
khorsabad
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le 19 févr. 2013

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