Ce tome regroupe 2 tomes VO.



Première partie : épisodes 143 à 147, initialement parus en 2016, coécrits par Mike Mignola & John Arcudi, dessinés et encrés par Laurence Campbell, avec une mise en couleurs réalisée par Dave Stewart, et des couvertures de Duncan Fegredo. Ce tome apporte une conclusion satisfaisante à la période Hell on Earth.


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- ATTENTION - Ce commentaire comprend des informations sur des points d'intrigue des tomes précédents.



Ce qu'il reste de l'armée américaine a réussi à lancer 9 missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) contre Ogdru Jahad. Le résultat est sans appel : aucun effet. De son côté, Johann Kraus est toujours dans l'armure Épiméthée. Il combat aux côtés de Liz Sherman, pour détruire un maximum de monstres engendrés par Ogdru Jahad. Leur combat semble sans fin, et le résultat un peu dérisoire. Ils ont beau en détruire régulièrement, il en vient toujours autant, si ce n'est plus. Dans le même temps, l'esprit de Krauss communique avec celui de Patrick Goddard, le précédent utilisateur de l'armure Épiméthée. Goddard lui reproche de penser trop petit, et l'enjoint à rejoindre un autre plan d'existence. Kraus n'a pas fait son deuil de l'existence terrestre. Dans la base du BPRD dans les montagnes du Colorado, Kate Corrigan est en train de parler avec Panya.


Panya indique à Kate Corrigan qu'elle doit se résoudre à abandonner cette base. En rentrant à l'intérieur, Corrigan se rend compte qu'Andrew Devon n'est pas à son poste, à regarder les moniteurs géants et à répondre aux appels. Elle indique à Panya que Fenix Espejo est sur le terrain à manier des armes à feu, comme la plupart des agents du BPRD. Varvara emmène Iosif Nichayko dans une zone désolée des enfers. Le chemin est barré par 3 petits diablotins rouges avec de petites ailes, mais Varvara a tôt fait de les remettre à leur place. Un peu plus loin, elle découvre le cadavre du roi Amdusias, infesté de scorpions, de serpents, et de vers.


En se plongeant dans ce tome, le lecteur a conscience qu'il s'agit du dernier dans la phase Hell on Earth. Il attend forcément beaucoup de ce récit, à commencer par une fin en bonne et due forme des différentes intrigues, mais aussi la possibilité de quitter ces personnages dans de bonnes conditions. Il sait également qu'il s'agit de personnages de fiction récurrents, et que ce tome ne marque pas forcément la fin de leurs aventures à tout jamais. Pour pouvoir ressentir un sentiment de complétude, il vaut mieux également lire le dernier tome des épisodes de la série régulière consacrée à un autre personnage : Abe Sapien Volume 8: The Desolate Shore.


Mike Mignola et John Arcudi font bien le nécessaire pour passer en revue la plupart des personnages récurrents : la récente recrue Fenix Espejo, une rapide évocation de Ted Howards, une apparition éclair de Tom Manning, la mention de l'agent Nichols, et le sort de Bruiser (le chien de Fenix) est évoqué. Le lecteur se doute bien qu'en 5 épisodes, avec une intrigue à mener à son terme, les auteurs ne pourront pas passer en revue tous les personnages, même en se restreignant à ceux qui sont encore vivants. Il apprécie de pouvoir en apercevoir quelques-uns, même brièvement. Les auteurs se concentrent donc sur Kate Corrigan et Panya, Liz Sherman, Varvara et Iosif Nichayko, Johann Krauss et Patrick Redding. Comme à leur habitude, ils savent transcrire leur personnalité et leurs motivations, en un minimum de mots, et un minimum de cases. Le lecteur a donc enfin la surprise de découvrir l'objectif de Panya, aussi inattendu que déconcertant. Il voit Kate Corrigan essayer de s'adapter à l'idée que rien n'arrêtera Ogdru Jahad, et qu'elle doit abandonner cette base où elle a exercé son commandement pendant tant de temps.


Ce dernier tome de la phase Hell on Earth marque le retour de Laurence Campbell comme artiste, ayant déjà dessiné une partie du tome 10 et la totalité du tome 13. Ce dessinateur intègre des aplats de noirs aux formes torturées, assez nombreux, donnant du poids à chaque case, et générant une ambiance sombre. Cette dernière est renforcée par la mise en couleur de Dave Stewart qui utilise des teintes grises et sombres. Les seuls éclats de couleur correspondent à l'explosion de pouvoirs, ou à des coulées de sang d'un rouge profond et uniforme. Le lecteur se rend compte à plusieurs reprises que dessinateur et coloriste se calquent sur la forme des dessins de Mike Mignola, en particulier à l'approche de la ville infernal de Pandémonium, pour les formes dégrossies au burin, ressortant avec force sur la couleur rouge.


De séquence en séquence, le lecteur se projette avec facilité dans chaque endroit, dans chaque situation grâce aux dessins. Il passe avec facilité de l'explosion massive des 9 missiles contre Ogdru Jahad, à une séquence onirique sur la pente d'une montagne suisse. Laurence Campbell réussit à donner à voir la dimension infernale, sans qu'elle ne soit ridicule. Il dose avec un grand savoir-faire la présence et l'absence des arrière-plans. Il réussit à donner une idée de la taille de chaque monstre dans chaque séquence, qu'il s'agisse du titanesque Ogdru Jahad, ou de ses rejetons. Il réalise des scènes de destruction massive convaincantes et personnelles, transcrivant leur ampleur dans toute leur force. Il se montre aussi habile dans sa direction d'acteurs, pour les phases de dialogue ou de réflexion. Totalement absorbé par l'affrontement et les révélations, le lecteur peut ne pas se rendre compte de la qualité de la narration visuelle. Il lui suffit de feuilleter rapidement les pages à la fin de sa lecture, pour mieux prendre conscience du travail accompli par Campbell, de la qualité de sa narration visuelle, et de la force de ses dessins.


Effectivement, le lecteur est totalement absorbé par l'intrigue. Il est très impatient de connaître l'évolution de la relation entre Varvara et Iosif Nichayko. Pendant des dizaines d'épisodes, le deuxième tenait la première emprisonnée sous une cloche en verre. Maintenant qu'elle est libérée, le lecteur se demande quelles vont être ses premières actions, et quel est son objectif. Il est entièrement rassasié par les relations interpersonnelles entre ces 2 personnages, ainsi que par les actions incroyables de Varvara. Ce fil narratif débouche sur un final grandiose, faisant honneur à ces personnages. Le lecteur a également la surprise de voir aboutir l'intrigue très secondaire relative à la ménagerie de Panya. Liz Sherman a bien sûr droit à plusieurs séquences, ne serait-ce que pour combattre les monstres, mais aussi pour sa motivation sans faille. Il y a aussi le cas particulier de Johann Kraus. Il s'agit d'un personnage introduit dans le premier tome de la première série du BPRD, en 2003, qui a disposé de plusieurs histoires centrées sur lui. Depuis quelques épisodes (tome 13), le statut de ce personnage a changé, entre autres du fait sa rencontre avec Patrick Redding, personnage dont l'histoire a été racontée dans Sledgehammer 44. Il vaut mieux que le lecteur ait lu ce tome et ait suivi le parcours de Johann Kraus pour apprécier ses gestes et ses décisions dans ce tome. Si c'est le cas, ce tome est à la fois une récompense pour son investissement dans le personnage, mais aussi un moment à couper le souffle très émouvant.


Le temps est venu pour Mike Mignola de mettre un terme à cette phase du BPRD, et même du Mignolaverse. Ce tome apporte une fin satisfaisante, avec un final spectaculaire, et des personnages qui existent, qui ne sont pas réduits à de simples artifices. Le lecteur éprouve quelques regrets que tel ou tel personnage n'ait pas pu revenir ou apparaître. Il peut éventuellement tiquer devant l'apparition de personnages inattendus, mais en totale cohérence avec la mythologie du Mignolaverse. Ce tome est satisfaisant à la fois en tant que lecture d'un chapitre supplémentaire, et en tant que fin de saison. 5 étoiles. Avec près de 150 épisodes, et de nombreuses séries dérivées, cette série BPRD aura constitué une lecture exceptionnelle sur la longueur de 2002 à 2016. Le lecteur aura côtoyé des personnages très attachants et très divers, de simples êtres humains un peu dépassés à un homuncule, aura assisté à des combats dantesques, et aura vu des personnages se poser des questions existentielles complexes. En outre, Mike Mignola et les responsables éditoriaux ont su attirer des dessinateurs très bons, et même souvent exceptionnels de Guy Davis à Laurence Campbell. Sans doute possible, cette série a depuis longtemps mérité son existence, indépendamment de son origine en tant que série dérivée de la série Hellboy.


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Deuxième partie Rise of the Black Flame : les 5 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2016/2017, coécrits par Mike Mignola & Chris Roberson, dessinés et encrés par Christopher Mitten, avec une mise en couleurs réalisée par Dave Stewart.


La première page montre des manifestations de la créature appelée Black Flame en juin 2014, mars 2006, octobre 1944, février 1932. La deuxième page fixe le récit en mai 1923, d'abord dans un temple souterrain à moitié détruit, dans lequel un prêtre d'un culte non identifié préside au sacrifice humain d'une jeune fille blanche. Puis dans une belle demeure de Rangoon (dans l'actuelle Birmanie), le sergent Geoffrey McAllister et l'agent A.N. Sandhu recueillent les témoignages des époux Aylesworth, sur la disparition de leur fille Emily, quelques jours auparavant. De retour à l'extérieur, ils sont appelés pour un autre enlèvement en pleine voie publique : Constance Willoughbys, une autre jeune fille anglaise. À chaque fois, des individus avec un capuchon noir sur la tête ont été aperçus. La police se demande s'il ne s'agirait pas d'une résurgence des Thugs. Le commissaire décide d'envoyer McAllister & Shandhu à Bangkok.


Sur place, McAllister évoque avec Sandhu, la fois où il avait assisté à la manifestation d'une créature surnaturelle à Londres, et à l'intervention de Sir Edward Grey pour la stopper. En prenant leur chambre à l'hôtel, une femme anglaise installée au salon se moque de leur allure de policier. Il s'agit de Sarah Jewell qui fut un temps l'assistante d'Edward Grey. Elle est accompagnée par Marie-Thérèse Lafleur. Une fois que McAllister a expliqué la nature de leur mission, elle leur propose de leur trouver un guide et de les accompagner dans le Royaume de Siam, à la recherche d'un temple dont elle sait qu'il abrite des pratiques occultes.


Le lecteur de la série BPRD de Mike Mignola ne s'attendait pas forcément à voir arriver une histoire consacrée à l'histoire de Black Flame, un ennemi récurrent d'Hellboy et du BPRD. Il constate que Mignola a travaillé avec Chris Roberson qui a progressivement remplacé John Arcudi dans la deuxième moitié des années 2010. Roberson s'acquitte correctement de sa tâche, avec des dialogues assez naturels, mais ne portant que peu la personnalité des protagonistes. Mignola a concocté une aventure dans la jungle du Royaume de Siam, actuelle Thaïlande. Dans les pages bonus en fin de volume, le lecteur découvre les pages d'essai de Christopher Mitten, essentiellement des constructions pour prouver qu'il était en mesure de réaliser une évocation convaincante de ce pays, à cette époque. Il s'agit de sa première incursion dans l'univers partagé d'Hellboy. Il a souvent travaillé avec Steve Niles, en particulier sur la série Criminal Macabre.


À l'évidence, les responsables éditoriaux ont exprimé plusieurs exigences quant à son travail. La première réside donc dans la consistance et la véracité des décors, pour que le lecteur puisse éprouver l'impression de se trouver dans la jungle du Royaume de Siam. L'artiste s'investit effectivement plus que dans la série Criminal Macabre pour les descriptions visuelles. Le lecteur peut observer la décoration intérieure du salon des Aylesworth, quelques bâtiments coloniaux à Rangoon, puis à Bangkok, le salon de l'hôtel dans lequel les personnages prennent un verre, l'intérieur d'un temple en ruine, puis l'entrée d'un second à moitié recouvert par la végétation. Il s'affranchit de temps à autre de représenter les arrière-plans, comme à son habitude, essentiellement pendant les séquences d'affrontement physique. Néanmoins, il fait plus que simplement reproduire des clichés visuels, et le lecteur peut effectivement se projeter à cette époque, dans cet endroit clairement identifié.


À partir de l'épisode 3, la moitié de chaque épisode se déroule dans la jungle où progresse le petit groupe. Le lecteur commence par prendre du plaisir en observant leur bateau progresser sur le Mékong au soleil couchant, avec un beau jeu de lumière réalisé par Dave Stewart. Puis le groupe progresse à pied. D'un côté, le lecteur reconnaît la forme générale des arbres, ainsi que la luxuriance de la végétation. Par contre, il vaut mieux qu'il ne s'interroge pas trop sur la vraisemblance du sentier suivi par l'expédition, et encore moins sur les affaires qu'ils ont emmenées. Par exemple, il n'y a aucun détail sur la nourriture ou sur l'approvisionnement en eau. Les tenues vestimentaires sont assez vagues pour être crédibles au regard de l'époque. Chaque personnage est aisément identifiable par ses caractéristiques physiques, mais les expressions des visages manquent de nuance, et s'avèrent un peu répétitives. Mitten a diminué son niveau de second degré pour la représentation des combats par rapport aux aventures de Cal McDonald, de manière à être mieux en phase avec la tonalité de la narration. Du coup, ses pages en deviennent plus horrifiques.


Le mode de dessin de Mitten est assez déconcertant, car il mêle des traits de contours fins et en apparence pas très assurés, avec des aplats noirs irréguliers et parfois mouchetés de couleurs. Du coup, en surface ses dessins donnent une impression d'esquisse pas complètement peaufinée pour être un dessin achevé, mais aussi de spontanéité et rugosité, cette dernière étant cohérente avec un environnement souvent inquiétant et parfois agressif vis-à-vis des personnages. Régulièrement le lecteur prend le temps d'apprécier un élément dans une case : les murs d'un ancien temple déformés par la végétation envahissante, une vision de la déesse Kali, un pousse-pousse, les monstres combattus par Sarah Jewell au cours de sa vie, les serpents apparaissant dans le feuillage d'un arbre, un temple du Royaume de Fou-nan distingué dans les brumes au loin, une vision onirique perçue par Farang sous l'emprise de l'opium, etc. Au final, la narration visuelle de Christopher Mitten est efficace, établissant une reconstitution convaincante, manquant parfois un peu d'éléments descriptifs.


Cette histoire arrivant après l'ultime défaite de la dernière incarnation de Black Flame, la curiosité du lecteur n'est pas forcément à un niveau très élevée. Il se laisse emporter par le parfum vaguement colonialiste, par la dimension touristique de la localisation. Il prend conscience que les auteurs introduisent plusieurs nouveaux personnages. Mike Mignola leur consacre un minimum de 2 pages pour évoquer leur histoire personnelle. Le lecteur se rend compte que le sergent Geoffrey McAllister n'a pas commencé sa carrière à Bangkok, et qu'il conserve des souvenirs de Sir Edward Grey, surnommé Witchfinder. Il découvre que Sarah Jewell a également enquêté sur des manifestations surnaturelles aux côtés d'Edward Grey. Il y a là un lien avec l'univers partagé d'Hellboy et du BPRD. La première page est également l'occasion pour le lecteur de se souvenir des précédentes apparitions de Black Flame, chacune occupant une unique case, donc elles ne parleront pas à un lecteur de passage. Il en ira de même pour la révélation du vrai nom de Farang, le guide européen du petit groupe, dans la jungle, ou du nom de Kamala dans le dernier épisode.


L'intrigue repose donc sur une enquête concernant la disparition de plusieurs jeunes filles, anglaises, comme autochtones. Le lecteur sait déjà en commençant la lecture que l'objectif du récit est de montrer comment est apparu pour la première fois Black Flame. Il n'y a donc de suspense que concernant les modalités de cette apparition. Les nouveaux personnages ne suscitent qu'une faible empathie car leur personnalité n'influe pas beaucoup sur le déroulement du récit, et le lecteur n'a aucun moyen de savoir s'il sera amené à les revoir dans une aventure ultérieure. Il l'espère pour Sarah Jewell car elle a l'air d'avoir mené une vie intéressante, mouvementée et indépendante. À la fin du tome, le lecteur se demande encore pour quelle raison le groupe s'est arrêté dans le premier temple, en sachant que ce n'était pas celui qu'il cherchait. Il a apprécié les références historiques à l'époque.


Ce récit des origines de Black Flame constitue une lecture agréable et divertissante, permettant de découvrir un nouveau pan de l'univers partagé d'Hellboy & du BRPD. L'histoire prise pour elle-même s'avère très linéaire et assez légère, valant surtout pour l'évocation d'une région exotique, mais sans aucune ambition d'historien. L'intrigue ne recèle pas beaucoup de surprises, sauf pour les pages consacrées à l'histoire principale de Sarah Jewell, et de Farang. Un tome pour le plaisir de replonger dans la mythologie d'Hellboy.

Presence
8
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le 15 févr. 2020

Critique lue 151 fois

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