Ring Circus est une courte série en quatre tomes de Cyril Pedrosa (dessin) et David Chauvel (scénario), publiée entre 1998 à 2004. Je me suis fais le plaisir de relire cette BD que j'avais découverte par hasard ado à la bibliothèque. Il s'agit essentiellement d'une histoire d'amour et d'aventure, avec un fond de merveilleux sur lequel vient se greffer des machinations mystérieuses.


La première chose qui saute aux yeux est un dessin absolument magnifique. Chaque case a bénéficié d'une attention méticuleuse, tout y est soigné : le dessin technique autant que les personnages, que la couleur, avec une attention particulière portée au design de l'univers et aux paysages. Villes, campagnes en automne, sous un blanc manteau neigeux, avec une quantité vertigineuse de détails. Pour ses débuts dans la bande dessinée, le pointilleux Cyril Pedrosa a mis le paquet.


Le style est expressif, proche de la caricature, avec un trait anguleux décliné avec maîtrise. Il se rapproche d'un Disney, où – surprise – Pedrosa avait justement travaillé avant de faire Ring Circus. Comme dans l'animation, le récit est truffé de scénettes, qui souvent sont situées en périphérie de la case, ou parfois, servent de premier plan pendant que l'action se passe ailleurs.


Le principal défaut à mes yeux de cette histoire en est la fin, qui nous laisse sur... notre faim. On dirait que les auteurs avaient prévu un récit en cinq tome et qu'ils ont dû l'écourter en quatre tomes. La conclusion est précipitée, ne délivre pas les émotions attendues, et la clausule (« Je n'ai plus la force ni l'envie d'écrire... ») tombe à plat. Cyril Pedrosa dit avoir eu du mal à terminer le dernier tome (la couleur a pour cela été confiée à Christophe Araldi pour ce tome, qui est passé sans transition à des aplats numériques, un contraste douloureux avec les couleurs sublimes des précédents) et cela explique peut-être une telle précipitation.


Le problème n'est pas tant que le cirque reparte de « Saint-Petersburgs » sitôt arrivé. La vanité de l'entreprise, l'amertume de l'acte manqué, la mélancolie d'avoir bravé les dangers pour ne rien avoir au final peuvent fournir un motif intéressant. Ce qui me taraude, c'est plutôt le sentiment d'une absence de clôture – et dieu sait que c'est frustrant, une histoire qui ne sait pas terminer. Les arcs narratifs de nombre de personnages ne sont pas refermés, un en particulier, celui de l'énigmatique Lunaire, le frère de Blanche, qui est pourtant un personnage central pour l'intrigue. Aujourd'hui encore, après l'avoir relu en étant attentif aux détails, je ne parviens pas à comprendre quelles sont ses motivations, sa raison d'être dans l'histoire et ce qu'il peut signifier.


En gros, Lunaire semble avoir eu pour unique but de rendre sa sœur malheureuse. Il aurait donc traversé un continent dans un sens puis dans l'autre, dans un moment de grands troubles politiques, uniquement pour une petite machination puérile ? Ça ne tient pas debout. Quel plaisir en tire-t-il ? Il y a quelques indices, mais qui ne semblent pas concorder. Entre autres, le moment où il discute avec la comtesse (tome 3, p.36) en lui disant : « L'homme ne peut aller contre sa nature. Pas plus que les autres créatures. L'intinct, ma chère, l'intinct. » D'accord, donc sa nature est celle d'un manipulateur, il est mauvais et en conséquence, il fait le mal. Mais pourquoi ici, maintenant ? Peu après dans le même tome, Lunaire raconte à Jérold l'histoire du premier mariage de Blanche. Là encore, je ne sais qu'en penser. Il semble évident qu'il masque la vérité et se donne le beau rôle. Mais on ne saura jamais si cette version est la bonne. Si elle est vraie, et s'il s'est tant soucié de la protéger, pourquoi tient-il donc tant à lui infliger du chagrin ? Il fait penser au diable bien sûr, à tirer des gens ce qu'ils ont de plus sombre, à jouer avec leurs désirs. Mais dans ce cas, pourquoi en faire le frère de Blanche ? Je ne vois pas où les auteurs veulent en venir. À mon avis, eux non plus. Ou alors, j'ai raté quelque chose d'énorme.


Tout cela me fait dire que l'histoire sert de prétexte à un tableau agréable à voir et à lire. Ring Circus est certes une lecture divertissante, qu'il ne me déplairait pas d'avoir dans ma bibliothèque pour le feuilleter de temps en temps. Je me rappelle du plaisir réel que j'ai pris en le découvrant adolescent. Mais c'est un travail incomplet, qui aurait mérité un scénario qui sait où il nous emmène.

Créée

le 9 févr. 2018

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