Les errements de la vie lycéenne, avec tout le cortège de malheurs et leur incitation à se réfugier dans l'imaginaire ont leur bon côté. Et notamment dans le cas présent de permettre de découvrir des oeuvres catégorisée comme cultes mais dont on n'a pas nécessairement entendu la moindre évocation dans les médias.

Le pouvoir des innocents ne paie pas mine de prime abord. Le dessin bien que correct n'est pas vraiment transcendant par rapport à ce qui est produit dans le reste du monde de la bande dessinée. Pourtant les expression faciales des personnages, le choix du cadrage, la maîtrise même de l'implicite et du hors champ... Tout cela efface vite ce sentiment de banalité. Car l'oeuvre est crue, viscérale ; recréant une représentation fictive Amérique mais des plus crédibles quant à ses déboires socio-économiques, notre bon Luc(ky) met en évidence ses vieux démons tout en projetant ces derniers dans le présent pour en marquer les conséquences.

Ces "démons" sont notamment représentés par l'enfer du Vietnam toujours encré dans les mentalités et pesant sur la conscience de ses rescapés. Et notamment sur celle de son protagoniste principal Logan, être continuellement en proie à des crises d'angoisse qui le paralysent dans son quotidien. Mais ce que j'ai pu interpréter de cette angoisse me fait directement penser au climat de cette Amérique en proie aux violences urbaines en tout genre et aux injustices sociales des plus éclatantes. Une Amérique effrayée par elle-même et victime des contradictions de son système méritocratique qui occulte complètement les ségrégations dont sont victimes les individus défavorisés et de ce fait d'autant plus enclins à sombrer dans le crime afin de satisfaire les attentes perverses du système.

On retrouve ainsi la thèse principale de Brunschwig mais pour autant son point de vue n'est jamais naïf. Et même les individus nourris des meilleurs intentions sont dépeints comme contraints à devenir eux-même des acteurs manipulateurs au sein du système pour pouvoir le changer en profondeur. Et c'est bien ce constat lucide et mature qui fait la force de cette série en cinq volumes un classique. Les personnages en dépit des multiples contradictions qu'ils nous mettent au grand jour nous apparaissent comme ce que tout un chacun est : un composant de l'humanité avec ses qualités et ses failles. L'ascension de Jessica, personnage exceptionnel de par la bonté et l'empathie envers autrui qu'elle laisse transparaître apparaît peu à peu comme le résultat d'une machination électorale comme une autre. De ce fait le lecteur est laissé maître de juger de la moralité même de toute cette intrigue et de réfléchir à son rapport au monde et sur ce qu'il doit perdre en scrupules pour pouvoir permettre la réalisation de ses rêves et la progression du monde des hommes.

Pour conclure, je dirai simplement que si vous cherchez à comprendre le sens du mot humanisme, vous ne devez pas aller plus loin. Car tout ce qui apparaît à côté semble des plus partiales et ne rend pas justice aux légitimes espoirs que nous laissent envisager la complexité même de l'existence humaine.

ps : Bon à la réflexion il y a bien Watchmen et V pour Vendetta de Alan Moore qui égalent la maturité de ce scénario mais l'erreur est humaine n'est ce pas ?
Gharlienon
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le 17 déc. 2012

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Gharlienon

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