Shazam Anthologie
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Shazam Anthologie

Comics de Collectif (2019)

Shazam, anciennement connu sous le nom de Captain Marvel, est un perso fascinant, puisque c'était le héros le plus populaire du golden age, devant Superman et Batman, et aujourd'hui c'est un héros plutôt méconnu. Les récents films qui lui sont consacrés changent un peu ça, mais c'est plus, depuis longtemps, un perso qui à une série régulière continue en comics.


Il a été créé en 1940 chez Fawcett Comics, une maison d'édition concurrente de DC. Le succès du perso sera vraiment insolent, porté par les dessins simples et élégants de son co-créateur C.C. Beck et les scénarios inventifs d'Otto Binder (qui n'a pas créé le perso mais a été son scénariste principal à l'époque), ce qui amènera DC, n'arrivant pas à rivaliser, à aller attaquer Fawcett en justice, Captain Marvel étant jugé comme étant un plagiat de Superman. Je ne connais pas en détail le sujet mais, apparemment les procédures judiciaires furent longues et couteuses pour Fawcett, qui finira par fermer boutique au milieu des années 50. DC va alors racheter les personnages de l'éditeur et recruter le scénariste Otto Binder, qui amènera tout son savoir faire au personnage de Superman durant le silver age, lui donnant un caractère plus proche de Captain Marvel, plus noble et héroïque, et amenant moult concepts primordiaux de la mythologie du kryptonien : la légion des super-héros, Brainiac, Supergirl, Krypto le super chien ou encore la ville en bouteille de Kandor.

Et pour revenir vite fait sur le concept de base du héros, il est très simple : c'est un gamin SDF, Billy Batson, qui va rencontrer un mystérieux et très vieux sorcier nommé Shazam, qui lui donne le pouvoir de se transformer en Captain Marvel quand il dit "SHAZAM !". Il est alors un super-héros super fort, qui vole, ultra résistant et qui est réputé pour avoir la sagesse de Salomon, la force de Hercule, l'endurance d'Atlas, la puissance de Zeus, le courage d'Achille et la vitesse de Mercure (les initiales de ces 7 héros/dieux donnant SHAZAM). Et il peut redevenir Billy Batson dès qu'il reprononce le nom du sorcier.


Bref, Urban Comics a donc eu la bonne idée de consacrer une anthologie à Captain Marvel/Shazam, un personnage que j'avais hâte de découvrir plus en profondeur, et que j'avais adoré lire notamment dans l'excellent numéro de Multiversity qui lui est consacré. Et comme d'habitude, on retrouve dans cette anthologie beaucoup de textes rédactionnels pour remettre le personnage en contexte, expliquer son univers et sa continuité, présenter les principaux auteurs. C'est comme toujours très bien fait, très intéressant à lire et très enrichissant. Un super boulot de la part de Yann Graf.


La sélection d'épisodes me semble très bien aussi. On a pleins d'histoires du Golden Age, ce que j'avais le plus envie de lire vu que c'était à cette époque que le personnage a été le plus populaire et c'est là qu'on a toutes les fondations de sa mythologie. Et après on a des épisodes du silver age pour voir ce que DC a fait quand ils ont récupérés le perso dans les années 70 et qu'ils l'ont relancés, puis on a toute la partie après le crossover "Crisis on Infinite Earths", où le perso est réellement intégré au reste de l'univers DC et connaît de premières modifications pour le moderniser, et enfin on le segment qui va des années 2010 à nos jours pour aborder entre autres la réinvention du héros par Geoff Johns (qui sert de base aux récents films).


Je vais donc profiter de cette critique pour revenir sur chacune des histoires. Ca risque d'être un peu long. Mais pour résumer à l'avance : l'anthologie est géniale et je me suis régalé à la lire et à découvrir ce héros et son univers.


Whiz Comics #2 (1940) : C'est la première apparition de Captain Marvel. Les dessins rétro de C.C. Beck sont chouettes et y a une belle poésie de conte féérique dans cette origin-story. Il faut dire que le héros tire ses pouvoirs d'un vieux sorcier, ce qui donne à ses origines une aura différentes des autres héros qui ont souvent des origines plus orientées SF.


Et on se rend compte que pas mal d'images de cet épisode sont restées cultes, et sont reprises en continue dans toute l'histoire du héros, notamment ce couloir amenant au sorcier Shazam, où sont représenter les 7 pêchés capitaux à travers des statues grotesques et cartoons, qui est souvent repris avec exactement le même cadrage.


Et on a aussi le plaisir d'assister aux débuts du Docteur Sivana, qui est donc l'ennemi juré du héros depuis sa toute première histoire. Ce qui me fascine avec ce vilain c'est que c'est l'archétype exact du savant fou, l'image d'Epinal même du concept. Il passe super bien sous les crayons de C.C. Beck mais hélas il a tendance à paraître un peu ridicule ou trop simple dans son design quand il est dessiné par les artistes d'aujourd'hui. En tout cas il apparaît un peu en décalage avec les autres vilains super-héroïques.


Un autre aspect intéressant c'est qu'à l'époque, quand Billy Batson se transforme, il est plutôt "remplacé" par Captain Marvel, il ne conserve pas sa mentalité d'enfant dans un corps d'adulte, ça c'est un aspect qui arrivera après Crisis on Infinite Earths, à la fin des années 80.

C'est là qu'on voit que le concept de Thor chez Marvel dans les années 60 est vraiment inspiré de ce héros où au début il y avait tout un jeu d'inversion entre le docteur boiteux Donald Blake (qui renvoie d'ailleurs complètement à Freddy Freeman aka Captain Marvel jr., qui lui aussi boîte) et le dieu Thor.


Dans les années 70, Marvel refera à nouveau un clin d'œil à ce concept avec leur propre Captain Marvel qui pendant un temps échangeait son corps avec Rick Jones quand il frappait sur ses néga-bandes. Sauf que là c'était encore plus clairement deux personnes distinctes, et quand l'un était en action, l'autre était coincé dans la zone négative. Par contre, en terme de tonalité des histoires on était sur du super-héroïsme beaucoup moins enfantin, surtout quand Jim Starlin va se ramener au scénario et faire toute sa saga avec Thanos.

Mais bref, pour en revenir à ce numéro, il est très chouette.


Master Comics #23 (1942) : C’est la première aventure solo de Captain Marvel jr. On a hélas pas son origin-story, qui nous est résumée dans le rédactionnel à côté de l’épisode. Ce qui frappe dans cette histoire, ce sont les dessins de Mac Raboy qui sont vraiment incroyables. Ca n’a strictement rien à voir avec le style très simple et plutôt rond de C.C. Beck, c’est beaucoup plus réaliste, mais c’est hyper maîtrisé. Ce n’est pas pour rien que le dessinateur a repris par la suite les strips de Flash Gordon, on sent vraiment que c’est dans cette tradition artistique qu'il s'inscrit plutôt que dans le style graphique très simplistes en vogue dans les comics du golden age. C’est génial de lire un comics de l’époque aussi beau. L’histoire est simple mais sympa, avec ce vilain "Captain Nazi", qui semble vraiment manquer de patience et qui ne tient pas longtemps déguisé.

Ce qui est incroyable aussi, c’est que Captain Marvel jr a exactement la même tête que Freddy Freeman mais personne ne fait le lien.


Marvel Family #1 (1945) : Ici on a le droit à une aventure de la famille Marvel. C'est quelque chose que j'avais vraiment envie de lire parce que le héros est vraiment connu pour ses aventures avec sa famille : Captain Marvel Jr. et Mary Marvel, ainsi que le sidekick comique Oncle Dudley, qui lui n'a pas de pouvoirs mais fait semblant, et qui, par contraste avec les physiques de statues grecs des autres, est vieux, rondouillard et avec un gros pif.


Et cet épisode est surtout l'occasion de voir la première apparition du vilain Black Adam, désormais très connu, mais on se rend compte qu'à l'époque il n'avait pas été pensé pour durer vu qu'il meurt à la fin de l'épisode ! C'est assez fou de voir comment ce vilain a été récupéré progressivement par les auteurs, surtout Geoff Johns dans les années 2000, jusqu'à pouvoir avoir son propre film. Mais c'est vrai qu'en lisant l'épisode, le personnage est tout de suite fascinant. Déjà c'est un équivalent maléfique du héros, un classique qui fonctionne toujours, mais surtout son origine révèle un évènement du passé très mystérieux du sorcier Shazam, ce qui laisse libre cours à l'imagination et aux folles théories pour le reste du très long passé du sorcier.


Ah, et un aspect amusant du numéro, c'est qu'à l'époque tout est fait pour conserver la cohérence graphique des publications d'un numéro à l'autre, et par conséquent, Freddy Freeman et Captain Marvel jr. sont dessinés avec un visage réaliste, renvoyant au style de Raboy, pour être fidèle à sa série solo, alors que Billy Batson a lui un visage simpliste avec des yeux en bille. Quand les deux persos sont ensemble dans la même case, ça donne ainsi un contraste amusant.

Mais bref un chouette numéro, et c'est super de pouvoir découvrir les origines de ce vilain désormais culte.


Marvel Family #10 (1947) : un énorme numéro qui oppose la famille Marvel à la famille Sivana ! A l'époque les single issues de comics sont plutôt des anthologies de plusieurs histoires d'une dizaine de pages, mais là on a une grosse histoire qui fait tout le numéro. Et oui, "la famille Sivana" parce que le vilain a des enfants, un garçon et une fille, qui ont exactement la même tronche que lui et qui sont eux aussi des génies scientifiques.


Cet épisode est peut-être mon favori de toute l'anthologie, et m'apparaît comme l'apogée du Captain Marvel golden age (de ce que l'on en aperçoit en tout cas). On a le droit à une confrontation entre les deux familles à travers le temps et lié aux secrets de l'Atlantide, avec Mary Marvel qui part 10 000 ans dans le passé et Captain Marvel jr. qui part 10 000 ans dans le futur.


C’est un épisode totalement fantasque et absolument génial. C'est bourré de loufoquerie, le plan des Sivana est tordu, bourré de raccourcis improbable (il faut voir comment il arrive à retrouver le descendant 10 000 ans après d'un savant de l'Atlantide, ça n'a aucun sens), c'est idiot et ça en devient très amusant à lire. En plus la juxtaposition absurde de styles graphiques est encore plus appuyée que dans l'épisode d'avant.


Et il y a mon passage favori où les Sivana, à cheval et habillés en redingotes de nobles, organisent une chasse à l'homme des Marvel, obligés à ce moment là de l'intrigue de rester sous forme humaine. Les visuels sont incroyables.

Bref, c'était un régal à lire.


Captain Marvel Adventures #148 (1953) : Binder et Beck vont ici encore plus loin dans les high-concepts puisque Captain Marvel se retrouve carrément à affronter... la planète Terre ! Avec ce visuel complètement absurde sur la couverture et en première page avec la Terre qui a un visage cartoon et qui fonce sur Captain Marvel.


C'est un épisode d'une loufoquerie et d'une poésie incroyable, qui part dans tous les sens, et qui se lit aujourd'hui avec des parallèles étonnant avec la question du réchauffement climatique, même si la question n'était pas du tout dans la tête des auteurs à l'époque. Toutefois on sent que, déjà, les gens se questionnent un peu sur l'exploitation intensive des ressources, notamment ici sur les forages toujours plus profond et nombreux pour récupérer du pétrole (même si c'est plutôt tourné comme un gag, puisque le fait de creuser autant agace la Terre comme si elle était piquée à répétition par des moustiques).


Superman #276 (1974) : On passe désormais au silver age. Fawcett a fait faillite au milieu des années 50, et il faut visiblement attendre les années 70 pour que DC récupère les droits des personnages. A l'époque, l'idée n'est pas de mélanger le héros avec le reste des persos de l'éditeur, mais plutôt de reproduire le charme (et le succès) de ses histoires du golden age. Le héros ayant un ton plus enfantin que les super-héros de l'époque, il évolue sur sa propre terre parallèle, la Terre-S.


Mais tout le monde rêve d'un affrontement entre les grands rivaux Shazam et Superman, et s'il y aura une confrontation officielle qui est compilée en VF dans l'album Crisis Compagnon, ici Urban a intégré la confrontation non-officielle où Superman affronte Captain Thunder. Pourquoi pas Shazam ? A l'époque les crossover entre héros DC sont hyper rares : ils ont soit lieu dans les titres de team-up type the Brave and the Bold, ou dans Justice League, mais pas dans les séries régulières. En outre, ça donne aussi plus de liberté au scénariste Elliot S! Maggin, même s'il reste quand même très fidèle à la mythologie de Captain Marvel et en pastiche énormément d'éléments.


Pour justifier la baston, on a le classique du héros devenu maléfique à cause de vilains. Mais ce qui est sympa, c'est que "Willie Fawcett" ne se rend pas compte que son alter ego est devenu méchant, il pense encore être un héros ! Et le scénariste trouve aussi une astuce pour ne pas avoir à faire une partie team-up où les héros s'associent pour battre les vilains derrière tout ça, permettant d'avoir plus de place pour l'affrontement rocambolesque entre les deux héros.


En outre, le numéro est dessiné par Curt Swan, le dessinateur culte du Superman de l'époque, donc c'est génial de voir l'artiste dessiner cet affrontement de légende (surtout que ce n'est pas lui qui dessinera la rencontre officielle entre les deux héros). Et c'est aussi très sympa de voir Captain Marvel réinterprété dans un style silver age.


C'est moins original que les histoires du golden age mais ça reste un numéro très sympa.


Shazam! #29 (1977) : On est cette fois-ci avec le vrai Captain Marvel avec un numéro de la reprise officielle du héros par DC à l'époque. Le héros évolue donc sur sa propre terre, Terre-S, et l'idée est vraiment d'essayer de reproduire l'ambiance des comics du golden age. Toutefois à l'époque est diffusée une série télé Shazam en live action, chose que j'ignorais totalement, et des éléments inspirés de la série sont inclus dans le numéro qui nous est proposé par Urban et qui permettent de renouveler un peu le concept du héros.


Ici, Billy Batson fait un road-trip à travers les USA dans un van avec oncle Dudley qui a désormais une moustache, et le van permet d'appeler les 7 héros/dieux qui forment le mot SHAZAM pour leur demander des conseils ! Le numéro est aussi l'occasion de découvrir d'autres vilains, issus du golden age mais qu'on avait pas eu l'occasion d'apercevoir. On a notamment Ibac, un équivalent maléfique de Shazam, sauf que c'est Lucifer qui lui a donné ses pouvoirs, qui sont là issus de personnalités maléfiques comme Ivan le Terrible, Borgia, Attila le Hun et Caligula ! Sauf que contrairement à Black Adam qui est classe, Ibac est un bourrin idiot pas hyper charismatique, ce qui explique sûrement pourquoi il est beaucoup moins connu.


Et on a une autre adversaire, Tante Minerve, qui est une criminelle qui tombe amoureuse d'un peu tous les personnages masculins, sauf que vu qu'elle est moche, vieille, criminelle et un peu folle, tout le monde la fuit. Voilà voilà. Entre ça et les commentaires de Solomon sur ses épouses, le numéro baigne dans une ambiance misogyne dont on aurait pu se passer.


Mais c'est sympa de voir d'autres vilains et cette version un peu différente des aventures du héros. L'ambiance du numéro est vraiment très bon enfant, avec un plan de Sivana qui a extrêmement peu d'envergure par rapport à ce qu'on voit dans les autres numéros et on sent que ça vise un public un peu plus jeune que les autres comics super-héroïque de l'époque. Les dessins de Kurt Schaffenberger sont sympas et essayent de faire un pont entre le style de C.C. Beck et le style graphique des comics d'alors.


C'est pas forcément le plus grand numéro de l'anthologie, il a ses défauts et il manque d'envergure, mais ça reste sympathique.


DC Comics Presents Annual #3 (1984) : Contrairement au numéro précédent, on a là un numéro beaucoup plus spectaculaire. Un gros annual de team-up entre Superman et Captain Marvel, avec même le Superman de Terre-2 qui va se ramener face à Sivana qui a réussi à récupérer les pouvoirs du Captain. On a de grands noms aux commandes : Roy Thomas au scénario et Gil Kane aux dessins, et on sent l'envie des deux de faire une grosse histoire ultra épique.


Ici Shazam est vraiment réinterprété graphiquement et scénaristiquement dans le style super-héroïque de l'époque. Sivana est plus ambitieux que jamais et il met Superman et la famille Marvel réellement en difficulté, et ils vont réellement galérer pour gagner. On a même un remake de la scène culte de Spider-Man face au Master Planner quand il doit puiser dans ses dernières forces pour se sortir des décombres !


Le style de Kane est particulier, mais il nous offre un Sivana au charisme incroyable et des affrontement ultra énergiques et impressionnants, avec des persos qui traversent des buildings sous la force des coups. Du DBZ/Man of Steel avant l'heure, c'est absolument réjouissant. L'ambiance des scènes qui ont lieu autour du Rocher d'Eternité sont également très réussies.


Bref un très très bon numéro de team-up qui n'a fait que renforcer mon appréciation de Sivana et qui amorce vraiment la transition de Shazam vers le super-héroïsme moderne.


The Power of Shazam! (1994) : En 1986, l'énorme event Crisis on Infinite Earths à lieu. Toutes les terres parallèles de l'univers DC sont fusionnées. Captain Marvel est donc désormais intégré au reste de l'univers de l'éditeur et évolue avec les autres héros. Ce que l'on voit dès l'event qui a lieu juste après Crisis : Legends (que je ne conseille pas, ce n'est pas hyper intéressant), et le héros intègre même la Justice League International juste après.


Le héros a une première série solo à l'époque, écrite par Roy Thomas, mais visiblement elle n'a pas convaincu et il est décidé de retconner tout ça et c'est là que Jerry Ordway se ramène. L'artiste, qui s'occupe à la fois du scénar, des dessins et des couleurs, se lance dans un genre de Shazam Year One, pour offrir une origin story modernisée à Billy Batson dans cette époque post-crisis. C’est pensé et écrit comme un film, directement au format graphic novel (donc une centaine de pages d’un coup plutôt qu’en plusieurs issues d’une vingtaine de pages).


Par contre, là où Batman Year One est devenu l’origin story définitive de Batman, celle de Captain Marvel s’est faite depuis remplacée par la nouvelle origin story qu’à fait Geoff Johns en profitant de l’opportunité des New52 et qui est celle qui a été adapté au ciné depuis. Il faut dire que tous les héros ne sont pas logés à la même enseigne vis à vis de leur origin story, il suffit de voir Superman dont les origines sont reracontées en permanence que ce soit en continuité ou non, et où des détails sont changés en permanence.


Pour en revenir à notre graphic novel : l’histoire est sympa, mais on a vraiment le côté film où “tout est connecté”, même un peu trop, pour faire fonctionner le scénario, ce qui est un peu dommage. Mais ça reste très agréable à lire, et la structure film et le format graphic novel ont également leurs avantages, que ce soit dans le bon gros combat final, où pour se permettre une longue introduction au début sur les parents de Billy sans subir le rythme frénétique des singles issues.


Je regrette le white washing de cette version de Black Adam, qui est heureusement un peu rattrapé en cours de route par une pirouette mais reste dommage. Toutefois, je pense que mon plus gros regret est sûrement sur Sivana, hyper en retrait, et qui n’est ici qu’un capitaliste/capitaine d’industrie et pas du tout un savant fou. Je l’aimais bien comme scientifique dans son coin, rejeté qui semble rechercher le pouvoir et la reconnaissance. Par contre, le contraste entre Billy SDF et Sivana riche est bien.

Et dans ce graphic novel, on est vraiment passé dans la caractérisation moderne de Captain Marvel, où Billy Batson garde sa personnalité d’enfant une fois dans son corps d’adulte. Ca semble être une volonté de DC post Crisis, probablement pour donner plus d'originalité et d'individualité au héros par rapport à Superman, ce n'est pas une invention d'Ordway pour cette relecture des origines du héros. Ce changement dans l'écriture du héros par rapport à ses versions golden et silver age est majeur. Ce n'est vraiment pas la même dynamique, et on perd vachement le côté sagesse de Salomon, mais en même temps ça rend le héros plus singulier encore, faisant de lui réellement le fantasme de puissance que représentent les super-héros pour les gamins. Et y a un vrai potentiel scénaristique pour pleins d’intrigues.


Ca donne une saveur complètement différente au héros, qui est moins noble, mais qui a plus de personnalité, là où dans les aventures du silver et golden age, c'est vraiment les vilains et les situations qui donnent leur seul aux histoires.

Bref un graphic novel très intéressant. C'est quand même très bien foutu, notamment graphiquement et c'est plutôt une bonne modernisation des origines du héros. En outre, c'est très chouette d'avoir une si longue histoire directement dans l'anthologie alors qu'elle aurait pu être publiée à part.


The Flash #107 (1995) : Toujours dans cette logique d'intégration de Captain Marvel au reste de l'univers DC, on a ici un team-up entre le héros et le Flash de l'époque, Wally West, qui a lieu durant le run du scénariste Mark Waid sur la série (d'ailleurs Mark Waid va écrire la série 2023 de Shazam) et durant un crossover nommé Underworld Unleashed. Le contexte global de l'event est donné vite fait dans le rédactionnel à côté de l'épisode mais de toute manière ça n'a pas énormément d'importance.


C'est un épisode tout à fait sympathique. Waid est un scénariste qui a une écriture moderne mais qui ne va pas du tout dans le grim & gritty qui est populaire à partir des années 80, il essaye plutôt de prolonger et d'actualiser l'héroïsme lumineux du silver age, donc son écriture colle très bien à Captain Marvel. Pareillement, les dessins d'Oscar Jimenez sont indéniablement 90's, mais dans une veine un peu cartoony, dynamique et élégante à la Joe Mad, ce qui permet de moderniser le héros mais sans en faire un bad boy.


Bref c'est sympa de voir le héros intéragir avec le reste de l'univers DC.


Shazam! Power of Hope (2001) : La faiblesse de l'anthologie est peut-être qu'Urban ne propose pas grand chose pour les années 2000, on a que ces deux pages peintes par Alex Ross qui est une reprise de l'origin story classique du héros (la version originale du golden age). Ca a le mérite d'être très beau. Par contre les textes en blanc sur fond sombres sont quasi illisibles, c'est dommage que le lettreur de la VF se soit foiré à ce niveau là. Je ne sais pas ce que ça donnait en VO mais là c'est très pénible à lire.


All-New Batman: The Brave and the Bold #2 (2011) : On passe donc immédiatement aux années 2010 avec cet épisode qui vient du prolongement en comics de la série animée Batman : the Brave and the Bold, que je n'ai jamais vu mais qui est une série animée de team-up entre Batman et le reste de l'univers DC, dans un style graphique rendant hommage au Batman des années 50 et à son air bonhomme et rigolard (tout en gardant un côté anguleux post Bruce Timm). Bref, le genre d'ambiance qui colle parfaitement à Captain Marvel.


On a donc un petit team-up entre Batman et Captain Marvel face... au Psycho Pirate, ce qui est plutôt original. Ce qui est bien c'est que y a des hommages graphiques à C.C. Beck avec Billy Batson et Captain Marvel qui ont régulièrement les yeux en point, et c'est surtout l'occasion de voir pour la première fois dans l'anthologie le fameux Tawky Tawny, qui est un tigre cartoon anthropomorphe qui est le pote de Billy Batson. Un concept improbable que j'avais bien envie de voir, qui a servi d'inspiration à Otto Binder quand il a écrit le Jimmy Olsen du Superman des années 60 (les deux persos ont d'ailleurs un amour pour les vestes vertes à carreaux). Mais forcément, c'est un concept tellement perché que les auteurs ne l'utilise pas tous les jours. Mais il avait été ramené dans la continuité après la nouvelle origin story d'Ordway, on ne le voit que sous forme de peluche dans le graphic novel présent dans l'anthologie, mais apparemment il prend vie par la suite, et le perso est aussi présent après la réécriture de Geoff Johns, mais avec une autre origine.


Bref, encore un petit team-up sympatoche.


Convergence Shazam #1-2 (2015) : J'avais lu le premier de ces deux numéros à l'époque de sa sortie en VO et j'avais très envie de le relire en VF et de lire enfin la fin de cette courte intrigue. Ce qui est génial dans cette mini-série, c'est qu'elle est dessinée par Doc Shaner, au trait rétro hyper élégant qui colle parfaitement au personnage, et il est en plus accompagné par l'excellente coloriste Jordie Bellaire qui rend vraiment ça somptueux.


Pour remettre un peu en contexte ces numéros : en 2015, DC déménage ses bureaux de New-York à Los Angeles, et pour ne pas interrompre ses séries pendant ce gros déménagement, l'éditeur prépare un event : Convergence, qui dure deux mois où plein de réalités alternatives de l'univers DC sont rassemblées en un endroit pour un genre de tournoi. Si Crisis on Infinite Earths avait supprimé les terres alternatives, elles sont finalement plus ou moins revenues avec les années. Mais tout le multivers DC a été de nouveau rebooté en 2011 après Flashpoint, dans l'ère "New 52", et si on avait pu voir les différentes terres alternatives dans Multiversity, ce que propose l'event Convergence est un peu différent, puisqu'il y a cette fois des réalités qui viennent du passé, comme le Superman d'avant Flashpoint ou, dans la mini-série qui nous intéresse, le Captain Marvel classique d'avant Crisis on Infinite Earths.


C'est vraiment un hommage à cette version du héros ici, le scénariste Jeff Parker explicitant même clairement que Billy Batson et Captain Marvel sont deux personnalités totalement différentes. Et vu que c'est une mini-série de seulement deux numéros où les héros doivent en plus aller affronter une autre réalité (celle de Gotham by Gaslight, le Batman version époque victorienne) et qui n'appelle pas à une suite, les auteurs ont décidé de transformer ça en une grande célébration fan-service absolument réjouissante, avec des caméos dans tous les sens. C'est un peu vain, mais vu la qualité graphique, c'est un réel régal à lire. C'est génial de voir chaque perso réinterprété magnifiquement par Doc Shaner et en plus ça permet de voir des persos qu'on avait pas encore vu jusque là dans l'anthologie, comme le vilain Mister Atom ou Mister Mind, qui est apparemment l'autre grand vilain de Captain Marvel et qui était totalement absent de ce volume et on a même d'autres héros de Fawcett Comics comme Bulletman et Bulletgirl qui viennent aussi faire coucou.


Le retour de l'univers Gotham by Gaslight est également un régal. Parker et Shaner le font basculer totalement dans le steampunk, c'est bourré d'hommages graphiques aux mini-séries originales et au trait de Mignola de l'époque, et les auteurs nous offre ce dont on rêvait avec les réinterprétations de tous les grands vilains de Batman dans cet univers. Comme je le disais, c'est hyper fan-service, mais c'est un vrai plaisir à lire.


Bref une excellente lecture.


Shazam! #1 (2019) : Et pour conclure cette anthologie, il fallait forcément abordé la reprise par Geoff Johns du personnage. Le scénariste à profiter du reboot de l'univers DC des New 52 en 2011 pour réécrire et moderniser à nouveau les origines du personnage, qui s'appelle désormais Shazam et non plus Captain Marvel. C'est la version des origines du perso qui a été adapté au ciné et qui est celle qui vaut encore aujourd'hui. Johns l'avait faite dans les back-up de la série Justice League, ça a été compilé en un gros tome, et en 2019 il est revenu sur le personnage mais cette fois dans une série régulière Shazam dont il a écrit une dizaine d'épisodes et dont on a ici le premier numéro.


Il y a pas mal de différences dans la version de Johns du perso, la plus grosse étant qu'il a agrandi la Famille Shazam. Dans cette version Billy Batson est toujours orphelin mais est recueilli dans un foyer d'adoption avec 5 autres gamins, dont Freddy Freeman et Mary Bromfield, les Captain Marvel jr. et Mary Marvel originaux, mais aussi 4 nouveaux : Eugene Choi, Pedro Pena et Dana Dudley. Ca permet notamment à la famille Marvel d'avoir des profils plus diversifiés, pour que tout le monde s'y retrouve, et de ne plus être composée que de blancs. Et puis ça offre aussi de nouvelles possibilités narratives.


En tout cas ce premier épisode est très chouette. Aux dessins on retrouve Dale Eaglesham qui colle plutôt bien au héros avec sa tendance à dessiner des persos ultra musclés mais avec des têtes de niais pas possibles. Et sur le scénar, Johns alterne entre des hommages aux versions antérieures du persos et des lancements de pistes qui semble promettre une folle réinvention de toute la mythologie du héros, qui semble potentiellement hyper vaste et qu'on a envie d'aller explorer.


On a aussi un back-up qui nous raconte la nouvelle origin story de Mary Bromfield, dessiné par l'artiste japonaise Sen. L'histoire est bien pensée et les dessins sont hyper mignons et c'est une très bonne façon de terminer l'anthologie.


Bref cet épisode de Johns est vraiment super chouette et entre ça et la mini-série Convergence, on conclut l'anthologie sur une excellente note.


J'ai donc enfin terminé de revenir sur tous les épisodes compris dans cette anthologie. Ce fut très long, je ne sais pas si c'était toujours très intéressant, mais voilà. En tout cas j'ai adoré découvrir ce héros, sa mythologie, et voir comment il a évolué et été réinterprété à travers les années. C'était passionnant, bourré de très bonnes histoires, ça donne une bonne compréhension de base du perso et ça donne envie de lire plus de comics sur lui, notamment la série 2019 de Johns.


Pour conclure, je ne peux que recommander cette excellente anthologie.

arnonaud
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le 12 mars 2023

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