Le second tome d’Outcast prolonge intelligemment la mise en place du premier volume : Robert Kirkman continue de retenir les éléments cruciaux de la narration dans l’ombre pour attiser la curiosité du lecteur et stimuler son intérêt en multipliant les pistes de réponses autant que les questions autour du personnage central. La Souffrance évoquée dans le titre est bien celle-là encore floue et incertaine qui lève chaque matin le héros et le pousse à s’en imprégner pour



tenter de comprendre les violences de son passé.



Derrière une forme d’apaisement de façade, les questionnements personnels de Kyle sont un temps mis en attente pour accompagner le révérend dans une tournée des exorcistes passés afin d’y évaluer l’échec ou la réussite. De par leurs différentes implications autant que de par ce qui les pousse à aider les possédés, la confiance s’installe difficilement entre les deux hommes, peignant là



un aspect très réel des relations humaines



où les motivations et les attentes au sein d’un couple sont rarement similaires. Si Robert Kirkman prend le temps de poser ça plutôt que d’emporter le récit trop vite, c’est parce qu’il s’agit bien ici d’une narration de l’âme plus que de l’action, tout comme l’était Walking Dead, c’est parce que l’auteur, tout friand qu’il soit de la littérature de genre sait y déceler l’essentiel derrière le frisson : l’homme.


Côté graphique, Paul Azaceta impose sa patte à la série : le trait un peu obsolète s’attarde sur



la torsion des portraits, sur ces frémissements et ces grimaces inconscientes



qui disent à l’extérieur tous les combats intérieurs de l’âme. Le dénuement des décors sert l’universalisme du propos et permet bien de placer l’homme au cœur du propos. Et le montage, coupes inattendues, raccords improbables, ellipses mystérieuses, joue magnifiquement l’opacité essentielle au récit. Ainsi, ces petits carrés répétés, surgis parfois de nulle part, inserts furtifs mettant l’accent là sur un geste, sur un visage… Comme au cours de cette séquence nocturne sous le barnum d’une station-service banale, inserts multipliés soudain sur une double planche afin d’y augmenter profondément la tension, d’insister là sur les fluctuations des regards et des corps. Ces réflexes inconscients, ces regards francs, sont autant de



vérités fugaces



qui se dévoilent tout en altérant de manière très fine, presqu’anodine, le rythme du récit.


Robert Kirkman et Paul Azaceta prennent un malin plaisir à distiller au compte-goutte les informations essentielles à la compréhension globale du récit : ce second volume continue d’épaissir le mystère autour de Kyle et de l’étranger au chapeau. Si les nombreux possédés croisés là (re)connaissent Kyle et ce démon banni qu’il promène, ils ont apparemment autant besoin de lui pour se nourrir de son énergie qu’ils se méfie du danger de ses caresses fatales. Et si aucune réponse ferme n’éclaire le voyage du héros, toutes les rencontres, de par leur intensité, remuent



les blessures d’un passé qui lui se révèle doucement.



Chargé de souffrances inhabituelles et pourtant banales.

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le 14 juil. 2017

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