Si vous ne l'aimez pas, lisez ceci

C'est l'histoire d'un personnage de BD ridicule. Physique d’Apollon à la mèche ravageuse, droiture morale tellement prononcée qu'elle ferait passer Tintin pour un terroriste islamiste, pouvoirs et invulnérabilité quasi-divins, le Super Homme balade dans tout Metropolis son insupportable perfection, rehaussé de superbes collants aussi discrets qu'à la mode (celle des hommes de foire des années 20, sans doute). Difficile d'écrire sur une telle anomalie, vous dites ? Moi, je dirais carrément "ultime défi scénaristique"...

De fait, les histoires marquantes de Superman se comptent un peu sur les doigts d'une main. Certains ont tenté des approches plus réalistes (Mark Waid avec son « Birthright ») d'autres ont pris Superman pour ce qu'il est: une fable. Une fable n'a pas à être ridicule. C'est un reflet poétique de notre humanité, un lieu narratif ou peuvent s'exprimer certains de nos questionnement primordiaux. C'est cette voie que Cooke choisit pour « Kryptonite ». Bien que classique, l'histoire nous offre des personnages superbes, particulièrement cet étrange Gallo, charismatique et ambivalent, ou la séduisante Lane, ou, bien sûr, ce Super-héros enfin aussi fascinant qu'il parut aux lecteurs américains de 1938. On oubliera un ou deux passages qui dénotent (comme ce Clark robot complètement improbable) au profit de la vision d'ensemble, majestueuse.

Les phrases sont belles. Les idées, mélancoliques. Les sentiments, touchants. Du comic comme je l'aime avec l'alliance entre de la bonne littérature et des dessins épurés, essentiels. Très loin de l'épopée, on touche ici au chant intime de l'âme, à cette recherche d'harmonie entre notre être profond et solitaire, et la vastitude d'un univers vide et froid. Kent n'est plus un dieu s'il frôle la mort. Il n'est plus un héros si son amour lui échappe. L’icône de près d'un siècle est représentée terrifiée, meurtrie, hésitante. Il demande de l'aide à ses parents, redevient un enfant comme tous ceux qui ne savent plus quoi faire de leur vie. Et sa joie la plus profonde, sa véritable victoire, se révélera être une joie humaine, compréhensible par tous.

Tant pis si la partie graphique (Tim Sale) connait quelques ratés, notamment avec un Clark Kent parfois représenté comme un obèse, ou un Luthor au visage un peu trop changeant. Ca reste beau et reposant, comme ces histoires qu'on nous racontait étant petit, celles qui nous faisaient comprendre ce qui était vraiment important quand tout espoir semblait perdu...
Amrit
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le 26 mai 2013

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