En 1977, de par chez nous, Serge Doubrovsky invente une terme désormais en usage dans toute une branche des études littéraires : l'autofiction. Comprendre : un genre où autobiographie et fiction se mêlent et au les auteurs mettent en scène des personnages portant leurs noms. Dans la BD, on a par exemple le très connu Seth (La Vie est belle malgré tout, réédité chez Delcourt dernièrement). En 1977, un petit gars barbu, le genre de mec à qui le destin ne réservait pas grand chose, et qui jusque là avait piteusement tenté de devenir un top auteur de comics, a une sorte d'idée marrante : OK, Fred Hembeck (le barbu en question) ne sera pas le prochain dessinateur de Spiderman, OK, des fois, faut se résoudre à être un fan et point. Mais après tout, qui a dit qu'il était impossible de parler de BD en BD (la preuve en est après Scott Mc Cloud que ça se fait finalement tellement bien). Donc, 1977, Fred Hembeck se dit : hop, allez, je vais, avec mes dessins tous pourris et mal fichus me faire ma petite place dans le fandom et il propose au TBG (The Buyer's Guide for Comics Fandom) une petite planche mettant en scène un drôle de personnage nommé Hembeck (copyright Fred Hembeck) interviewant Spiderman. C'en était désormais fini : non, Fred Hembeck, décidément ne serait plus un inconnu, et en 2008 sortirait une quasi intégrale de son travail préfacé par Stan Lee himself.
C'est donc quoi cet omnibus au nom à rallonge ? Rien de moins que bien 900 pages de chose et autres, répertoriant plus de trente ans de publications.
Et c'est épatant : non seulement, en fin de compte, le garçon a su se bricoler un style remarquable et unique, sorte d'héritage des vieux Archies, mais il possède en plus un imparable humour, allié d'une connaissance quasi encyclopédique du sujet. Résultat : si vous trouvez fastidieux de vous taper mille et un vieux comics de chez DC (du type Jimmy Olsen, Superman's Pal), mais que quand même vous auriez bien aimé, Fred se charge de vous les résumer en une ou deux pages, dans les grandes lignes majeures. Assez poilant. Il interviewe au passage les héros, les questionne sur les changements éditoriaux dont ils sont parfois les victimes, leur dessinateur préféré, fait se rencontrer deux héros d'éditeurs différents portant les mêmes noms, soulignent les étonnantes ressemblances entre les tout premier X-men (Marvel) et les débuts de la Doom-patrol (DC) paraissant en même temps... ou bien encore, présente son bébé à Superman, ou assiste à un match de base ball avec son bro' Spiderman qui lui confie ses malheurs amoureux.
On découvrira surtout les héros disparus, les tous premiers Green quelque chose, machoire d'acier ou un autre Flash, qui n'avait rien à voir, les presque trop flagrantes copies de maisons concurrentes disparues, et ces héros qui n'ont eu droit qu'à trois numéros. Toujours entre un certain fanatisme dément et un recul dixième degré sur tout ces vieux comics et ce sus-dit fanatisme inhérent. Surtout, pour les jeunes ignares que nous sommes, le monsieur ayant une obsession pour les 60'S, on se bouffera une belle dose d'anecdotes sur les publications de l'époque. On appréciera aussi et surtout que le monsieur sache se moquer de lui-même et de son incessant bavardage.
Intéressant : une des nombreuses histoires qu'il raconte est celle de sa non réussite dans le milieu du comics, et de la façon dont Vince Coletta a dénigré ses premiers dessins, lui faisant comprendre qu'il n'avait aucun futur dans l'industrie du comics. Remarquable surtout que désormais Fred Hembeck soit un personnage totalement incontournable au milieu de pelleté de super-héros. Il n'y a, à ma connaissance, aucun milieu ou un simple fan soit devenu aussi important que les héros et oeuvres qu'il vénère et chronique (bon oké, à part pour quelques critiques rock mémorables, il est vrai). Rien que pour ça, ça mérite une certaine déférence envers le bonhomme. Bon, donc, concrètement, si t'es une sorte de dément accumulant des piles de vieux Marvel et DC dans ton salon, le genre de tarés qui viendra se fendre de commentaire pointu sur la garde robe de Bruce Wayne, les tourments de Logan ou la langue trop pendue de Wade Wilson, je comprends pas comment ça se fait que t'as pas encore ce livre dans ta bibliothèque.
colville
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le 26 mars 2011

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colville

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