J'ai toujours un peu mal avec les histoires comme celles de Wet Moon. Au fond, tout cela pourrait être simple, classique, limpide, linéaire : un genre de thriller policier, avec un bon flic un peu névrosé qui essaye de nager dans un milieu pourri et corrompu, traqué de toute part, et lui-même obsédé par une meurtrière qu'il a laissé échapper.


Mais voilà rien n'est aussi simple et le récit est complètement déstructuré et enrobé de délires symboliques et hallucinatoires plus ou moins cryptiques. Certaines images fonctionnent mais d'autres sont difficiles à déchiffrer (l'invasion de fourmis). Le scénario navigue ainsi en équilibre instable entre narration cohérente et métaphysique nébuleuse.


Les mangaka sont hyper forts pour créer des récits de ce genre, certains sont même spécialisés là-dedans. C'est d'ailleurs le cas d'Atsushi Kaneko qui a déjà commis Soil que j'avais étrangement beaucoup aimé, malgré son histoire très étrange (encore plus que celle de Wet Moon). Je n'en garde pas beaucoup de souvenirs (sans doute à cause de sa complexité scénaristique) si ce n'est que ce côté intrigant était plutôt réussi et aboutissait quelque part.


On retrouve un peu la même chose dans Wet Moon même si l'atmosphère n'est pas comparable et que la trame est beaucoup plus dense (3 tomes et non 10). Mais il y a une clarté relative dans la trame qui se met en place. L'auteur maîtrise vraiment sa narration, et plus l'intrigue avance et plus les pièces du puzzle se mettent en place et éclaire sous un nouveau jour les événements lus précédemment. Par instant le rythme est trépidant et les scènes plus ou moins disparates et hallucinatoires s'enchaînent avec un découpage étourdissant d'une grande virtuosité.


C'est vrai que l'on peut aussi ressentir l'influence de Charles Burns que ce soit au niveau de la structure narrative éclatée que des personnages atteints de difformités dérangeantes. Par moment Wet Moon m'a rappelé Toxic (peut-être car je l'ai lu il n'y a pas longtemps) avec cette manière de jouer sur la temporalité, alternant la narration entre passé, présent et futur pour donner l'impression de perdre le lecteur pour au final retomber sur ses pattes et faire sens. La subtilité et la compréhension se nichent dans les détails : dans Toxic la coupe de cheveux du héros, ici la cicatrice de Sata, qui permettent de se situer dans le temps.


Au final, Wet Moon est un joli exercice de style qui arrive à raconter une histoire finalement accrocheuse et intense malgré l'accumulation de scènes cryptiques sorties de nulle part, qui créent du mystère de manière artificielle et parfois facile. J'aime bien aussi tout ce qui est lié au Voyage dans la Lune de George Méliès, ça donne une touche étrange, dérangeante et même temps mélancolique, même si ça n'apporte pas grand chose sur le plan narratif. Par contre, si j'étais plutôt satisfait de voir que la fin arrivait à relier et à expliquer la plupart des étrangetés de l'histoire, je trouve que la scène finale (


Sata qui retrouve Komiyama alors que celle-ci est censée être un légume défiguré - à moins que ce soit un leurre


) brouille inutilement les pistes.

benton
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le 7 oct. 2017

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benton

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