Un Reboot mal foutu avec un début laborieux pour finir divertissant pour de mauvaises raisons.


Introduction



Alors que l'univers DC était plus ou moins entièrement remis à zéro par l'événement Flashpoint pour laisser place à une nouvelle ère communément appelée New 52, en France, Urban Comics un tout nouvel éditeur chargé de publier les séries de la Distinguée Concurrence profita de l'événement pour attirer un nouveau lectorat. Superman est à l'évidence, avec Batman, le plus connu. Et tous deux sont si importants qu'ils sont au centre d'au moins deux séries principales : Superman et Action Comics pour le premier, Batman et Detective Comics pour le second. Chaque fois cependant, l'une des deux séries principales ne sera pas éditée en Français, les Detective Comics de la période New 52 ne sont quasiment pas publiés à l'exception d'un numéro Crossover et d'un arc (Empereur Pingouin), publié bien après et semblant sorti de nulle part. On peut regretter bien entendu que les deux séries ne furent pas publier, mais en admettant qu'il fallut en sacrifier une, il faut avouer que la série Detective Comics fut à cette époque bien moins importante, les événements principaux venant bouleverser le cours de la vie du héros et influer plus généralement sur l'univers DC se concentraient dans la série Batman. Le choix fut donc évident. Sans parler du scénariste à succès, Snyder, à l'oeuvre dans celle-ci et dont les premiers arcs au moins ont quasiment fait l'unanimité quand les suivants ont continuer à être des succès malgré une unanimité révolue.


La première question que l'on peut se poser à propos de l'univers Superman est celle-ci : la situation est-elle la même ?


Après une lecture plus ou moins attentive de tous les tomes édités en Français concernant le personnage durant cette époque, la réponse est clairement non. Tout d'abord, malheureusement, si Snyder se chargeait de tous les événements importants concernant Batman et rendaient ainsi la seconde série, dispensable, aussi intéressant soient certaines passages, permettant d'approfondir davantage le personnage et l'univers, ici la situation est beaucoup plus trouble. En effet Grant Morrison, scénariste de renom que je n'apprécie guère, se chargea principalement dans la série Action Comics de développer l'alter-Ego costumé du personnage. Alors oui, on peut ainsi penser que les événements principaux se retrouvent dans cette série. Cependant on se retrouve bien vite confus quant à certains événements primordiaux du personnage en général. En effet, la série Superman qui fait ici l'objet de la critique se concentrera davantage sur l'alter ego de Superman, Clark Kent, et osera finalement des choix audacieux quant au statut du personnage. Notamment son départ du Daily Planet, mais aussi l'abandon de la romance avec Lois Lane, remplacé par une romance avec Wonder Woman, dans la série Superman/Wonder Woman. La relation Lois Lane/Clark Kent y sera aussi approfondi expliquant davantage certains choix futurs. Bref, ne pas éditer la série Superman et ses trente premiers numéros pénalisent réellement la compréhension du personnage dans l'univers New 52. Les deux séries deviennent même finalement à tel point indissociables qu'à la suite du cross-over Doomed, Urban Comics éditera finalement en parallèle les deux séries à partir du trente-deuxième numéro.
Enfin, si dans le cas de Batman, la série scénarisée par Snyder était l'objet d'une notoriété bien plus importante que sa comparse, Action Comics, la série de Grant Morrison, scénariste pourtant adulée par beaucoup, fut l'objet de nombreuses critiques et globalement méprisée. En tout honnêteté, la série Superman dont nous parlerons ici ne fut pas réellement davantage apprécié. Si on reprochait principalement à Grant Morrison de dénaturer le personnage, on reproche généralement à celle-ci de fournir un scénario ennuyeux en plus de subir par ricochet et dans une moindre mesure les effets négatifs de la dénaturation venue de la série "principale". Le choix de sacrifier cette série au profit de celle de Grant Morrison est donc beaucoup plus difficile à justifier dans le fond. Dans la forme, le nom de Grant Morrison assurera un minimum de vente, car le scénariste a un sacré nombre de fans, ce que je regretterai toujours.


Après cette longue introduction qui me servira pour les critiques des cinq premiers volumes de Superman, reste encore une double question qui dirigera toutes mes critiques. La série Superman mérite-t-elle le peu de succès qu'elle a eu dans son pays d'origine ? Et qu'apporte-t-elle au personnage dans cet univers New 52 ?



Volume 1 : What Price Tomorrow ?




  • N°1 : What Price Tomorrow ? (oui le titre du premier numéro est le
    même que celui du volume...)


Je vais commencer par la première chose perturbante selon moi pour ce premier numéro d'un Reboot. Et oui, même si ce reboot se permet une ellipse sur les cinq premières années du super-héros, il me semble nécessaire de revenir sur les nouvelles origines de celui-ci ce qui fut d'ailleurs fait malgré l'ellipse pour d'autres séries. Mais soit, acceptons l'ellipse. Dans ce cas-là cependant, il nous faut en tout cas nous retrouver dans une situation familière quitte à nous désarçonner par quelques éléments novateurs, ou à contre-pieds. Ici cependant la situation est des plus étranges, puisque le bâtiment du mythique Daily Planet est démoli suite à un changement de direction. On se retrouve alors face à un statut-quo assez perturbant. Clark Kent refuse le changement alors que Lois Lane l'embrasse, finalement ravi de troquer son métier de journaliste d'investigation pour celui de journaliste télé. On a donc affaire à une Lois Lane fondamentalement différente de celle connue jusqu'ici. Trop même, car elle apparaît étrangement naïve sur les conséquences du rachat du journal et sa modernisation. Ce personnage était tout de même jusque-là caractérisé par son esprit critique, voire rebelle. C'est pourtant Clark Kent qui se rebelle, là encore, le personnage surprend par son entêtement très direct. Si le journaliste avait toujours été intègre, il avait toujours aussi essayé de rester suffisamment discret, introverti, voire timide, pour donner une image qui contre-balançait avec la confiance affichée de Superman. C'est perturbant à tel point qu'il apparaît beaucoup moins sympathique qu'auparavant, alors qu'il soutient pourtant la bonne cause. Au passage, il me semble nécessaire de préciser qu'une piste d'interprétation fut lancé par des rumeurs officieuses d'abord mais très crédibles, associant ce récit du néfaste déménagement du journal avec le déménagement des locaux de l'éditeur DC Comics naviguant de la côté est à la côte est. Pérèz confirma plus ou moins officiellement dans des déclarations cette piste d'interprétation. Un événement qui n'aurait pas été très bien accueilli par bon nombre d'artistes de la maison. Si cette perspective ajoute une atmosphère plus pesante encore au numéro, elle n'enrichit pas pour autant l'analyse car ce qui est critique est la recherche de rentabilité du nouveau dirigeant du Daily Planet contrevenant ainsi aux exigences d'un véritable journaliste d'investigation. Or, la perspective économique n'est pas contradictoire avec l'édition de comics, ou du moins elle n'est pas nouvelle, ce déménagement des locaux de l'éditeur n'influence en rien ce but commercial, présent depuis la naissance des comics. Et après tout, ce n'est pas forcément un mal, l'art étant cette combinaison du divertissement et de l'instruction. Bien sûr, des attentes trop exclusivement centrées sur la rentabilité peut être nuisible en sacrifiant l'aspect instructif des oeuvres à l'aspect divertissant. Mais une telle problématique reste différente, malgré une apparente similarité, avec les dérives d'un journalisme sensationnel. Cela était d'ailleurs déjà critiqué régulièrement dans les comics du super-héros et d'autres, on pensera principalement à Spider-Man chez Marvel. Bref, ce changement du Daily Planet est perturbant, car il survient alors que le lecteur n'a même pas eu le temps de découvrir le Daily Planet de la version New 52. Si on sait bien les risques du capitalisme, on aurait aimé savoir pourquoi Clark Kent est si attaché à l'ancienne version du journal.
Plus gênant encore quant au plaisir de lecture, c'est qu'entre la destruction du bâtiment mythique, la solitude de Clark Kent, seul opposé à ce sujet, l'ambiance est carrément déprimante. Surtout que le numéro se termine par la négation du potentiel couple Lois Lane/Clark Kent. C'est un peu la cerise sur le gâteau ! En un numéro, au lieu d'assister à une reconstruction du personnage à travers le reboot, on assiste surtout à la destruction de tout ce que l'on connaissait. A vouloir traiter trop directement la thématique des dérives médiatiques, le numéro oublie de nous rendre sympathique, attachant et admirables ces héros. L'espace d'un numéro cela peut être bénéfique, mais le premier numéro d'un reboot ? C'est une véritable erreur à mon sens.


Pire encore, la lecture est lente à cause de cette ambiance pesante mais aussi à cause de réels défauts archaïques du numéro. On a principalement reprocher à ce comics d'être verbeux. J'avoue que bien des comics souvent décriés pour leur nombreux dialogues me plaisent car ils permettent de développer les personnages et les relations, les comics avec beaucoup de combat et peu de dialogues tendent à m'ennuyer. Je partais donc avec un bon a priori quant à cette série. Mais je l'ai trouvé verbeux aussi. Pourquoi ? Premièrement et cela n'est pas la faute au comics, bien qu'habitué à regarder films/séries en VO et lisant de plus en plus de comics en VO sans aucun soucis, j'ai eu quelques problèmes de vocabulaire coupant ma lecture, j'ai dû chercher la traduction de cinq ou six mots. De manière générale, ma lecture fut donc plus lente qu'habituellement. Cela dit ce n'est pas ce que je reproche au texte au contraire, tant mieux si je peux augmenter mon vocabulaire anglo-saxon. Chaque case semble décrite textuellement. Quel intérêt de nous raconter ce que l'on voit sur l'image ? Oui souvent, quelques modalisateurs viennent ajouter à cette narration l'avis d'un personnage sur l'événement. Mais ce côté explicatif est vraiment lourd, il joue d'ailleurs trop sur le pathétique en ne cessant de rappeler la tristesse de la disparition du Daily Planet.


Enfin, dernier défaut de ce numéro, le méchant de l'intrigue reste obscur et finalement anecdotique tout le long. Il arrive de nulle part, il est finalement expédié sans que l'on en sache plus sur lui. Il restera mystérieux et inintéressant de bout en bout. Simple prétexte finalement, il est l'opposant nécessaire à un récit de super-héros, on l'utilisera quand même symboliser davantage encore la destruction du Daily Planet. Comme si cela n'avait pas déjà été rabâché...


Un premier numéro dont la lecture fut donc perturbante et laborieuse mais je garde espoir sur la série car j'apprécie par contre l'idée de se centrer davantage sur Clark Kent et sur le métier de journaliste, en espérant que le texte se révèle cependant plus efficace et moins descriptif/explicatif par la suite.



  • N°2 : Flying Blind


Beaucoup moins de choses à dire malheureusement sur ce deuxième numéro. Certes la lecture est beaucoup plus fluide et malgré un certain nombre de dialogue, le tout sonne beaucoup moins verbeux, moins de textes descriptifs et explicatifs. Le problème c'est que ce n'est pas très intéressant. On commence par une scène entre Superman et le général Lane, ce dernier toujours très méfiant et opposé à Superman. Rien de nouveau sous le soleil et pire, cette scène semble quelque peu gratuite. Elle est justifiée scénaristiquement par une discussion sur les origines à propos de l'opposant du numéro précédent, sauf que finalement, on n'apprend rien de nouveau, on ne sait rien de plus sur celui-ci. S'en suit une petite scène au Daily Planet, entre Clark et Lois, celle-ci semble prendre toujours plus de distance malgré une petite déclaration du respect qu'elle éprouve envers Kent. Clark semble toujours plus seul, définitivement classé dans la catégorie des amis qu'on regarde avec un peu de condescendance et d'affection. Certes, c'est narré de manière moins déprimante que dans le précédent numéro, mais je reste toujours peu convaincu de la pertinence de commencer ainsi un reboot sur l'homme d'acier. On se retrouve avec un état de la relation entre Lois et Clark, pleine de références à des événements qu'on ne connait pas, semblant s'intégrer dans l'ellipse de cinq ans.... C'est à travers cette série que je me rends compte à quel point cette ellipse est nuisible, ajoutant mille incohérences chez Batman, et empêche les bases de certaines séries d'être bien solides, notamment dans celle-ci. Même si elle semblait nécessaire pour permettre la sortie de la série Justice League en parallèle. Les super-héros ne peuvent pas à la fois débuter leur existence et tout de suite créer la Justice League...


Bref, des scènes qui semblent soient gratuites jusqu'ici, soient fondées sur ce qui ne nous restera jamais que suggéré. Et enfin, l'événement principal de ce numéro, la plus grosse déception paradoxalement. L'opposant du numéro arrive comme celui du précédent, sorti de nulle part, sans raison, affronte Superman qui finit par le vaincre, et ce dernier qui finit par disparaitre. Encore un combat sans intérêt, rapide, expédié, sans tension, puisque les enjeux ne sont pas introduites, ni les vilains, ni leur motivation. Alors certes le numéro se termine par une petite scène mystérieuse qui nous suggère qu'il y a plus derrière ces petits combats qu'on ne le pense. Mais en attendant, une révélation qui a intérêt à être à la hauteur, le fait est qu'on regarde de manière très distante des péripéties qui manquent de profondeur et d'intensité.



  • N°3 A Cold Day in Hell


J'ai finalement commencé à vraiment être pris dans le récit à partir de ce troisième numéro. J'ai d'ailleurs à partir de là enchaîné jusqu'à la fin du volume. La première page nous montre Clark Kent se recueillant sur la tombe de son père. Comme beaucoup des choix concernant le Superman des New 52, l'idée ne me satisfait pas réellement. Je regrette encore qu'un événement aussi important n'est finalement pas été traité dans ce reboot mais reste présenté comme un fait accompli. Cependant, je trouve qu'enfin Clark Kent apparait plus touchant et donc attachant, ce qui lui manquait cruellement, cet effet est renforcé par la page où celui-ci est muet. Nul mot n'est nécessaire pour exprimer la douleur de perdre son père. Nul mot de la part de Clark Kent mais faut pas déconner, on a encore du texte, c'est la spécialité de ce volume. Cette fois cependant, quoique peu original, c'est la présentation d'un reportage remettant en cause les bienfaits qu'apportent Superman à Métropolis. Honnêtement, c'est aussi du vu et revu, cependant, avant d'interroger l'utilité du héros et son possible aspect néfaste, le reporter introduit le passé du personnage. On multiplie alors les petites scénettes, résumées en une ou deux cases, les grands exploits accomplis par Superman durant les cinq années d'ellipse, ceux qui lui ont permis d'être accepté et admiré par la ville globalement, il y a toujours des détracteurs comme ce reporter. A nouveau, je reste très circonspect. D'un côté, je ne peux me plaindre d'avoir enfin quelques informations sur ces cinq années qui nous sont tues. Cependant trois points me gênent malgré tout.
Premièrement, c'est tout de même bâclé, on nous résume des événements si succinctement, qu'il n'y a finalement là aucun plaisir narratif réel. Ces cinq années auraient mérités bien mieux (et le numéro zéro qui sortira dix numéros plus tard n'est pas suffisant).
Deuxièmement encore une fois, Superman est présenté à plusieurs reprises comme s'opposant à la police, ne suivant donc pas totalement la loi. Non pas à cause de quelque machination l'ayant décrédibilisé temporairement, machination qui sera mis à jour, mais par incompétence si l'on peut dire à percer à jour la malfaisance d'une des figures de proue de la ville. C'est pour moi un problème de caractérisation très grave car Superman est celui qui améliore la société en agissant de concert avec celle-ci. C'est le travail d'un Batman qu'on a là. Celui-ci constate que quelque soit la société mis en cause, elle ne pourra jamais éradiquer les injustices si chaque individu ne prend pas ses responsabilités pour agir, Batman, c'est justement cette idée forte qu'on ne peut pas se reposer sur un système quelqu'il soit. Superman au contraire, c'est en effet le patriote, beaucoup détestent le personnage à cause de cet aspect, c'est qu'il ne comprennent pas bien en réalité, la subtilité du propos. Superman croit en la civilisation, croit dans les sociétés, dans les macro-structures qui finalement régissent et modèlent la vie des individus. C'est une réalité tout aussi prégnante que celle soutenue par Batman. A partir de ce constat, Superman doit être celui qui regarde sa propre culture d'adoption, occidentale et plus précisément américaine, et y cherche les aspects positifs. Et, il n'est en effet pas très difficile de voir les aspects positifs de notre société, bien qu'en Europe, on aime à se concentrer sur nos propres aspects négatifs (colonisation, libéralisme économique...). Bref, toute l'essence même de Superman le pousse à soutenir les institution les plus positives de la société américaine, parmi celles-ci : la police ayant pour but de protéger les citoyens, le journalisme d'investigation permettant de révéler les vérités masqués par les hommes de pouvoir et la république, permettant aux nombreuses petites voix de compter plus, techniquement, que les quelques gros portefeuilles (en théorie). Et oui, quand cela est mal traité, cela peut être manichéen. Mais toute position traité bêtement amène au manichéisme. En réalité, soutenir ces institutions, c'est aussi régulièrement leur rappeler ce qu'elles doivent être, leur éviter de se pervertir en oubliant leur nature et leur vocation. C'est pour ça qu'en soit la thématique abordée dans ce volume du dévoiement du journalisme d'investigation me plait en soi et qu'il est en effet du rôle de Clark Kent de lutter contre cette perversion de l'institution. La thématique est d'ailleurs terriblement actuelle, surtout aux états-unis. En effet, le journalisme d'investigation qui oeuvra au Water Gate sous Nixon a quasiment disparu pour laisser place à un sensationnalisme journalistique, rabâchant des jours durant en boucle la même information pour l'oublier définitivement quelques jours plus tard face au nouveau sujet à la mode. Et même aujourd'hui quand il se prétend d’investigation, le journalisme consiste surtout à s'acharner sur quelque figure honnie, en balançant toute information sans vérification réelle. Face à une telle situation, contrairement aux idées reçues, Superman n'a jamais été aussi moderne. Alors oui deux positions restent tenables face à cette question . Soit considérer comme Clark Kent qu'un journalisme de qualité, recherchant avant tout la vérité, est toujours possible, bien que pour cela advienne, il faille livrer un rude combat contre la solution de facilité et vouloir revenir sur les dérives négatives qui n'ont cessé de s'amplifier dans le monde médiatique. Soit considérer comme Batman, qu'on ne peut lutter contre la dérive du système qu'en prenant ses propres responsabilités, en refusant le système médiatique et en faisant preuve d'un très rigoureux esprit critique dans notre recherche d'information. Les deux positions ne sont d'ailleurs pas si incompatibles. Les deux positions sont cependant très intéressantes à argumenter. Or dans ce numéro et plus généralement dans ce volume, Superman apparaît comme davantage un rebelle, un marginal isolé, qu'un membre constructif, essayant de changer les choses de l'intérieur. Sur ce plan-là, il n'excellera jamais.
Troisièmement, la position du journalisme apparait bien trop fondée. Elle consiste à soutenir que Superman sauve principalement Métropolis des problèmes et ennemis qu'il attire lui-même. Et que malgré ses réussites, il reste des victimes. Est-ce le résumé des actions de Superman durant les cinq années d'ellipse qui est biaisé et nous montre davantage cet aspect des choses ? C'est malheureusement la seule source d'information que nous ayons sur celles-ci, de plus, les vilains de ce premier volume semblaient clairement prendre pour cible l'Homme d'Acier. Malheureusement, il semble avoir raison. C'est l'une des dérives des comics que j'apprécie peu, particulièrement présente au cinéma, mais aussi dans les comics. L'existence des super-héros est trop souvent la cause des problèmes qu'ils résolvent. Les comics se déconnectent ainsi de notre réalité pour privilégier des perspectives intradiégétique. On apprécie le récit en soi et non pas pour ce qu'il nous apporte. Quand je regarde les films de super-héros au cinéma, je remercie dieu qu'ils n'existent pas dans le monde réel. Ils n'apporteraient aucun espoir, aucune source d'inspiration, mais serait simplement des monstres sur-puissants qu'on aimerait éviter de croiser toute notre vie parce qu'ils sont synonymes de catastrophes.


Le récit enchaine avec l'apparition d'un troisième opposant, un monstre de glace. Là encore, sorti de nulle part, et semblant une simple réplique parallèle du premier monstre de feu, ce récit ne devrait donc pas être plus divertissant, pourtant il l'a été pour moi pour deux raisons principales.
Tout d'abord, les enjeux émotionnels sont plus importants, puisque des collègues et amis de Clark sont directement impliqués. D'ailleurs le béguin éprouvé par sa collègue, la rend attachante et finalement rend aussi plus attachant indirectement Clark Kent. Si les raisons du vilain sont tout aussi obscurs, l'implication du super-héros et la culpabilité qu'il ressent, ajoute en intensité à la scène. Enfin de manière plus basique, visuellement parlant, il y a un travail des couleurs bien plus intéressant lors de ce combat avec une forte dominance du bleu et du blanc. Les planches sont bien plus jolis, et la transformation en glace des gens et des bâtiments bien plus impressionnants. En figeant les personnages dans un état de panique, on ressent davantage encore les émotions.
Visuellement et scénaristiquement donc, malgré le défaut d'un opposant qui apparaît encore comme anodin, les enjeux émotionnellement sont bien plus présents dans cet affrontement.


Malgré tout, la fin du combat me laissa malgré tout encore un goût amer. Superman décide finalement de prendre le risque de peut-être tuer quelqu'un pour sauver la ville. C'est à nouveau, un problème de caractérisation. Superman n'accepte pas les compromis, ne négocie pas avec les terroristes pour reprendre le vieil adage américain contrairement là encore à un Batman qui se pose lui la question, quels compromis sont acceptables et lesquels ne le sont pas. Pour superman aucun compromis n'est acceptable, il est le symbole de l'espoir, un espoir absolu et non pas une négociation avec la réalité. Je ne crois pas que l'avenir de Superman soit dans la trahison de ce qu'il symbolise, ce n'est pas comme ça qu'on le sauvera, qu'on le modernisera, c'est au contraire comme ça qu'on oubliera petit à petit pourquoi il fut si important et plut autant.



  • N°4 : Mind for the Talking


Un quatrième numéro sympathique à lire, pourtant il ne s'y passe pas grand chose. La moitié du numéro se résume à une série d'interrogatoires. D'abord Jimmy et sa comparse par la police, puis Superman par la police aussi. Le voilà enfin collaborant avec les institutions en acceptant de répondre à leurs questions. Cependant, alors que le commissaire en chef vient le libérer, s'excuse au nom de la police et le remercie pour son aide, une phrase m'est restée en travers de la gorge. Le commissaire s'adressant à un policier lui demande s'il compte l'inculper ou non, et s'il compte l'inculper comment il espère pouvoir le retenir. Cette dernière partie de la réplique m'a choqué, grosso modo, ils n'inculperaient donc pas Superman par peur de lui. S'ils croyaient vraiment en ce que symbolisent Superman, ils considéreraient que même en étant inculpés, Superman accepteraient d'être incarcéré s'il le fallait plutôt que de remettre en cause le système. Bref s'en suit d'autres interrogatoires mais cette fois à la télévision, le reporter opposé à Superman tente d'éclaircir les événements et le combat du numéro précédent, en interrogeant à nouveau Jimmy et sa comparse, mais aussi Heather qui réapparait mystérieusement. Et bien que l'on sache, que quelque chose cloche chez cette dernière, en acceptant de mettre en péril sa carrière pour aider Clark, le personnage apparait à nouveau d'autant plus touchant. Rappelons que dans le numéro précédent, elle s'était retrouvée au mauvais endroit parce qu'elle avait accepté d'aider Clark Kent à propos d'un article visant à dénoncer des injustices sociales. Je n'ai pu m'empêcher de voir là une possible romance touchante entre les deux, j'aurais aimé que cette fois Superman succombe à une prétendante, plutôt que la prétendante succombe à ses maladroites avances sous l'apparence de Clark Kent.
La deuxième moitié du récit se termine par une confrontation du super-héros et des trois précédents opposants qui semblent le dominer et s'intégrer en lui. Banale, mais pourquoi pas.



  • N°5 : Menace !


Le cinquième numéro est un épisode assez troublant. Superman semble contrôlé par les trois précédentes entités souhaite sécuriser Metropolis en tuant tous ses anciens opposant qu'il avait emprisonnés pour éviter qu'ils ne puissent à nouveau représenter une menace. Et ses souhaits deviennent réalités, on assiste donc au massacre un par un, des anciens ennemis évoqués dans le troisième numéro. Tout le monde bien entendu semble perdu et paniqué face à cette effrayante version de Superman. Tout le monde se retourne contre lui, ses fans avec une incompréhension d'autant plus peinée. Et le lecteur aussi est fasciné, face à cet impensable. Même manipulé, on ne peut imaginer Superman tuer des gens, peut-être tenter de les tuer, mais finalement résister à la manipulation. Le précédent reporter opposé à Superman confirme ainsi publiquement sa position et finit par en faire les frais, car les criminels ne sont finalement pas les seules cibles de Superman. Ainsi se termine le numéro, Superman balançant un journaliste du haut d'un immeuble...


Oui le numéro est fascinant, il y a quelque chose qui relève presque du blasphème. Certes le mot est fort, mais c'est ainsi le ressenti lorsque l'on voit une idole, ce que sont les super-héros, ainsi désacralisée, souillée. Pourtant dans le fond, je ne peux m'empêcher de trouver que de voir le corps de Superman tuer est gênant si tôt dans un reboot. Nous, lecteurs, n'avons pas eu le temps d'avoir eu foi en ce personnage, nous permettant d'être agréablement surpris par un scénario qui nous déroute. On ne le connait pas assez bien, tout semble finalement trop possiblement réel. Et on ne peut imaginer alors que le public lui pardonne ou du moins lui fasse confiance à nouveau, qu'il soit manipulé ou non, que ce ne soit pas vraiment lui ou non. Il y a là comme un avertissement trop prégnant des dangers qu'il représente. Pour surmonter un tel impact psychologique, il faudrait un lourd passé entre la ville de Metropolis et le super-héros. Pourtant même avant cet événement, on voit malgré tout des policiers, des reporters remettre en cause la légitimité et l'utilité de celui-ci. La ville finalement ne lui accorde pas suffisamment confiance pour qu'un tel événement ne puisse avoir des conséquences conséquentes et irrémédiables, changeant totalement le statut-quo du super-héros. Et à nouveau, nous sommes dans le premier volume d'un reboot, déjà déroutant par bien des aspects dans les deux séries consacrés à celui-ci, c'est le moment d'introduire le personnage et non pas de bouleverser à la fin du premier volume, le statut-quo déjà bouleversé par le reboot en début de volume.


N°6 : The Measure of a Superman


In extremis Supergirl arrive pour sauver le journaliste qui allait s'écraser au sol et affronte finalement cette version maléfique de Superman. Cette dernière domine largement la jeune kryptonienne et les habitants de Metropolis à travers le journal télévisé assiste en même temps que le lecteur au massacre de Supergirl. Comme dans le numéro précédent, il y a une fascination assez malsaine à regardé horrifié le super-héros violenté ainsi une jeune femme, aussi kryptonienne soit-elle. Je trouve là encore que c'est un peu facile.
Un merveilleux Deus Ex Machina vient résoudre cependant la situation, Lois Lane crie le nom de Clark en espérant qu'il réponde au téléphone. Superman, le vrai, car oui en fait la version maléfique était une réplique, l'entend et réussit alors petit à petit à surmonter le contrôle mental de l'opposant. On apprend alors les origines et les motivations du vilain qui orchestra tout ce volume. En gros une histoire d'intelligence artificielle créée pour le bien d'un peuple, qui finit par mal tourné. Rien d'original. Superman bloqué jusqu'ici dans l'espace arrive donc pour sauver Supergirl de sa version maléfique et vainc très facilement celle-ci. Tout métropolis aperçoit donc le véritable Superman sauver la ville de l'imposteur. Tout le monde est rassuré et même le reporter qui s'opposait à lui précédemment finit par établir son éloge à la télévision....
Bien sûr comme je le disais, les événements sont si surprenant qu'on est happé dans l'histoire qui procure une lecture divertissante depuis le numéro trois. Cependant les événements se succèdent de manière trop gratuites, pire encore, les retournements de situations manquent de psychologie. Dans le numéro précédent, le massacre des anciens ennemis en prisons de Superman, la tentative d'assassinat du reporter, aurait dû marquer les esprits durablement. Mais ces morts sont finalement totalement oubliés, ils furent choquant l'espace d'un numéro pour n'avoir finalement aucune conséquence... Je trouve cela plus tragique encore de réussir à choquer le lecteur par une mort et finalement lui faire zapper l'événement un numéro plus tard. Le comics tombe dans le travers du journalisme moderne, combiner le pathétisme extrême et le zapping.


Le propos fondamental est même incohérent. La position du reporter, Superman est la cause des ennuis qu'il résout avec quelques rares victimes en bonus, est totalement justifiée par ce numéro. Superman avoue lui-même être la cause de cet ennemi. Des personnes sont mortes, ses anciens ennemis. Le journaliste n'a aucune raison de devenir un véritable admirateur du super-héros, au contraire, il a toutes les raisons de le détester davantage. Si, il y a une raison qui peut justifier psychologiquement son éloge final, la peur. La peur qu'il a éprouvé face au superman maléfique, et qu'il continuerait à ressentir involontairement face au vrai superman.


Et comme la conclusion de chaque numéro vient souvent me laisser un goût amer, la potentielle romance avec Heather est détruite. Me faisant compatir pour la pauvre journaliste et reprendre mes distances avec ce Clark Kent que je ne trouve finalement guère attachant.



Conclusion



Je tiens déjà à préciser que j'ai préféré ce premier volume de la série Superman au premier volume de la série Action Comics, scénarisé par Grant Morrison. J'aurais donc voulu la voir éditée en français. Cependant, ce premier volume échoue en tant que reboot à poser les bases du personnages. Utilisant l’ellipse de cinq ans des New52 comme prétexte pour bouleverser totalement le Statut Quo du personnage, il remet totalement en cause le principe du reboot. On se retrouve non pas avec une situation initiale originale, mais avec un bouleversement total d'une situation initiale qui nous est totalement inconnue. On ne comprend donc guère comment on en est arrivé là, pourquoi. Sachant que les personnages ont subi l'objet de bien des changements. La rebelle Lois Lane, le bougon réactionnaire Perry White, deviennent des naïfs abordant avec confiance le rachat de leur journal. Au contraire Clark Kent devient un rebelle dans l'âme, marginal, plongé dans une déprimante solitude. Aucun personnage n'attire finalement la sympathie. Clark Kent est trop déprimant pour créer un enthousiasme. Ses relations le sont aussi, Lois Lane le catégorise définitivement en tant qu'ami et la romance avec Heather, aussi sympathique fût-elle, est finalement avortée. Bref, une caractérisation des personnages à côté de la plaque, une ambiance régulièrement déprimante et un récit qui peine à divertir, bien qu'il finisse par nous plonger dans son récit petit à petit malgré un fond peu intéressant.

Vyty
7
Écrit par

Créée

le 27 févr. 2018

Critique lue 168 fois

Vy Ty

Écrit par

Critique lue 168 fois

D'autres avis sur What Price Tomorrow ? - Superman (2011), tome 1

What Price Tomorrow ? - Superman (2011), tome 1
Vyty
7

Un Reboot mal foutu avec un début laborieux pour finir divertissant pour de mauvaises raisons.

Introduction Alors que l'univers DC était plus ou moins entièrement remis à zéro par l'événement Flashpoint pour laisser place à une nouvelle ère communément appelée New 52, en France, Urban Comics...

le 27 févr. 2018

Du même critique

Death Note
Vyty
6

Une adaptation catastrophique mais un film simplement médiocre

Il faut avouer qu'on a rarement vu un film netflix autant descendu sur ce site : des critiques quasi-unanimement à charge et un 3,8 de moyenne !!!! Est-ce bien mérité ? Je ne pense pas. Il est...

le 31 août 2017

20 j'aime

Cursed : La Rebelle
Vyty
7

Beaucoup de clichés pour des bases paradoxalement très intéressantes a priori.

Curieux de la saison 2 de cette adaptation Arthurienne même si un Arthur noir m'a déboussolé autant que l'idylle entre Arthur et Nimue, (Vivianne, la Dame du lac), placée en héroïne principale... La...

le 20 juil. 2020

19 j'aime

Trigun
Vyty
7

Un sacré potentiel inexploité

Je viens tout juste de revisionner cette série pour la troisième fois. Et c'est toujours la même phrase qui me revient : Quel dommage ! Cet animé avait tout pour plaire, des personnages très...

le 29 déc. 2012

19 j'aime

3